Bilan 2024

Une nouvelle année pointe son nez, l’heure du bilan 2024 est donc venue. Le total de mes lectures se montent à 105 livres (romans, BD, albums confondus). Il est toujours difficile de choisir mais j’ai conservé six romans qui ont été des coups de cœur :

Best romans

1-« La petite bonne » de Bérénice Pichat : remarquablement écrit dans une langue poétique et merveilleuse, ce roman raconte la rencontre de trois solitudes avec délicatesse et pudeur.

2-« Willibald » de Gabriela Zalapi : dans ce roman, l’autrice poursuit son exploration de son histoire familiale commencée avec « Antonia » et poursuivie par « Illaria ». Les trois textes m’ont enchantée mais j’ai été encore plus touchée par Willibald, ce personnage élégant, cosmopolite, mystérieux au destin tourmenté.

3-« Sur l’île » d’Elizabeth O’Connor : un premier roman qui déploie une atmosphère et une écriture d’une rare beauté pour nous parler du destin d’une jeune femme sur une île sauvage et hostile du Pays de Galles à la veille de la seconde guerre mondiale.

4-« Ironopolis » de Glen James Brown : encore un premier roman qui sidère par la maîtrise de son auteur. La construction est époustouflante, elle mélange les genres littéraires, brasse les époques et les générations pour dresser le portrait d’une ville ouvrière du nord de l’Angleterre.

5-ex-aequo : « Sous la menace » de Vincent Almendros, un roman à l’atmosphère lourde, inquiétante et qui se révèle totalement glaçant. « D’acier » de Silvia Avallone, ce roman réaliste, social met en scène deux adolescentes qui vont perdre leurs illusions et leur insouciance dans une ville frappée par la désindustrialisation.

J’ai achevé cette année 2024 avec trois formidables titres des éditions du Typhon qui montrent à quel point cette maison d’édition est précieuse et son catalogue varié : « Un plan simple » de Scott Smith qui décrit un engrenage sanglant et infernal, un polar bien noir comme je les aime ; « Roman de Ronce et d’Epine » où la talentueuse Lucie Baratte nous emmène à nouveau dans l’univers du conte aux côtés de sœurs jumelles plongées dans une forêt mystérieuse et menaçante ; « Muncaster » de Robert Westall où une gargouille de cathédrale sème le trouble chez un cordiste venu réparer la girouette.

Pour les albums et bande-dessinées, j’en ai sélectionnés cinq :

Best albums

1-« Copenhague » de Pandolfo et Risbjerg : réjouissante, loufoque, drôle, tendre, cette bande-dessinée, dont l’intrigue est une enquête autour de la sirène de la capitale danoise, est un pur régal.

2-« Rose à l’île » de Michel Rabagliati : Paul part s’isoler sur une île de l’estuaire du Saint Laurent, sa fille l’y rejoint. Ce premier roman illustré de Michel Rabagliati est le récit lumineux et doux d’une reconstruction au cœur d’une nature accueillante et luxuriante.

3-« King Winter’s birthday » de Jonathan Freedland et Emily Sutton : Emily Sutton est l’une de mes illustratrices préférées et son dernier album est une merveille. Ce conte met en avant le respect de la nature et du rythme des saisons. Il parle également de la douleur d’être séparé des siens.

4-« La route » de Manu Larcenet : le dessinateur adapte le roman de Cormac McCarthy avec brio et rend parfaitement l’atmosphère violente, menaçante et sombre de ce monde dévasté.

5-« Les Pizzlys » de Jérémie Moreau : encore un titre où la place de la nature est prépondérante et qui montre les ravages du changement climatique. Le travail sur la couleur, le graphisme de l’album m’ont totalement séduite.

Best ciné

Mon année de cinéma a été marquée par cinq films et ce sont deux films d’animation qui arrivent en tête :

1-« Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau » de Gints Zilbalodis : un chat va devoir affronter une montée des eaux subite et va trouver de l’aide auprès d’autres animaux. La qualité de l’animation, la beauté des décors et paysages font de ce film un bijou qui rappelle l’univers d’Hayao Miyazaki.

