« M. Proust est venu à la cuisine. Je le revois toujours. Il était seulement habillé d’un pantalon avec un veston sur sa chemise blanche. Mais tout de suite il m’a fait impression. Je vois ce grand seigneur qui entre. Il faisait très jeune -mince, mais pas maigre, avec une très jolie peau et des dents extrêmement blanches, et aussi cette petite mèche sur le front, que je devais toujours lui voir et qui se faisait toute seule. Et puis cette élégance magnifique et cette façon curieuse, cette espèce de retenue que j’ai remarquée ensuite chez beaucoup d’asthmatiques, comme pour économiser leurs forces et leur souffle. »
Celle qui décrit ainsi sa première rencontre avec Marcel Proust, est Céleste Albaret qui entre à son service en 1913 et y reste jusqu’à son décès en 1922. Ce livre est le témoignage des huit années qu’elle a fidèlement passées aux côtés de l’écrivain. Le mari de Céleste était l’un des chauffeurs de Marcel Proust et c’est c’est grâce à cela qu’elle entra à son service.
Céleste Albaret décrit la vie de l’auteur dans ses moindres détails, transparaît de son récit une admiration sans borne pour cet être d’exception. Elle nous présente l’écrivain comme extrêmement observateur, avec une mémoire colossale, une élégance suprême et beaucoup de générosité. Les première qualités lui permettent de construire son œuvre à partir du réel, de trier ses souvenirs et d’étudier ses proches pour ses personnages. Ce qui est frappant, c’est de voir que Proust a toujours été habité par son œuvre, par la certitude qu’il coucherait tout sur le papier. Il ne semble avoir vécu que dans ce but et une fois amassé assez de souvenirs, il s’est enfermé pour écrire. Il vécut comme un reclus, mangeant à peine jusqu’à l’écriture du mot « fin ». « Aujourd’hui, j’ai compris que toute la recherche de M. Proust, tout son grand sacrifice à son œuvre, cela a été de se mettre hors du temps pour le retrouver. Quand il n’y a plus de temps, c’est le silence. Il lui fallait ce silence, pour n’entendre que les voix qu’il voulait entendre, celles qui sont dans ses livres. » Des années passées dans sa chambre, à écrire la nuit pour mettre au jour sa cathédrale du temps. Son écriture est aussi fine et délicate que la dentelle des rosaces ou des pinacles gothiques. Chaque personnage est traité comme une chapelle richement ornementée. L’ensemble de la recherche est d’une grande cohérence et est effectivement un monument insurpassable de la littérature. Ce livre nous montre les coulisses de cette création hors-norme. C’est avec un respect infini que Céleste Albaret nous fait pénétrer dans l’intimité de Marcel Proust.
Le livre de Céleste Albaret est un témoignage riche et précieux sur le quotidien de Marcel Proust au moment de l’écriture de la recherche. Je le conseillerais avant tout aux amoureux de cet écrivain sinon la lecture peut devenir fastidieuse.
Merci aux éditions Robert-Laffont pour cette lecture.
Je vais me contenter de lire Proust.
Et ça sera déjà beaucoup !
Non, déjà que je n’ai jamais lu Proust… 😆
Oui c’est sur que ce n’est pas la peine de te lancer de celui-ci !
Sauf si tu organisais un challenge Proust… 🙄 nan, je plaisante !
Je ne peux pas, j’ai déjà lu toute la recherche !!
Waw, et tu y es arrivée en une fois ? J’ai une connaissance qui le fait, mais chapitre par chapitre, je dirais… petit morceau par tout petit morceau ! 😆
Non, je n’ai pas lu tout en une seule fois. Ce que j’ai fait, c’est un tome par été. Je voulais être sûre de ne pas attendre trop entre chaque volume et d’avoir l’esprit bien disposé. Je ne suis pas sûre que tout lire à la suite soit très profitable à l’œuvre, j’aurais trop peur de me lasser et pourtant j’ai adoré la recherche.
Bof, ça ne me dit rien 😦 mais je te félicite ! Oui, tout d’un coup, ce n’est pas faisable, faut être maso 😀
Je le note, même si ce n’est pas pour tout de suite. J’avais vu qu’il était réédité.
On peut le lire par petits bouts, c’est même sans doute mieux de le découvrir comme ça. En tout cas, c’est une bonne chose qu’il soit réédité.
C’est vraiment une bonne nouvelle de voir ce livre réédité, je l’ai lu il y a bien longtemps mais j’en garde un excellent souvenir et je l’ai reparcouru pour faire un billet avec un grand plaisir
Oui c’est une bonne chose, c’est un témoignante l’élément précieux sur les années d’écriture de la recherche.
Bonjour Titine, je me rappelle de Mme Albaret raconter les derniers instants de Marcel, c’était à la télé dans les années 60. Plus de 40 ans, elle en avait encore les larmes aux yeux. Bonne journée.
J’ai vu des extraits de cette émission et je me souviens de cette vieille dame qui parlait de Proust avec une tendresse et une émotion infinies. C’est incroyable l’amour et l’admiration qu’elle lui portait.
J’avais vaguement entendu parler de ce livre mais là, tu me donnes très envie de le lire ! Je suis une grande admiratrice de Proust, bien que je n’aie lu que les deux premiers volumes de la Recherche (et des écrits de jeunesse, et quelques lettres). Dès que je vois écrit « Marcel Proust » quelque part, j’ai des étoiles dans les yeux. Du coup je note ce titre pour l’ajouter à ma collection « proustienne » 🙂
Il vient d’être réédité et c’est un témoignage très intéressant sur l’écriture de Proust. Ce n’est pas non plus la vérité absolue sur lui, il y a des choses qu’elle ne veut pas voir ou pas admettre comme son homosexualité. Mais quand on aimé Proust, on est obligé de lire ce témoignage.
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