Bilan livresque et cinéma de février

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Février a tiré sa révérence, il est donc temps de faire mon bilan ! Sept livres et une bande-dessinée ont été lus durant ce mois. Je vous ai déjà parlé des « Voleurs d’innocence » de Sarai Walker à l’atmosphère gothique. J’ai eu le plaisir de retrouver des auteurs que j’apprécie tout particulièrement : Jean-François Beauchemin, May Sinclair, Agatha Christie et Malika Ferdjoukh. Grâce aux éditions Bartillat, j’ai découvert l’auteur autrichien Ferdinand von Saar dont je vous reparle très vite. Et je me suis enfin décidée à lire la série des Paul de Michel Rabagliati. Mieux vaut tard que jamais !

Côté cinéma, j’ai pu voir cinq films dont voici mes deux préférés :

Daaaaaali !

Le dernier film de Quentin Dupieux n’est bien entendu pas un biopic ordinaire. Le choix de Dali n’est pas un hasard, il est même plutôt évident tant l’univers fantasmagorique de l’artiste colle parfaitement à la folle imagination du réalisateur. Le film tourne autour de la possible interview (avec ou sans caméra!) du grand maitre dont l’égo est démesuré. Quentin Dupieux s’amuse avec des boucles temporelles, des rêves, des couloirs d’hôtel qui n’en finissent pas. L’évocation de Salvador Dali est parfaite, on se croirait dans l’un de ses tableaux. La fantaisie débridée de la mise en scène s’étend aux comédiens. Il n’y pas un mais six interprètes pour incarner Dali. Certains apparaissent peu dans le film et deux crèvent l’écran. Édouard Baer et Jonathan Cohen sont absolument incroyables et d’une drôlerie irrésistible. « Daaaaaali ! » c’est du Quentin Dupieux au carré : décalé, barré, onirique, drôle, ludique, absurde. Un régal en somme.

sans jamais

Pour son travail de scénariste, Adam se replonge dans les souvenirs de son enfance et retrouve des photos de la maison de ses parents. Ils sont morts tragiquement dans un accident de voiture lorsque Adam était enfant. Il y a tant de choses qu’ils n’auront jamais su sur lui. Adam retourne voir la maison de son enfance où ses parents l’accueillent à bras ouverts… A son retour, il fait la connaissance de Harry qui habite dans le même immeuble que lui. Une relation amoureuse se noue entre les deux hommes.

« Sans jamais nous connaître » est un film bouleversant sur l’impossibilité du deuil. La solitude profonde d’Adam frappe d’emblée. Sa difficulté à créer des liens vient de la perte de ses parents, de la peur de perdre à nouveau des êtres chers. Son besoin de consolation est immense et à ce titre les scènes avec ses parents sont fortes et touchantes. Pouvoir leur dire qu’il est homosexuel, qu’ils l’acceptent ainsi fait partie de la réparation du personnage. Chez Harry aussi, la différence a créé un fossé avec sa famille. Deux solitudes, deux écorchés vif se trouvent et s’aiment. C’est déchirant, plein de tendresse et de délicatesse. Les quatre acteurs principaux sont fabuleux : Andrew Scott, Paul Mescal, Claire Foy et Jamie Bell. La tristesse, la mélancolie imprègnent le film mais son message est celui d’un partage encore possible, d’une ouverture à l’autre indispensable pour continuer à vivre.

Et sinon :

  • « A man » de Kei Ishikawa : Rie tient une papeterie avec sa mère. Son premier mari est parti après la mort de leur deuxième enfant. Elle rencontre Daisuke, un bûcheron qui vient d’arriver dans la région. Ils marient et ont ensemble une petite fille. Cinq plus tard, Daisuke meurt dans un accident. C’est lors de ses funérailles que Rie apprend que son deuxième époux vivait sous une identité d’emprunt. La veuve charge son avocat, Akira Kido, de faire la lumière sur cette affaire. « A man » est un thriller maîtrisé qui interroge profondément l’identité. Plusieurs personnages cherchent à échapper à la dureté de la société japonaise, à ses préjugés (Akira est sans cesse ramené à ses origines coréennes) et à son besoin de performance. Une autre vie, une autre identité pour se réinventer et pour enfin être soi-même. Les sentiments ont bien du mal à percer la carapace de la bienséance sociale. Ce qu’exprime Kei Ishikawa sur la société japonaise est passionnant et sa critique est fine. L’intrigue n’est pas laissée de côté au profit de cette critique et de nombreux rebondissements rendent ce film très réussi.
  • « La zone d’intérêt » de Jonathan Glazer : Jouxtant le mur du camp d’Auschwitz, se trouve la maison du commandant en charge de ce lieu, Rudolf Höss. Il y vit avec sa famille : sa femme Hedwig et leurs enfants parfaitement blonds. La maison est grande, elle possède un jardin verdoyant et une piscine. Un endroit de rêve que Hedwig ne voudrait quitter pour rien au monde ! La fumée se dégageant des cheminées du camp ou les miradors ne semblent pas la gêner le moins du monde. Dans son film, Jonathan Glazer a choisi de ne pas montrer ce qui se déroule de l’autre côté du mur. Les atrocités restent hors-champ et pourtant elle ne cesse de s’imposer à nous. Le réalisateur a fait un gros travail sur le son : ordres hurlés, claquements, chiens qui aboient, tirs. Le quotidien de la famille Höss, qui est filmé de loin comme pour une étude d’entomologiste, est émaillé de rappels de la Shoah ; les vêtements récupérés, une bague trouvée dans un tube de dentifrice, un enfant qui joue avec des dents. C’est la banalité du mal que choisit de nous montrer Jonathan Glazer. « La zone d’intérêt » comporte quelques défauts (les scènes en caméra thermique n’apportent pas grand chose) mais le résultat est saisissant et surtout parfaitement glaçant.
  • « La bête » de Bertand Bonello : 2044, Gabrielle passe un entretien d’embauche pour obtenir un poste avec plus de responsabilités. Mais elle vit dans un monde où l’intelligence artificielle a pris le pouvoir et où les affects doivent être éliminés. Pour ce faire, la jeune femme doit subir un traitement de purification. Durant cette opération, elle va revivre les moments forts de ses vies antérieures. Bertrand Bonello nous fait voyager entre trois époques : 1910, 2014 et 2044 avec comme fil rouge l’histoire d’amour de Gabrielle et Louis. les époques s’entrelacent de façon très fluide et les genres cinématographiques également : film historique, thriller, SF, l’ombre de David Lynch plane sur plusieurs scènes. Inspiré de la nouvelle d’Henry James « La bête dans la jungle », le film de Bertrand Bonello porte sur les émotions et la peur que l’on peut ressentir à l’idée d’en éprouver de trop fortes. Léa Seydoux est exceptionnelle dans ce rôle et elle est bien accompagnée par George MacKay qui est captivant. Un peu long, un peu froid, « La bête » n’en reste pas moins un film ambitieux aussi bien au niveau narratif qu’esthétique.

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