2-« Mon ami robot » de Pablo Berger : l’histoire d’une amitié improbable entre Dog et un robot commandé sur internet, que de tendresse et de délicatesse dans ce film dont les personnages sont infiniment touchants. Et la bande-son des années 70-80 est top !

3-« L’histoire de Souleymane » de Boris Lojkine : un film immersif, haletant, tendu, bouleversant qui ne laisse aucun répit à son personnage, un jeune guinéen sans papier qui tente de survivre à Paris.

4-« The outrun » de Nora Fingscheidt : adapté du livre d’Amy Liptrot, ce film est le récit d’une rédemption, celle de son héroïne Nora qui doit se débarrasser de ses démons et part seule sur une île du nord de l’Ecosse balayée par les vents. La beauté des paysages, la construction du récit, le talent de Saoirse Ronan en font un film marquant.

5-« Emilia Perez » de Jacques Audiard : un pari fou et périlleux que cette comédie musicale qui raconte le changement de sexe d’un narcotrafiquant.  Pari réussi grâce à une mise en scène flamboyante, des actrices incroyables, une musique parfaite, Jacques Audiard n’est décidément jamais là où on l’attend.

2024 s’achève pour laisser la place à 2025, je vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année et une nouvelle année lumineuse, joyeuse, riche de rencontres, de lectures et de gourmandises !

Bilan livresque et cinéma de novembre

novembre

Voici les neuf livres que j’ai lus durant le mois de novembre :

-« Lune froide sur Babylon » qui m’a permis de retrouver le talent pulp de Michael McDowell et encore une fois la lecture de ce roman est réjouissante ;

-« Une femme de demain » de Coralie Glyn, une comédie originale, féministe mais dont le discours militante empiète un peu trop sur la fiction ;

-« Regardez-moi » est mon troisième roman lus d’Anita Brookner, une autrice que j’apprécie de plus en plus et qui décrit magnifiquement de la solitude de ses personnages ;

-« Retour à Belfast » de Michael Magee qui parle de l’Irlande du Nord d’aujourd’hui où les Troubles sont toujours présents et qui n’offre que peu de perspective à sa jeunesse. Un premier roman particulièrement réussi,

-« Les éphémères » d’Andrew O’Hagan qui évoque le Royaume-Uni sous Thatcher : la désindustrialisation, la pauvreté, les grèves mais également une vitalité musicale exceptionnelle,

-« Les morts d’avril » d’Alan Parks, je continue à découvrir les enquêtes du pessimiste et sombre McCoy dans le Glasgow des années 70,

-« La disparue de la réserve de Blakfeet » d’Anaïs Renevier qui fait partie de la série 10/18-Society sur les USA et qui nous montre le sort terrible réservée aux femmes amérindiennes,

-« Comment jouir de la lecture ? » qui est un court essai de Clémentine Beauvais sur la façon d’exprimer le plaisir provoqué par la lecture,

-« Alma, la liberté », enfin je lis le troisième et dernier tome de la série écrite par Timothée de Fombelle autour de l’esclavage, un régal !

Côté cinéma, j’ai vu six films durant ce mois de novembre dont voici mes préférés :

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Un chat noir s’abrite dans une maison vide plantée au milieu d’un luxuriant jardin. Peu à peu, l’eau de la rivière envahit ce dernier. Les flots grossissent de plus en plus et le chat est piégé. Il réussit à sauter sur une embarcation à la dérive. Le monde semble totalement englouti. Sur le bateau, où le chat noir à trouver refuge, se trouvent d’autres animaux naufragés : un drôle d’oiseau blanc, un capybara, un lémurien aimant les objets brillants et un labrador beige. Ensemble, ils vont devoir apprendre à survivre. 

