Dublin, années 80, Juno a 12 ans et c’est une boule de rage. Son père, alcoolique, comate toute la journée dans leur logement. Sa mère doit travailler sans arrêt pour que la famille ne sombre pas totalement. Elle est couturière mais ses clientes ne lui versent que de très modestes acomptes. A l’école, rien ne va non plus : Juno ne se laisse pas faire, elle se bagarre s’il le faut, se rebelle contre la sœur et le père de son école catholique. Ces deux-là infligent humiliation, punitions physiques à ceux qui sortent du rang. C’est le cas de Sean, un garçon timide et frêle qui se voit affliger de rubans roses devant toute la classe. Juno vole à son secours et nait alors une indéfectible amitié avec Sean qu’elle rebaptise Legs.
« Juno et Legs » (en vo « Juno loves Legs ») est le deuxième roman de Karl Geary et Juno est la narratrice de cette histoire déchirante. Un drame terrible va séparer les deux enfants qui ne se retrouveront que des années plus tard. La misère sociale, le peu d’entraide dans le quartier où vit Juno sont frappants, la brutalité et l’autoritarisme des religieux l’est encore plus. Comment deux enfants comme Juno et Legs peuvent-ils se construire dans un tel environnement ? Nous assistons à la chute de ces deux écorchés vifs. Le tableau est très noir mais Karl Geary ne tombe pas non plus dans le mélo larmoyant grâce à son écriture vive, rythmée et à la lumière que constitue l’amitié de Juno et Legs. Des images très fortes restent à l’esprit lorsque l’on referme ce roman comme celle de deux gamins qui sèchent l’école pour se balader dans les rues de Dublin, une bouffée de liberté dans un quotidien gris et violent.
« Juno et Legs » est un splendide et tragique roman de formation, aux personnages incroyablement incarnés que l’on aimerait sauver. « Vera », le premier roman de Karl Geary publié en 2017, est dans ma pal, il devrait plus y rester bien longtemps !
Traduction Céline Leroy

Ça n’a pas l’air follement gai, mais tu m’as bien donné envie de le lire quand même…