Bilan livresque et cinéma de mai

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Le mois de juin est déjà là, il est donc temps de faire le bilan du mois qui vient de s’achever. Un mois de mai finalement bien rempli avec :

  • des bandes dessinées : le passionnant « Brancusi contre États-Unis » d’Arnaud Nebbache, « C’est chic !  » et « Notre cabane » de la talentueuse Marie Dorléans et le touchant « Lebensborn » d’Isabelle Maroger ;
  • des découvertes : le poétique « Un amour de poisson rouge » de Kanoko Okamoto, le joyeux « Juliette Pommerol chez les angliches » de Valentine Goby  et « De mes nouvelles » de Colombe Boncenne où l’amour de la littérature est mise à l’honneur ;
  • des habitués : « Vivarium » de Tanguy Viel dont la lecture n’a pas été facile, « Les cœurs bombes » de Dario Levantino qui m’a permis de retrouver la ville de Palerme et Rosario, « Le ciel ouvert » de Nicolas Mathieu dont l’écriture me séduit toujours, « Nos armes » le dernier roman plein de rage de Marion Brunet, « Hot milk » qui me permet de découvrir la Deborah Levy romancière et « Le maître du jugement dernier » du formidable et toujours surprenant Leo Perutz.

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Le 1er juin est également la date de lancement du mois anglais que j’ai le plaisir d’organiser avec Lou pour la 13ème année. Cette année, nous vous proposons une totale liberté dans vos choix de lectures, pas de programme, pas de rendez-vous imposés, juste le plaisir de vivre à l’heure anglaise ! Alors amusez-vous bien, profitez de ce mois anglais et nous avons hâte de vous lire !

Côté cinéma, voici mes films préférés du mois :

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David, grand séducteur, est importuné par les assiduités d’une jeune femme, Florence, follement éprise. Même si elle est très belle, David ne souhaite pas poursuivre cette relation et cherche à pousser Florence dans les bras de son ami Willy. C’est en tout cas ce qu’il lui explique longuement en marchant au bord d’une route. De son côté, Florence souhaite présenter David à son père. Les quatre protagonistes se retrouvent dans un restoroute.

Cette mince intrigue n’est qu’une des strates qui composent le dernier film de Quentin Dupieux qui est passé maître dans l’art de la mise en abime. Film dans le film, film sur un tournage, la réalité et la fiction ne cessent de se mélanger et de surprendre le spectateur. Les personnages changent, ne sont pas ce qu’ils paraissaient au départ. Pour incarner ce quatuor à géométrie variable, il fallait quatre grands acteurs : Léa Seydoux, Louis Garrel, Vincent Lindon et Raphaël Quenard font ici montre de toute l’étendue de leur talent. Un cinquième larron vient se joindre à cette troupe : Manuel Guillot joue le patron du restoroute. Dans cette satire souvent percutante du monde du cinéma et de son égocentrisme, ce personnage introduit de la gravité, de l’émotion et un brin de malaise. Beaucoup de thématiques actuelles sont également abordées dans « Le deuxième acte » ce qui donne de l’épaisseur à cette comédie fantasque et inventive.

Marcello-Mio

Chiara Mastroianni passe un casting pour Nicole Garcia et donne la réplique à Fabrice Luchini. La réalisatrice n’est pas satisfaite de la scène et demande à son actrice d’être plus Marcello que Catherine. Toujours renvoyée à sa prestigieuse ascendance, Chiara finit par avoir le cafard et rêve de s’effacer entièrement. Elle se met alors à s’habiller comme son père et à obliger son entourage à l’appeler Marcello. Le seul qui accepte de rentrer dans son jeu est Fabrine Luchini qui aurait aimer tourner avec le grand acteur italien.

Christophe Honoré s’amuse à brouiller les pistes dans son film où les acteurs jouent leur propre rôle ou presque. La perplexité, l’acceptation, la colère, chacun réagit de façon différente à la réapparition de Marcello. Le film suit Chiara dans une balade qui nous entraine jusqu’à Rome et est une belle évocation de la carrière de son père. « Marcello mio » est vertigineux, troublant dans ce jeu entre la réalité et la fiction. Chiara Mastroianni, actrice fétiche de Christophe Honoré, est absolument formidable, d’une fantaisie folle et d’une douce mélancolie. Le rôle était risqué et le pari est réussi. Il y a également beaucoup d’humour dans les répliques, les situations. Fabrice Luchini apporte beaucoup au film, il est pétillant et léger. Le film se déploie comme un songe habité par le fantôme de Marcello Mastroianni. Touchant, drôle, poétique, un régal de cinéma.