Ce qui frappe d’emblée, c’est la très grande qualité de l’animation. Les décors sont splendides. L’embarcation navigue au milieu de ruines immenses, d’une nature foisonnante. On pense aux œuvres de Hayao Miyazaki pour la beauté des paysages et le côté irréel des vestiges. Les animaux sont très réalistes dans leurs attitudes, leur façon de se mouvoir. Aucune parole, ils ne sont pas anthropomorphiques. « Flow » est un apprentissage au vivre ensemble. Les espèces regroupées sur le bateau n’ont pas vocation à s’entendre mais ils apprennent à le faire pour survivre à la montée des eaux. Leur odyssée est esthétiquement bluffante et très touchante. 

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Des hommes reviennent de la chasse dans le maquis corse avec deux cadavres de sanglier. Parmi eux, une adolescente qui se charge d’éventrer l’une des bêtes et de sortir ses entrailles. Cette jeune fille aux longs cheveux se nomme Lesia et elle est la fille d’un chef de clan qui est recherché depuis plusieurs années. Quand Lesia veut rejoindre son amoureux sur la plage, sa tante l’en empêche pour la conduire dans la nouvelle planque de son père, Pierre-Paul. Le père et la fille vont vivre ensemble pendant plusieurs semaines. Leur clandestinité va être rythmée par le défilé des assassinats montrés au JT.

Julien Colonna connait parfaitement le milieu dont il parle puisqu’il est lui-même le fils d’un parrain corse. Il montre un monde exclusivement masculin où les mères, les femmes et les enfants gravitent en périphérie mais seront les premières victimes des règlements de compte entre clans. Le sang qui coule engendre toujours plus de violence et d’envie de vengeance. L’excellent idée de Julien Colonna est d’avoir placé au milieu des hommes une jeune femme, comme un corps étranger. C’est par ses yeux que nous découvrons la vie de Pierre-Paul et de ses acolytes. Ghjuvanna Benedetti l’incarne merveilleusement bien entre désir de vivre sa vie d’ado et celui de faire partie de celle de son père. Julien Colonna signe un formidable premier film, une tragédie violente et inéluctable. 

Et sinon :

  • « La plus précieuse des marchandises » de Michel Hazanavicius : Au fond de la forêt, en plein cœur de l’hiver, pauvre bûcheronne ramasse du bois pour réchauffer son foyer et faire cuire la soupe  qu’elle prépare chaque jour pour le retour de pauvre bûcheron. Lors de ses sorties dans la neige, elle voit passer de longs trains sinistres et elle prie le dieu des trains de bien vouloir lui donner un enfant. Le sien est mort en bas âge. Son vœu va être exaucé et elle va trouver un bébé tombé d’un wagon. Michel Hazanavicius n’est décidément jamais là où on l’attend. Il nous propose ici l’adaptation du roman de Jean-Claude Grimberg sous forme d’un film d’animation dont il a réalisé les dessins. L’émotion gagne le spectateur dès les premières minutes puisque le narrateur de ce conte est Jean-Louis Trintignant. Les autres voix sont également très bien choisies : Dominique Blanc, Grégory Gadebois et Denis Podalydès. Au cœur de l’horreur, dans cette forêt polonaise, l’humanité fait de la résistance face à la haine de l’autre. Le pauvre bûcheron va se laisser envahir  par l’amour pour ce bébé dont il ne voulait pas (la scène où il sent les battements de cœur de l’enfant dans les objets qu’il touche est bouleversante). Un ermite bourru, à la gueule cassée, sera également un magnifique personnage, une source de lumière dans la noirceur du monde. Le dessin se fait de plus en plus âpre, dur au fur et à mesure du film et de la découverte de ce qui se joue à quelques mètres de la cabane des bûcherons. Michel Hazanavicius évite tous les écueils et met en lumière les Justes et la force de la tendresse.
  • « Anora » de Sean Baker : Anora, dite Ani, est une escort girl de 23 ans qui officie dans un club de striptease de Brooklyn. La prestation peut se poursuivre si le portefeuille suit. Un soir, elle fait la connaissance de Vanya, fils d’un oligarque russe. Il s’entiche d’Ani et lui propose, moyennant finances, de passer une semaine avec lui. Durant ces journées, Vanya demande sa main à Ani qui voit là une opportunité de changer de vie. Les parents de Vanya envoie leurs sbires pour faire annuler le mariage. La comédie de Sean Baker prend toute son ampleur avec l’arrivée des trois pieds nickelés envoyés par les parents de Vanya. Ils nous offrent grâce à leur profonde maladresse des moments hilarants. Ils saccagent la maison de leur patron en essayant de contenir la fureur d’Ani, pendant que Vanya prend lâchement la fuite. Ils passeront une nuit à chercher le jeune homme dans une suite de scènes délirantes. Le début du film aurait sans doute être écourté au profit de cette seconde partie rythmée et très drôle. Il faut souligner la formidable performance de Mikey Madison qui incarne Anora avec une fougue ébouriffante et une énergie communicative. 
  • « Juré n°2 » de Clint Eastwood : Justin est désigné pour être juré à un procès. Il fait tout pour être éliminé car sa femme va bientôt accoucher et sa grossesse est à risque. Rien n’y fait, Justin sera le juré n°2 dans un procès pour meurtre. Un homme aurait tué sa petite amie une nuit au bord de la route après une dispute. En écoutant les différentes dépositions, Justin se rend compte qu’il est en réalité le coupable de ce meurtre. Si vous aimez les films de procès, « Juré n°2 » est pour vous. Clint Eastwood détaille le processus de la justice américaine : de la désignation des jurés jusqu’au verdict final. Comme dans « Douze hommes en colère », nous assistons à de longues scènes de délibération entre les jurés. Justin ne peut se dénoncer en raison de sa situation familiale mais il se refuse également à envoyer un innocent en prison. Le rôle de la procureure est également mis en avant. Malgré ses ambitions politiques, elle montrera un sens aigu de la justice. De facture classique, « Juré n°2 » est un film prenant sur la culpabilité d’un homme et la morale. 

