Une photo, quelques mots (224ème) – Atelier d’écriture de Leiloona

valises© Leiloona

Lady Susan Wentworth luttait pour garder son calme. Vingt cinq ans passés aux côtés de Lord George lui avaient appris à toujours sauver les apparences. Mais aujourd’hui, devant les bagages de sa fille Emma, le contrôle de soi était difficile à conserver. Lady Susan avait envie de pleurer, de crier.

Tout était allé très vite, sans qu’elle ait pu empêcher quoi que ce soit. La guerre n’avait pas réussi à son époux. Des investissements hasardeux avaient quasiment ruiné la famille. Tous les espoirs reposaient sur les épaules de Matthew, l’aîné, l’héritier. Mais celui-ci s’était engagé en pensant que la guerre ne durerait pas. Matthew n’était pas revenu des tranchées de Verdun.

Lady Susan avait bravement supporté ces deux épreuves. Elle avait fait front grâce à sa fille Emma. Toutes deux s’étaient rapprochées face à la tragédie qu’était la mort de Matthew. Lord George se consolait de la perte de son fils en buvant du whisky dans son club. Il y passait tout son temps, se préoccupant peu de la douleur de sa femme ou de celle de sa fille.

C’est durant l’une de ses soirées au club qu’il rencontra Ian Macdonald, propriétaire d’un domaine à Glen Suilag en Écosse. Contrairement à Lord George, Ian MacDonald était prospère, ses affaires florissantes. Et parfois le destin semblait mettre en relation les bonnes personnes au bon moment.  Macdonald cherchait à marier son fils à une famille aristocratique anglaise afin d’acquérir un titre. Une alliance économique qui sauverait les Wentworth de la honte de la ruine.

Et voilà comment en trois mois, Emma se retrouvait marié à un parfait inconnu. Comme Lady Susan aurait voulu éviter à sa fille de connaître ce qu’elle avait elle-même vécu : la déception et la grande solitude d’un mariage arrangé. Comme elle aurait aimé que le monde changeât plus vite pour sauver son dernier enfant de conventions archaïques.

Lady Susan passa sa main sur les bagages en cuir de sa fille. Elle ne put, cette fois, réprimer ses larmes. Il en serait de même lorsqu’elle verrait sa fille s’éloigner d’elle à bord du train qui l’emmenait vers sa nouvelle demeure. Quand la reverrait-elle ?

Lady Susan se sentit soudain très lasse ; l’immense solitude qui l’attendait désormais l’accablait.

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18 réflexions sur “Une photo, quelques mots (224ème) – Atelier d’écriture de Leiloona

  1. Ouais ce monde ne va décidément trop vite que pour les mauvaises choses ! C’est bon de te lire le lundi matin 😉

    • Merci Stéphie, j’ai un peu honte je n’ai toujours pas eu le temps de lire les textes des autres participants… Oui, souvent les moeurs ne vont pas aussi vite que les hommes !

  2. Rho bah pourquoi elle ne va pas squatter le château écossais de sa fille ? Au moins, elle serait moins seule.

  3. Je suis d’accord avec Estelle. Lady Susan devrait se transformer en Madame de Sévigné qui séjournait très souvent chez sa fille au château de Grignan.

  4. cette histoire pourrait faire l’objet d’un joli film, la mère est au bord du précipice elle a elle-même été victime du même arrangement, il me semble que je n’aurai pas pu …

  5. Voilà une juste description d’une époque où les femmes, particulièrement d’un milieu aisé ou aristocratique, n’avaient pas beaucoup de poids sur leur destin….Alors elles rusaient, avaient des amants, ou dès la première grossesse annoncée partaient s’installer près de leurs filles pour de longs mois….Parfois le sort faisait bien les choses et de l’amour naissait d’un mariage arrangé….Souhaitons-le…..

    • Nous avons la chance de pouvoir choisir, je n’imagine pas l’horreur que cela devait être de devoir passer sa vie avec quelqu’un que l’on n’aime pas. Mais tu as raison, parfois le destin faisait bien les choses.

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