Et sinon :

  • Un homme en fuite de Baptiste Debraux : A Rochebrune, petite ville qui décline avec la probable fermeture de son usine, Johnny a disparu après le braquage d’un fourgon blindé qui a mal tourné. L’un des passagers est mort. Une capitaine de gendarmerie est chargée de l’enquête et le recherche activement. Elle n’est pas la seule puisque Paul, l’ami d’enfance de Johnny, est revenu dans sa ville natale pour essayer de l’aider. Le premier film de Baptiste Delvaux est une réussite. Il sait rendre parfaitement l’atmosphère tendue, explosive d’une ville au bord du drame de la désindustrialisation, du chômage et des horizons qui semblent soudain totalement bouchés. Sur ce fond social très fort vient s’inscrire une amitié dense et indéfectible entre Johnny, issu d’un milieu défavorisé et vivant avec une mère fragile, et Paul, bourgeois qui, devenu adulte, a fui son milieu pour devenir écrivain. Leur histoire se développe en flash-backs parfaitement distillés tout au long du film. Pierre Lottin, Bastien Bouillon et Léa Drucker partagent l’affiche de ce film noir et intense.

 

  • L’esprit Coubertin de Jérémie Sein : 2020, qualifié aisément pour les Jeux Olympiques, Paul ne pourra pourtant pas participé suite au baiser enthousiaste de sa coach qui lui refile la mononucléose. Notre champion de tir sera cloué au lit. 2024, cette fois Paul ne va pas rater sa chance. Son talent pour le tir lui promet à coup sûr la médaille d’or. Il est d’ailleurs la dernière chance de la France qui n’a récolté aucune médaille en dix jours ! Mais le très sérieux et rigide Paul va devoir partager sa chambre avec un athlète frivole et plein de charme. De quoi perturber sa concentration mais ce qui pourrait également lui permettre de perdre enfin sa virginité. Après nous avoir régalé avec la série « Parlement », Jérémie Sein nous offre une comédie potache sur les JO. On y retrouve la légèreté, l’esprit piquant de sa série. Le réalisateur s’intéresse surtout aux coulisses des JO, au village olympique qui ressemble ici plus à une cour de maternelle qu’à un lieu de préparation sportive. Les enjeux politiques et les récupérations du gouvernement sont moqués car les athlètes ne sont intéressants que lorsqu’ils gagnent. Benjamin Voisin, totalement méconnaissable, est drôlissime en champion de tir coincé et pas futé. Emmanuelle Bercot semble beaucoup s’amuser dans le rôle de sa coach hyper cool.

 

  • Jusqu’au bout du monde de Viggo Mortensen: Dans les années 1860, Vivienne Le Coudy, jeune femme indépendante, fait la connaissance de Holger Olsen, un immigrant danois. Ensemble ils décident de s’installer dans un endroit très reculé du Nevada. Leur maison se situe dans un canyon désertique. A peine le couple installé, Holger décide de s’engager dans l’armée nordiste laissant seule Vivienne. Pour son second film en tant que réalisateur, Viggo Mortensen choisit le cadre très classique du western. Mais ici, la place centrale est occupée par une femme, Vivienne, incarnée par l’éclatante et merveilleuse Vicky Krieps. Les hommes n’ont pas vraiment le beau rôle, entre le mari qui s’enfuit à peine installé, les membres officiels de la communauté tous corrompus et le fils brutal et violent du maire. Cette touche féministe et la performance de Vicky Krieps font tout l’intérêt de ce western.

 

  • Le tableau volé de Pascal Bonitzer : André Masson est commissaire-priseur dans une société de ventes aux enchères internationale. Il est aussi habile qu’odieux, aussi ambitieux que froid.  Une toile d’Egon Schiele aurait été retrouvé chez un jeune ouvrier chimiste de Mulhouse. André s’y rend avec son ex-épouse, elle aussi du métier, pour authentifier ce tableau et peut-être le mettre en vente. L’histoire du dernier film de Pascal Bonitzer semble improbable mais elle s’inspire de faits réels. L’œuvre, retrouvée miraculeusement, avait été volée à un collectionneur juif pendant la guerre. Avec des dialogues ciselés et un casting impeccable, le réalisateur nous plonge dans le milieu de l’art et dans la sombre histoire de certaines œuvres. Cela aurait du suffire mais Pascal Bonitzer s’éparpille en voulant changer de points de vue à plusieurs reprises (les aventures mythomanes de l’assistante d’André Msason n’apportent par exemple rien au film).

6 réflexions sur “Bilan livresque et cinéma de mai

  1. très beau bilan! Une amie voulait m’emmener voir Le tableau volé, mais ce que tu m’en dis me refroidit un peu…

  2. Pingback: Mois anglais – Juin 2024 – PatiVore

  3. Bonsoir Titine, concernant les films, Le deuxième acte même s’il ne vaut pas le précédent Daaaaaaali! vaut la peine pour les comédiens surtout Manuel Guillot et ses tremblements pour servir le vin. Le couple formé par Raphaël Quenard et Vincent Lindon assez inattendu est touchant. Sinon Un homme en fuite m’a plutôt plu malgré les mauvaises critiques. Bonne soirée.

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