
Voilà un film qui apporte un autre éclairage sur la situation économique et sociale en Grande-Bretagne. Loin de l’image de réussite que nous renvoient habituellement médias et politiciens, Ken Loach nous donne à voir l’envers du décor du libéralisme triomphant, à savoir la triste réalité pour des millions de travailleurs déracinés, exploités…et pauvres.
Angela (Kierston Wareing), « Ange » comme on l’appelle, travaille dans une agence qui recrute dans les pays d’Europe de l’est des candidats à l’exil, pour un travail et une vie meilleure en Angleterre. Au début du film, elle est en Pologne et fait passer des entretiens à des hommes, des femmes, jeunes et moins jeunes, à la chaîne, aidée d’une traductrice. Les affaires marchent, Ange s’investit.
Pourtant, à son retour, elle apprend qu’elle est virée, en fait parce qu’elle a violemment refusé de se laisser tripoter par son chef. 35 ans, mère célibataire – elle a laissé son fils de 11 ans à la garde de ses parents -, et désormais sans travail, Ange est également débrouillarde, ambitieuse, déterminée. Elle décide de créer avec son amie et colocataire, Rose (Juliet Ellis), sa propre agence d’intérim, recrutant pour le compte d’entreprises des travailleurs étrangers pour des tâches à la semaine, au jour, à l’heure. Ses bureaux : l’arrière-cour d’un pub, où se rassemble chaque matin la foule pressante des immigrés postulants au turbin à l’agressivité desquels elle doit parfois faire face.
On ne peut être qu’admiratif pour cette jeune femme qui à force de courage parvient à améliorer sa situation. Son envie, son but , est de gagner suffisamment pour récupérer la garde de son fils, gamin révolté et violent avec ses camarades à l’école. L’énergie d’Ange transperce l’écran. Mais, pressée par l’envie, et par la nécessité aussi de faire face à ses dépenses et ses obligations, comme entraînée dans une spirale, elle ira jusqu’à l’ignominie, prête aux pires bassesses pour sauver son gagne-pain. Pas de manichéisme cependant dans ce personnage. Par exemple, Ange refuse de franchir une certaine limite : elle ne fait pas travailler de sans-papiers (peut-être aussi par peur de la loi). On la voit à un autre moment prendre des risques pour aider une famille de clandestins. Malgré tout, à l’heure décisive, elle n’hésite pas à sacrifier la morale et l’amitié à la réalisation de ses objectifs.
Alors, ange ou démon ? Pas si simple. On ressent pourtant une sorte de joie mauvaise, de sentiment de justice, lorsque dans cette scène d’une grande tension, trois de ses « employés » viennent chez elle la menacer pour récupérer l’argent qu’ils lui réclament en vain depuis des jours. A ce moment, Ange croit avoir perdu son fils. On croit l’expérience rédemptrice. Aura-t-elle retenu la leçon ?
Au final, pas plus de morale à cette histoire qu’il n’y en a dans une assemblée de gros actionnaires décidant d’une délocalisation pour accroître les profits. Ou peut-être une, si, mais « naturaliste » : chacun doit lutter pour sa survie, les plus forts mangent les plus faibles, c’est la règle. Ken Loach réalise là une magnifique illustration de l’inhumanité de ce système qui produit bourreaux et victimes, chacun pouvant être l’un et l’autre, au gré des aléas de la vie et des fluctuations économiques. Alors, l’Angleterre, paradis libéral ?
Oh oui, que j’aime ce film ! On ne sait pas trop où se placer, exploiteur ou exploité… surtout que l’exploiteur se fait exploité. Bref, un film qui montre bien les vis de cette société.. qui ne prend pas en compte que l’homme n’est pas une marchandise.
Effectivement pas de manichéisme dans ce film, ce qui le rend d’autant plus réaliste et intéressant. Finement observé de la part de Ken Loach.
Merci pour ton commentaire Laure.