 

  • « En fanfare » d’Emmanuel Courcol : Thibaut, chef d’orchestre de renommée internationale, a une leucémie qui nécessite une greffe de moelle. Sa sœur n’étant pas compatible, il se découvre un frère dans le nord de la France. Les enfants ont été séparés très jeunes et adoptés par des familles de milieux sociaux très différents. Un lien les unit pourtant immédiatement : la musique. Emmanuel Courcol signe une jolie comédie sociale dont les dialogues sont très bien écrits. Le film, qui n’est pas si feelgood qu’il en a l’air, parle de la recherche des origines, de la question de la nature et de la culture, de la musique qui transcende les milieux sociaux. La partition, juste et cocasse, est interprétée par un magnifique duo d’acteurs : Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe, tous les deux aussi doués dans l’humour que dans l’émotion. Le duo est crédible et porte le film. « En fanfare » est une comédie populaire, rythmée, parfaitement intrprétée.

Bilan livresque et cinéma d’octobre

octobre

Sept livres m’ont accompagnée durant le mois d’octobre et certains sont des merveilles :

-J’ai retrouvé avec grand plaisir Hadrien Klent et son personnage Emilien Long dans « La vie est à nous » dont le propos est toujours aussi réjouissant ;

-« Yellowface » de Rebecca F. Kuang à la narration maligne mais qui s’est révélé moins accrocheur que ce que j’espérais ; 

-J’ai découvert les trois premiers textes de Gabriella Zalapi qui forment une passionnante et subtile biographie familiale et dont le deuxième volet, « Willibald », a été un gros coup de cœur pour moi ;

-Autre coup de cœur de ce mois d’octobre, « La petite bonne » de Bérénice Pichat d’une construction et d’une sensibilité remarquables ;

-« Long Island » de Colm Toibin qui nous fait retrouver avec grand plaisir les personnages de « Brooklyn ». 

