Une photo, quelques mots (159ème) – Atelier d’écriture de Leiloona

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Dans la torpeur de cette fin d’après-midi du mois d’août, deux corps sont enlacés, moites de chaleur et de plaisir. Julie se libère doucement de l’étreinte de Félix qui sombre dans la quiétude du sommeil. Elle se lève et s’enroule dans un drap. Elle relève sa lourde chevelure dont les mèches se collent dans son dos. Elle cherche un peu d’air, entrouvre les persiennes. Une vague de chaleur lui saute au visage. Elle referme rapidement et met le ventilateur en marche. La sensation de fraîcheur n’est qu’illusoire mais elle l’accueille avec gratitude. L’air, dégagé par les pales, sèche sa peau et celle de Félix.

Il est couché sur le ventre, alangui. La lumière déclinante effleure ses formes, ses muscles, sa peau au parfum de musc. Julie admire ce corps robuste et serein. Un corps palpitant de vie et de désirs. Elle observe le sien, ses creux, ses pleins. Un paysage à la topographie accidentée, aux formes généreuses. Un paysage qu’elle avait longtemps occulté. Un corps trop pulpeux qui attirait les regards libidineux et les mains baladeuses. Dans le métro, au travail, la pulsion scopique semblait irrésistible. Une main aux fesses par ici, un frottement de l’entre-jambes par là, on la serrait toujours trop dans les transports ou l’ascenseur. Julie avait la sensation d’être un objet, de n’être que ce corps, d’être dégradée.

Elle a alors choisi de cacher ce corps trop embarrassant, trop voyant, trop attirant. Des couches de vêtements pour oublier, se nier. Disparue la féminité ! Jusqu’à sa rencontre avec Félix. Son désir, son amour l’ont enveloppée, caressée, rassérénée. L’évidence de leurs deux corps ensemble a tout emporté sur son passage : sa honte, sa peur, son refoulement. Le corps de Julie existe à nouveau dans les yeux de Félix. Il prend sa pleine mesure. Il est là. Il désire. Il s’affirme et s’épanouit.

Dans la tiédeur de la fin de journée, elle va se blottir contre lui, le serre, le chérit.

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34 réflexions sur “Une photo, quelques mots (159ème) – Atelier d’écriture de Leiloona

  1. je comprends que l’on cache sa féminité si cela doit apparaitre comme une invitation, une provocation permanente. Sauf que ce sont les hommes qui ne sont pas bien dans leur t^te, pas nous. Cela me fait penser à cette femme en Syrie qui s’est baladée avec une armure aux formes généreuses pour bien rappeler aux hommes qu’il n’y a rien pour eux là dessous mais qu’elle a le droit de ne pas se cacher

    • On essaie d’acquérir une certaine tranquillité en se cachant mais ce sont effectivement les regards des hommes portés sur les femmes qui posent problème. Aucune femme ne devrait avoir à se poser la question de la manière dont elle s’habille.

  2. Femme, l’objet des endroits fréquenté. Changer les mentalités n’est pas mince affaires même dans le pays des droits de l’homme. Égalité où es-tu ? n’es-tu point caché derrière le mot respect.

  3. Joli texte.
    J’avais écrit tout un commentaire sur le fond, mais finalement, je n’ai pas trop envie de débattre sur le sujet. 😉

  4. Joli texte… Les femmes qui se cachent, c’est une triste réalité mais c’est quelque chose qu’il faut combattre. ça ne devrait pas exister !

    • Non, ça ne devrait pas exister surtout dans un pays comme la France. Mais nos sociétés modernes ne font rien pour éviter que la femme ne soit plus considérée comme un objet, il suffit de regarder les publicités. Il y a encore du travail !

  5. Juste et bien illustré. On ressent bien l’image dans le texte et la sensualité qu’elle dégage. Félicitations !

    • Merci beaucoup, je pense qu’effectivement un certain nombres de femmes se posent la question de leur façon de s’habiller surtout lorsqu’elles prennent les transports à l’heure de pointe et c’est bien triste.

  6. L’habit ne fait pas la moinesse! Non, je rigole. Moi, cette obligation de cacher son corps me rend furieuse! Ceux qui ne veulent pas voir le corps d’une femme, ont peur de ne pas pouvoir dominer leurs instincts primaires! Ce sont eux qui devraient se cacher; c’est plus facile de s’en prendre aux femmes et de les culpabiliser!
    Rendons aux femmes le droit d’être féminines! 🙂

    • C’est le même principe avec le foulard, si les hommes ne peuvent se retenir, qu’ils prennent du bromure en permanence !!! Et ce sont effectivement toujours les femmes qui doivent se sentir coupable d’être trop féminine ou trop sexy.

  7. Pingback: Atelier d'écriture autour du sexisme | Bric à Book

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