Au mois de mai, j’ai eu le plaisir de visiter Charleston Farmhouse où Vanessa Bell, la sœur de Virginia Woolf, s’installa à partir de 1916 avec Duncan Grant et son amant David Garnett. Dans cette maison, magnifiquement décorée, se retrouvent tous les amis du groupe de Bloomsbury : Clive Bell, Lytton Strachey, Maynard Keynes, les Woolves comme les intimes appelaient Virginia et Leonard, Roger Fry, E.M. Forster, etc…
« Trompeuse gentillesse » est le récit de l’enfance d’Angelica Garnett à Charleston. Elle travailla sur son livre durant sept ans et elle y analyse de façon précise ses relations avec sa mère Vanessa Bell et le reste de sa famille. Le traumatisme majeur de la vie de la jeune femme est la révélation à 17 ans du nom de son véritable père. Elle pensait être la fille de Clive Bell mais Duncan Grant était son géniteur. Cette révélation ne fit que compliquer une relation mère-fille qui n’en avait pas besoin. Angelica relève un véritable problème de communication entre elles. Vanessa, qui ne manquait pas d’amour pour ses trois enfants et pour sa sœur, n’exprimait pas ses sentiments et avait des difficultés à les montrer. Virginia Woolf, comme sa nièce, était pourtant désespérément en attente de tendresse et de signes d’affection. Angelica dresse le portrait de sa mère avec beaucoup d’acuité et avec le plus d’objectivité possible. Elle montre une femme complexe, passionnée par sa peinture mais manquant de confiance en elle, trop modeste, amoureuse désespérée de Duncan Grant tellement plus léger, insouciant et sûr de son talent. Ce qui m’a surprise, c’est le manque d’ambition intellectuelle que Vanessa avait pour sa fille. On sait à quel point Virginia regrettait de ne pas pouvoir suivre ses frères à Cambridge mais Vanessa fait peu de cas de l’éducation. Sa fille étant celle d’un peintre génial, elle doit forcément être talentueuse dans ce même domaine, son avenir est donc tout tracé.
Angelica Garnett dresse de très beaux portraits des membres du groupe de Bloomsbury. C’est notamment le cas du couple Woolf. Virginia se révèle une tante attentive, aimante, malicieuse, perspicace, à l’imagination débordante. Leonard incarne une force morale inflexible, une autorité naturelle et un grand sérieux.
« Trompeuse gentillesse » est un livre passionnant pour tous ceux qui s’intéressent à Virginia Woolf et au groupe de Bloomsbury. Angelica Garnett donne un éclairage original et sans fard sur la vie à Charleston et nous offre des portraits très touchants des membres de sa famille.
Traduction Traduction Sabine Porte