J’ai vu huit films durant le mois d’octobre dont voici mes préférés :

Souleymane

Souleymane n’a jamais le temps de souffler. Livreur à vélo, il pédale comme un fou dans les rues de Paris pour faire le plus de courses possibles. Le jeune guinéen sans papiers sous-loue le compte d’un autre qui doit lui reverser une petite part de ses commissions. Mais Souleymane doit sans cesse le relancer. Il a besoin de cet argent pour payer l’homme qui lui a écrit son « histoire », celle qui lui permettra d’obtenir ses papiers lors de son audition à la préfecture. En attendant cette date, Souleymane pédale, court après le car qui l’emmène chaque soir au centre social où il passe la nuit.

« L’histoire de Souleymane » est un film immersif, jamais la caméra ne quitte Souleymane. Le spectateur est en apnée de bout en bout jusqu’à la bouleversante scène finale où enfin Souleymane est assis, posé lors de son entretien à la préfecture. Le film est tendu, stressant tant la vie du jeune homme peut basculer en un clin d’œil (une commande refusée par une cliente par exemple). Il se bat, se débat pour rester digne, pour gagner le droit de travailler légalement, contre la moquerie des policiers, les rebuffades d’un restaurateur. Abou Sangaré incarne de manière remarquable Souleymane, il est formidablement émouvant et pour cause car cette histoire est très proche de la sienne. Un film humaniste, réaliste à ne pas manquer.

The outrun

A presque 30 ans, Nora revient s’installer chez sa mère dans les îles Orcades. Après avoir fui une famille dysfonctionnelle en raison de la bipolarité du père, la jeune femme quitte Londres où elle fait des études de biologie. L’alcool a peu à peu ravagé sa vie, son couple. Elle retrouve ses parents divorcés, son père vit seul dans une caravane et est berger, sa mère s’est réfugiée dans la foi. Les relations entre les membres de cette famille restent tendues et difficiles. Une opportunité va s’offrir à Nora : la Société Royale de Protection des Oiseaux lui propose d’aller observer le « roi caille » sur une île encore plus sauvage. Elle se retrouve quasiment coupée du monde, au milieu d’une nature rude et hostile.

Saoirse Ronan est à l’origine de ce projet d’adaptation de « L’écart » d’Amy Liptrot. La réalisatrice Nora Fingscheidt magnifie le texte avec des choix de réalisation pertinents. La rédemption du personnage principal est racontée de façon déstructurée, son passé et ses excès, sa plongée dans l’alcool apparaissent par brimes. Le personnage se dévoile petit à petit. La beauté infinie des paysages, l’apaisement qu’ils procurent, contrebalancent les images douloureuses du passé. Sur cet archipel du nord de l’Écosse, la réalisation se fait sensorielle, les bruits notamment sont essentiels et enveloppent le personnage. Saoirse Ronan est extraordinaire, époustouflante dans le rôle de Nora. « The outrun » est l’intense récit d’une guérison dans des paysages à couper le souffle et servi par une actrice extrêmement talentueuse.

Et sinon :

  • « Le robot sauvage » de Chris Sanders : Le robot Rozzoum 7134, dite « Roz » est envoyé sur une île sauvage. Étant un robot de services, Roz cherche une mission à remplir. Mais elle ne fait qu’effrayer les animaux qui peuplent l’île. Suite à un accident, elle se retrouve avec un œuf orphelin. Un oisin, nommé Joli-bec, en sort et Roz trouve alors un but : apprendre à nager et à voler à Joli-bec pour qu’il puisse rejoindre les autres oies au moment de la migration. Elle sera aider par un malin et sympathique renard. Les studios Dreamworks nous offre un magnifique récit d’apprentissage. Les décors luxuriants et magnifiques de  l’île sont peints et se mélangent parfaitement avec les animations en 3D. L’histoire est celle de l’apprentissage aussi bien de Joli-bec que de Roz mais aussi des autres animaux qui doivent apprendre à cohabiter pour survivre. « Le robot sauvage » est également une belle fable écologiste sur l’importance de la conservation de la nature (tout en ne cachant pas la dure loi de la chaine alimentaire). Des personnages attachants, de belles techniques d’animation, « Le robot sauvage » est une belle réussite.

