« A ce moment je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête. » Le narrateur, la soixantaine, décrit ainsi son frère atteint de schizophrénie. Installé paisiblement à la campagne avec sa compagne Livia et ses animaux, il continue inlassablement à essayer de comprendre son frère, à aller le chercher dans le puits sans fond de la maladie qui les éloigne. Leur relation est émaillée de crises de paranoïa, d’inquiétude mais aussi de tendresse infinie et d’instants lumineux. La poésie les rassemble : le narrateur est écrivain, son frère y trouve repos et réconfort.
« Le roitelet » est un roman extraordinairement délicat et poétique. La qualité d’écriture de Jean-François Beauchemin donne envie de souligner chaque phrase du texte. En de courts chapitres, il nous donne à voir, avec justesse et lucidité, la relation unique, profonde et en même temps fragile des deux frères. Malgré la gravité du thème abordé, le roman n’est jamais sombre, la grâce et la lumière l’habitent. Le narrateur vit une vie simple, il s’émerveille de la beauté de la nature, des animaux qui la peuplent. Il semble être arrivé à un moment de sa vie où l’harmonie règne, il ressent du bonheur à être en vie, à être au milieu de la nature avec ses proches et les fantômes du passé. La vie s’est écoulée mais le temps qui reste doit être apprécié, dégusté. « A l’ouest, le soleil glissait lentement sur le versant de la montagne. Je songeais encore une fois que le temps bien sûr m’était compté, mais qu’à tout prendre il m’en restait encore beaucoup. J’avais le sentiment d’entrer dans la dernière partie de ma vie comme on se glisse dans un soir d’été. »
« Le roitelet » est un texte magnifique, bouleversant, sensible, un bijou à l’écriture éblouissante.