Miss Letitia Primington, née en 1856, est une vieille fille qui vit avec ses parents dans leur manoir du Quietshire. Les années s’écoulèrent paisiblement pour Letitia jusqu’à son 40ème anniversaire. Elle attrapa un rhume qui lui fut fatal. Pourtant, elle se réveille dans son cercueil, fort heureusement seulement déposé dans le caveau familial. Letitia retrouve le chemin du manoir de Primington et découvre qu’elle n’est pas en 1896 mais en 1996 ! Elle y rencontre son arrière-petite-nièce qui porte le même prénom qu’elle. La jeune femme est avocate et elle vit seule. Letitia est certes un peu choquée par les mœurs (pas de chaperon) et les vêtements (plutôt masculins) de sa descendante, mais elle est également pleine de curiosité pour les avancées de la société anglaise.
« Une femme de demain » fut écrit en 1896 par Coralie Glyn, militante féministe et cycliste émérite. Son roman est un récit d’anticipation qui plonge une femme de la haute société victorienne dans le 20ème siècle. Le début du roman est très amusant. Personne n’est véritablement interloqué par le retour d’une femme morte cent ans plus tôt. Son intégration se fait de manière parfaitement naturelle sans que son histoire ne soit remise en question. La bienséance et la morale victoriennes s’opposent aux nouvelles mœurs imaginées par Coralie Glyn et la confrontation des deux mondes est souvent cocasse. L’autrice imagine également une ville de Londres plus aérée, moins grise et morne, avec de belles places et de beaux boulevards ressemblant à ceux de Paris. Il est possible de s’y promener en taxis aériens, en voiture électrique ou en bateau sur la Tamise dont les berges sont joliment arborées. Un ravissement pour Letitia !
« Une femme de demain » est également et avant tout une critique sociale, et notamment concernant la place des femmes. L’autrice invente une société plus égalitaire avec des salaires et des logements plus décents. Elle n’est pas non plus naïve : « Des pauvres, il y en aura toujours. Le mode de fonctionnement du capital et du travail, de la demande et de l’offre est tel que l’argent ne sera jamais divisé en parts égales. » Les femmes sont plus indépendantes en 1996 ; il n’est pas choquant qu’elles ne soient pas mariées et n’aient pas d’enfant. La question de l’instinct maternel y est également posée. Des clubs de femmes existent pour leur socialisation ; des logements pour les femmes âgées, seules et pauvres, ont également été créés. Fervente suffragette, Coralie Glyn a d’ailleurs ouvert ces deux types d’établissements. Ce côté social est par moments trop démonstratif et appuyé (par exemple, la longue conférence de la petite nièce sur les femmes) ; il éclipse par moment la fiction elle-même.
« Une femme de demain » mélange le roman d’anticipation et la satire sociale. La confrontation du XIXème et du XXème siècles est distrayante et pleine de malice. Malheureusement, les thèses modernes défendues par Coralie Glyn sont exposées longuement au détriment de la partie fictionnelle.
Traduction Leslie de Bont