 

  • « Barbès little Algérie » d’Hassan Guerrar : Malek s’installe à Barbès pendant la crise du covid. Sa boutique d’informatique est fermée et il essaie de travailler de chez lui en prodiguant des conseils à distance. Lui, qui a coupé les ponts avec sa famille restée au pays, il se retrouve au cœur de la communauté algérienne. Il finit par créer des liens avec les figures du quartier. Bientôt son neveu débarque pour passer un entretien à la Sorbonne. Son oncle le prend sous son aile d’autant plus que le dealer du quartier s’intéresse à lui. Hassan Guerrar montre à merveille la vie de Barbès, la gouaille de ses habitants, la solidarité mais aussi les petites magouilles et les grands trafics. Il y a beaucoup de chaleur, d’humour dans ce film même si un drame s’y  déroule. Les figures du quartier sont attachantes et Sofiane Zermani est absolument formidable dans le rôle de Malek.

 

  • « Sauvages » de Claude Barras : Kéria, 11 ans, recueille un bébé orang-outan qu’elle nomme Oshi. Sa mère a été tuée par des ouvriers de l’exploitation forestière qui est en train de s’attaquer à la forêt de Bornéo. La jeune fille va être encore plus sensibilisée à ce problème avec l’arrivée de son cousin Selaï, issu d’une famille nomade du peuple penan. Ses parents veulent le protéger du conflit qui les opposent à ceux qui détruisent leur territoire. « Sauvages » est le deuxième film d’animation de Claude Barras, « Ma vie de courgette » était une merveille de délicatesse. Il montre la découverte par Kéria de ses origines et des combats de sa mère trop tôt disparue. Le film n’est pas manichéen puisque la modernité de s’y oppose pas forcément à la nature sauvage et sa préservation. Parfois la technologie peut aider ! En plus de la beauté de la nature qu’il faut défendre, « Sauvages » parle de liens familiaux avec beaucoup de sensibilité.
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  • « Miséricorde » d’Alain Guiraudie : Jérémie est de retour dans son village des Cévennes. Il est revenu pour assister à l’enterrement du boulanger, qui a été son patron. Le jeune homme s’installe chez la veuve du défunt, Martine. Il revoit d’anciens camarades de classe comme le fils du défunt qui finit par s’inquiéter de son séjour prolongé chez sa mère. Les films d’Alain Guiraudie sont déstabilisants. « Miséricorde » fait penser au « Théorème » de Pasolini. Jérémie vient perturber la vie de son paisible village et réveille le désir de tous les habitants (prêtre compris !). Il n’a d’ailleurs pas besoin d’être assouvi et fonctionne surtout à sens unique. Sa présence dérange également et un meurtre sera commis dans les bois. Mais l’intrigue ne tourne pas au tragique, l’humour pince-sans-rire, l’amoralité et le fantasque restent de mise. Étrange, surprenant, perturbant, « Miséricorde » confirme le talent singulier d’Alain Guiraudie.

 

  • « Quand vient l’automne » de François Ozon : Vivant depuis longtemps à la campagne, Michelle est une retraitée pleine d’énergie, qui aime à se balader avec son amie Marie-Claude, à aller à la messe et surtout à recevoir son petit-fils. Sa fille Valérie vient justement lui emmener pour les vacances. Malheureusement, le repas se termine mal puisque Valérie finit à l’hôpital après avoir mangé les champignons cuisinés par sa mère. Leur relation était déjà tendue, l’incident jette de l’huile sur le feu. « Quand vient l’automne » a une ambiance chabrolienne, venimeuse comme les champignons cueillis par Michelle. Le drame couve, le trouble s’installe petit à petit autour de Michelle qui semble pourtant une grand-mère respectable et paisible. Hélène Vincent joue à merveille l’ambiguïté de son personnage, aussi rassurante qu’inquiétante. Michelle a choisi sa famille avec Marie-Claude et son fils sorti de prison, loin de la cruauté de sa propre fille. Thriller aux airs de chronique familiale, le dernier film de François Ozon séduit tout en souffrant de quelques longueurs.

