©Marion Pluss
Son jeu d’échec est posé là depuis des semaines. Des mois même. Les pièces ensommeillées sont méticuleusement rangées dans une boîte. Je n’ai personne avec qui jouer. Et je n’en aurais pas le cœur. C’est lui qui m’a appris à déplacer les pièces sur l’échiquier. Son jeu préféré. Il m’avait appris patiemment les règles et comment les dépasser. Il voyait les échecs comme une métaphore de la société : chaque pièce a son rôle à jouer, sa place immuable. Mais à l’intérieur de ces règles, tout était possible, chaque partie était différente de la précédente. Comme dans la vie quotidienne, il fallait y insuffler de la fantaisie. Et c’est exactement ce que je cherchais, un homme capable de rompre la monotonie des habitudes. J’avais gardé sur mon bureau une photo de mes parents sur la plage de Juan-les-Pins en 1973. Cette photo respire l’ennui et l’incommunicabilité. Tout ce que je souhaitais éviter dans ma vie de couple. Et pendant quinze ans, nous avons réussi à le faire, à lutter contre l’inévitable répétition des jours. Il faut beaucoup de créativité, d’imagination et d’énergie pour y parvenir.
Mais inévitablement, cela épuise, use même les plus résistants, les plus déterminés à lutter. Insidieusement la routine gagnait du terrain. Petit à petit, elle nous encerclait, nous enfermait. Une brume de morosité s’abattait sur nous.
C’est lui qui a réagi, qui s’est éloigné pour faire une pause. Du moins, c’est ce que j’espère. Nous nous sommes séparés en septembre en se donnant rendez-vous le 31 décembre. Une nouvelle année pour un nouveau départ. Un peu cliché mais il fallait bien se donner une date butoir.
Depuis, j’attends. Le temps s’est étrangement dilaté. L’attente m’anesthésie et me rend fébrile à la fois. Cette impression d’avoir vécu une vie entière en quatre mois qui pourtant ont passé si vite. La distorsion du temps, le quotidien et ses habitudes qui abrutissent et amollissent les repères temporels.
Et je suis là à attendre impatiemment. Les dernières heures auront été plus insupportables que les quatre derniers mois. La table est mise. J’ai fait les choses en grand. Notre plus belle vaisselle embellit la table du salon. Le champagne attend au frais. La dinde dore dans le four. Ce 31 décembre sera le plus beau ou le plus pitoyable s’il ne se montre pas. Les heures s’écoulent implacablement et toujours rien. J’entends les invités des voisins arriver les uns après les autres. Les rires en cascade, les bouchons qui sautent, les couverts qui s’activent. L’année se meurt dans les agapes.
Je guette ses pas dans l’escalier, surveille les allées et venues de la rue, vérifie que ma sonnette fonctionne bien. Que fait-il ? Les glaçons du seau à champagne ont tous fondu. Toujours pas là. J’ai envie de renverser la table, de balancer son fichu échiquier par la fenêtre !
Le décompte avant minuit…il ne manquait plus que ça pour m’achever…
5… 4… 3… 2… 1…
Driiiiiiiiiiing !!!!!!!!!
Je souhaite un excellent réveillon à mes petits camarades d’atelier d’écriture et merci à Leiloona de l’avoir créé !
Oh la la, ce texte m’a fait frémir ! ouf pour la fin et bravo 😉
Merci, je suis contente de t’avoir tenue en haleine !
une dinde pour deux, il y aura des restes pour les jours suivants, ça tombe bien, ils ont mieux à faire que les courses ou la cuisine 😉
Je ne l’avais pas vu comme ça mais c’est une excellente idée ! 😉
Sympathique idée que celle de ce repas de réconciliation! J’aurai aimé avoir son avis à lui, un texte à deux voix! Ou alors une suite? Repas d’adieu ou nouveau départ?
Peut-être aurons-nous un jour la suite, cela dépendra des photos choisies par Leiloona ! Je ne voulais pas faire un texte à deux voix, je l’avais déjà fait avec la photo des deux personnes âgées au restaurant. Je ne voulais réutiliser cette idée tout de suite.
Il sait se faire attendre, le bougre, grrrrr
Il veut vraiment commencer une nouvelle année sur de nouvelles bases !
C’était moins une. Était-ce une stratégie pour s’assurer de gagner la reine?
Il faut savoir bien doser son attente : un peu pour faire monter le désir mais pas trop sinon le désir peut se transformer en colère !
Rolala jusqu’à la fin ! Grmblblbbllbl ! 🙂
Passe de belles fêtes de fin d’année. Merci à toi de participer à ces ateliers ! 🙂
C’est le prince charmant qui arrive sur les coups de minuit !!!
OuF ! Mais quelle torture de devoir attendre jusqu’à cette heure !
C’est une arrivée en fanfare avec les douze coups de minuit !
C’est bien la sonnette? C’est peut-être le téléphone? Bon réveillon.
Oui c’est bien la sonnette, je n’allais pas la laisser toute seule avec sa dinde !
Tu nous as bien tenu en haleine.
Merci Jérémy !
Heureusement que sa montre était à l’heure ! J’aime bien les histoires qui finissent bien, ou qui commencent, comment savoir ?
Je l’imagine derrière la porte depuis un moment à attendre que minuit sonne ! Mon petit côté fleur bleue !
J’aime ! bon il m’agace quand même d’arriver si tard, il se prend pour Liz taylor ou quoi ? Et la pauvre qui attend…
Bon réveillon à toi ! et à l’année prochaine !
Il sait ménager son effet ! C’est une entrée qui marque le début d’une nouvelle année et d’une nouvelle vie !
Et ça c’est formidable !!! 🙂
Il a soigné son entrée 🙂
Oui, elle ne risque pas de l’oublier celle-là !
Ouf! Ben dis donc, j’ai eu peur.
J’aime cette belle fin, et je leur souhaite le meilleur.
Il fallait bien que je termine cette année d’atelier d’écriture sur une note positive !