Bilan livresque et cinéma d’octobre

octobre

Sept livres m’ont accompagnée durant le mois d’octobre et certains sont des merveilles :

-J’ai retrouvé avec grand plaisir Hadrien Klent et son personnage Emilien Long dans « La vie est à nous » dont le propos est toujours aussi réjouissant ;

-« Yellowface » de Rebecca F. Kuang à la narration maligne mais qui s’est révélé moins accrocheur que ce que j’espérais ; 

-J’ai découvert les trois premiers textes de Gabriella Zalapi qui forment une passionnante et subtile biographie familiale et dont le deuxième volet, « Willibald », a été un gros coup de cœur pour moi ;

-Autre coup de cœur de ce mois d’octobre, « La petite bonne » de Bérénice Pichat d’une construction et d’une sensibilité remarquables ;

-« Long Island » de Colm Toibin qui nous fait retrouver avec grand plaisir les personnages de « Brooklyn ». 

J’ai vu huit films durant le mois d’octobre dont voici mes préférés :

Souleymane

Souleymane n’a jamais le temps de souffler. Livreur à vélo, il pédale comme un fou dans les rues de Paris pour faire le plus de courses possibles. Le jeune guinéen sans papiers sous-loue le compte d’un autre qui doit lui reverser une petite part de ses commissions. Mais Souleymane doit sans cesse le relancer. Il a besoin de cet argent pour payer l’homme qui lui a écrit son « histoire », celle qui lui permettra d’obtenir ses papiers lors de son audition à la préfecture. En attendant cette date, Souleymane pédale, court après le car qui l’emmène chaque soir au centre social où il passe la nuit.

« L’histoire de Souleymane » est un film immersif, jamais la caméra ne quitte Souleymane. Le spectateur est en apnée de bout en bout jusqu’à la bouleversante scène finale où enfin Souleymane est assis, posé lors de son entretien à la préfecture. Le film est tendu, stressant tant la vie du jeune homme peut basculer en un clin d’œil (une commande refusée par une cliente par exemple). Il se bat, se débat pour rester digne, pour gagner le droit de travailler légalement, contre la moquerie des policiers, les rebuffades d’un restaurateur. Abou Sangaré incarne de manière remarquable Souleymane, il est formidablement émouvant et pour cause car cette histoire est très proche de la sienne. Un film humaniste, réaliste à ne pas manquer.

The outrun

A presque 30 ans, Nora revient s’installer chez sa mère dans les îles Orcades. Après avoir fui une famille dysfonctionnelle en raison de la bipolarité du père, la jeune femme quitte Londres où elle fait des études de biologie. L’alcool a peu à peu ravagé sa vie, son couple. Elle retrouve ses parents divorcés, son père vit seul dans une caravane et est berger, sa mère s’est réfugiée dans la foi. Les relations entre les membres de cette famille restent tendues et difficiles. Une opportunité va s’offrir à Nora : la Société Royale de Protection des Oiseaux lui propose d’aller observer le « roi caille » sur une île encore plus sauvage. Elle se retrouve quasiment coupée du monde, au milieu d’une nature rude et hostile.

Saoirse Ronan est à l’origine de ce projet d’adaptation de « L’écart » d’Amy Liptrot. La réalisatrice Nora Fingscheidt magnifie le texte avec des choix de réalisation pertinents. La rédemption du personnage principal est racontée de façon déstructurée, son passé et ses excès, sa plongée dans l’alcool apparaissent par brimes. Le personnage se dévoile petit à petit. La beauté infinie des paysages, l’apaisement qu’ils procurent, contrebalancent les images douloureuses du passé. Sur cet archipel du nord de l’Écosse, la réalisation se fait sensorielle, les bruits notamment sont essentiels et enveloppent le personnage. Saoirse Ronan est extraordinaire, époustouflante dans le rôle de Nora. « The outrun » est l’intense récit d’une guérison dans des paysages à couper le souffle et servi par une actrice extrêmement talentueuse.

Et sinon :

  • « Le robot sauvage » de Chris Sanders : Le robot Rozzoum 7134, dite « Roz » est envoyé sur une île sauvage. Étant un robot de services, Roz cherche une mission à remplir. Mais elle ne fait qu’effrayer les animaux qui peuplent l’île. Suite à un accident, elle se retrouve avec un œuf orphelin. Un oisin, nommé Joli-bec, en sort et Roz trouve alors un but : apprendre à nager et à voler à Joli-bec pour qu’il puisse rejoindre les autres oies au moment de la migration. Elle sera aider par un malin et sympathique renard. Les studios Dreamworks nous offre un magnifique récit d’apprentissage. Les décors luxuriants et magnifiques de  l’île sont peints et se mélangent parfaitement avec les animations en 3D. L’histoire est celle de l’apprentissage aussi bien de Joli-bec que de Roz mais aussi des autres animaux qui doivent apprendre à cohabiter pour survivre. « Le robot sauvage » est également une belle fable écologiste sur l’importance de la conservation de la nature (tout en ne cachant pas la dure loi de la chaine alimentaire). Des personnages attachants, de belles techniques d’animation, « Le robot sauvage » est une belle réussite.