 

  • « Lee Miller » d’Ellen Kuras : Un journaliste, dont on comprend rapidement son lien avec celle qu’il a en face de lui, interroge Lee Miller sur son parcours. Il s’attarde surtout sur la période de la deuxième guerre mondiale où la photographe décida de rejoindre le front pour le documenter. Le destin fascinant et incroyable de Lee Miller valait bien un biopic et on comprend la volonté de Kate Winslet de la remettre en lumière. Elle produit le film et interprète la farouche ténacité de la photographe. Le film est très didactique, trop classique pour cette femme si libre. Rien à reprocher à Kate Winslet mais la narration manque de subtilité, tout est très appuyé et certains moments sont gênants (celui où Lee Miller parle des violences sexuelles dont elle fut la victime enfant tombe comme un cheveu sur la soupe). Tant mieux si le film permet à un large public de découvrir le travail de la photographe mais Lee Miller méritait mieux.

 

 

 

 

Bilan livresque et cinéma de septembre

Septzmbre

Comme toujours, septembre est synonyme de ralentissement de mon rythme de lecture, qui n’est déjà pas bien élevé en temps normal ! Voici les quatre livres lus :

-« Girlfriend on Mars » de Deborah Willis qui est un premier roman et qui revisite le thème du couple en envoyant l’un des deux protagonistes sur Mars ! L’autrice était présente au Festival America et elle est absolument charmante !

-« Absolution » d’Alice McDermott qui nous plonge dans le Saïgon de 1963 auprès de femmes de diplomates ou autres hauts gradés de l’administration américaine. La plume de l’autrice, également présente au festival de Vincennes, fait encore une fois merveille dans l’analyse fine et sensible de la position de ses femmes d’expatriés avant la catastrophe. 

-« La route » de Manu Larcenet qui est la formidable adaptation du roman de Cormac McCarthy. Le dessinateur rend parfaitement l’ambiance du roman, les dessins sont glaçants et extrêmement sombres.

-« Ironopolis » de Glen James Brown qu’il était tant que je sorte de ma pal ! La présence de l’auteur au festival America était l’occasion rêvée pour le faire. Foisonnant, original, surprenant, ce premier roman, qui parle de la crise des logements sociaux, est une réussite. 

J’ai compensé mon faible rythme de lecture par sept séances au cinéma dont voici mes deux préférés du mois : 

Emilia Perez

Rita est avocate à Mexico. Son patron exploite honteusement ses talents. En manque de reconnaissance, elle aimerait pouvoir changer de vie. Dans une ruelle, elle se fait kidnappée par les hommes du puissant narcotrafiquant Manitas Delmonte. Il veut l’engager pour organiser sa transition d’homme en femme. L’avocate doit trouver un chirurgien, trouver un refuge pour la famille de Manitas, lui établir de nouveaux papiers et transférer son argent sur de nouveaux comptes. Le criminel fera croire à sa mort pour renaitre en Emilia Perez. 

Le projet de Jacques Audiard était plus que périlleux : raconter le changement de sexe d’un dangereux narcotrafiquant sous forme de comédie musicale et uniquement dans des décors de studio. Dans la deuxième partie, on frôle même la telenovela. Jacques Audiard ne s’embarrasse pas de réalisme et sa mise en scène nous embarque totalement. La musique de Camille et de Clément Ducol se fond parfaitement dans l’univers proposé par le réalisateur. La chanson « El mal », interprétée par le personnage de Rita dans une immense salle de réception, est un sommet de mise en scène. Les actrices, qui ont reçu le prix d’interprétation à Cannes, participent grandement à la réussite du film. Zoé Saldaña, Selena Gomez et surtout Karla Sofia Gascon qui a elle-même changé de sexe et joue à la fois Manitas et Emilia. Elle apporte la véracité et la profondeur nécessaires à un tel personnage. Thriller, mélo, comédie musicale, « Emilia Perez » est tout cela à la fois, l’équilibriste Jacques Audiard nous propose là un très grand spectacle.