 

  • « Barbès little Algérie » d’Hassan Guerrar : Malek s’installe à Barbès pendant la crise du covid. Sa boutique d’informatique est fermée et il essaie de travailler de chez lui en prodiguant des conseils à distance. Lui, qui a coupé les ponts avec sa famille restée au pays, il se retrouve au cœur de la communauté algérienne. Il finit par créer des liens avec les figures du quartier. Bientôt son neveu débarque pour passer un entretien à la Sorbonne. Son oncle le prend sous son aile d’autant plus que le dealer du quartier s’intéresse à lui. Hassan Guerrar montre à merveille la vie de Barbès, la gouaille de ses habitants, la solidarité mais aussi les petites magouilles et les grands trafics. Il y a beaucoup de chaleur, d’humour dans ce film même si un drame s’y  déroule. Les figures du quartier sont attachantes et Sofiane Zermani est absolument formidable dans le rôle de Malek.

 

  • « Sauvages » de Claude Barras : Kéria, 11 ans, recueille un bébé orang-outan qu’elle nomme Oshi. Sa mère a été tuée par des ouvriers de l’exploitation forestière qui est en train de s’attaquer à la forêt de Bornéo. La jeune fille va être encore plus sensibilisée à ce problème avec l’arrivée de son cousin Selaï, issu d’une famille nomade du peuple penan. Ses parents veulent le protéger du conflit qui les opposent à ceux qui détruisent leur territoire. « Sauvages » est le deuxième film d’animation de Claude Barras, « Ma vie de courgette » était une merveille de délicatesse. Il montre la découverte par Kéria de ses origines et des combats de sa mère trop tôt disparue. Le film n’est pas manichéen puisque la modernité de s’y oppose pas forcément à la nature sauvage et sa préservation. Parfois la technologie peut aider ! En plus de la beauté de la nature qu’il faut défendre, « Sauvages » parle de liens familiaux avec beaucoup de sensibilité.
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  • « Miséricorde » d’Alain Guiraudie : Jérémie est de retour dans son village des Cévennes. Il est revenu pour assister à l’enterrement du boulanger, qui a été son patron. Le jeune homme s’installe chez la veuve du défunt, Martine. Il revoit d’anciens camarades de classe comme le fils du défunt qui finit par s’inquiéter de son séjour prolongé chez sa mère. Les films d’Alain Guiraudie sont déstabilisants. « Miséricorde » fait penser au « Théorème » de Pasolini. Jérémie vient perturber la vie de son paisible village et réveille le désir de tous les habitants (prêtre compris !). Il n’a d’ailleurs pas besoin d’être assouvi et fonctionne surtout à sens unique. Sa présence dérange également et un meurtre sera commis dans les bois. Mais l’intrigue ne tourne pas au tragique, l’humour pince-sans-rire, l’amoralité et le fantasque restent de mise. Étrange, surprenant, perturbant, « Miséricorde » confirme le talent singulier d’Alain Guiraudie.

 

  • « Quand vient l’automne » de François Ozon : Vivant depuis longtemps à la campagne, Michelle est une retraitée pleine d’énergie, qui aime à se balader avec son amie Marie-Claude, à aller à la messe et surtout à recevoir son petit-fils. Sa fille Valérie vient justement lui emmener pour les vacances. Malheureusement, le repas se termine mal puisque Valérie finit à l’hôpital après avoir mangé les champignons cuisinés par sa mère. Leur relation était déjà tendue, l’incident jette de l’huile sur le feu. « Quand vient l’automne » a une ambiance chabrolienne, venimeuse comme les champignons cueillis par Michelle. Le drame couve, le trouble s’installe petit à petit autour de Michelle qui semble pourtant une grand-mère respectable et paisible. Hélène Vincent joue à merveille l’ambiguïté de son personnage, aussi rassurante qu’inquiétante. Michelle a choisi sa famille avec Marie-Claude et son fils sorti de prison, loin de la cruauté de sa propre fille. Thriller aux airs de chronique familiale, le dernier film de François Ozon séduit tout en souffrant de quelques longueurs.

 

  • « Lee Miller » d’Ellen Kuras : Un journaliste, dont on comprend rapidement son lien avec celle qu’il a en face de lui, interroge Lee Miller sur son parcours. Il s’attarde surtout sur la période de la deuxième guerre mondiale où la photographe décida de rejoindre le front pour le documenter. Le destin fascinant et incroyable de Lee Miller valait bien un biopic et on comprend la volonté de Kate Winslet de la remettre en lumière. Elle produit le film et interprète la farouche ténacité de la photographe. Le film est très didactique, trop classique pour cette femme si libre. Rien à reprocher à Kate Winslet mais la narration manque de subtilité, tout est très appuyé et certains moments sont gênants (celui où Lee Miller parle des violences sexuelles dont elle fut la victime enfant tombe comme un cheveu sur la soupe). Tant mieux si le film permet à un large public de découvrir le travail de la photographe mais Lee Miller méritait mieux.

 

 

 

 

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