Tatami

Championnat du monde de judo, une délégation iranienne arrive en car. A son bord, la très déterminée Leïla qui est accompagnée par son entraineuse Maryam. Les premiers combats de Leïla se déroulent très bien et la jeune femme semble être en mesure de remporter la médaille d’or. Mais Maryam reçoit un appel de la République islamique. Leïla doit se retirer de la compétition car elle risque de devoir affronter la judokate israélienne ne demi-finale ou en finale. Leïla refuse d’abandonner au risque de mettre en danger ses proches restés en Iran.

« Tatami » a été écrit et réalisé par un israélien, Guy Mattiv,  et une iranienne, Zar Amir Ebrahimi qui a elle-même fui son pays. Ils ont choisi un noir et blanc expressionniste pour accentuer la tension de leur intrigue. Le lieu participe également à cette atmosphère oppressante, il s’agit d’un bâtiment de l’époque soviétique aux couloirs labyrinthiques. Le suspens se développe en temps réel avec une alternance de scènes sur le lieu de la compétition où Leïla est surveillée et intimidée par des hommes du régime, et des scènes en Iran auprès de son mari et de son fils. Même les scènes de combat contribuent à la tension, tout semble menaçant. Arienne Mandi est formidable dans le rôle de la judokate : combative, enragée, au bord de la crise de nerfs. Face à elle, Zar Amir Ebrahimi joue une entraineuse plongée en plein dilemme et en plein doute. « Tatami » est un thriller politique haletant et parfaitement mis en scène. 

Et sinon :

  • « A son image » de Thierry Peretti : Antonia est photographe de mariage. Après l’un d’eux, elle rentre chez elle, s’endort au volant et sa voiture file tout droit vers le précipice. Son histoire est ensuite racontée par fragments. C’est son parrain, un prêtre, qui lui a offert un appareil photo lorsqu’elle était adolescente. Elle en a fait son métier en étant photoreporteur à Corse matin. Elle s’y ennuie à couvrir les fêtes de village ou les tournois de pétanque. Elle couvre aussi les conférences de presse du FLNC dont son amoureux fait partie. Antonia n’est pas dupe de ces démonstrations de virilité et de violence. Questionnant les évènements de son île, son métier, la jeune femme décide de partir à Vukovar durant le siège de la ville. J’avais beaucoup aimé le roman de Jérôme Ferrari dont est tiré le film de Thierry de Peretti. « As on image » a une tonalité mélancolique puisque son héroïne périt dès les premières images. Antonia est un très beau personnage féminin, avide d’indépendance et en quête de sens. Elle évolue dans une société fortement patriarcale et marquée par la violence du FLNC. Antonia reste observatrice des affrontements, suit sa propre voie. Le film est sobre, proche du documentaire. D’ailleurs, les acteurs sont tous non professionnels. 

 

  • « Le procès du chien » de Laëtitia Dosch : Avril, une avocate, a l’habitude de défendre les causes perdues. Mais cette fois, elle compte bien gagner sa prochaine affaire. Elle se présente sous la forme d’un chien nommé Cosmos par son maître Dariuch. L’animal a mordu au visage la femme de ménage portugaise de son maître. Ce dernier refuse de voir son compagnon euthanasié. Avril va donc demander au juge d’assimiler Cosmos à une personne et non à une chose comme cela est défini dans le code civil. S’ensuit un procès qui va faire grand bruit. Le premier film de Laëtitia Dosch est à son image : fantaisiste, énergique et tendre. Le procès de Cosmos interroge les rapports de l’homme à l’animal, le spécisme avec légèreté et humour. François Damiens, en maître malvoyant, Jean-Pascal Zadi, en dresseur de chien, Anne Dorval, en avocate teigneuse de la défense, nous réservent des numéros d’acteurs hilarants. Le film n’est pas sans maladresse mais le tourbillon Laëtitia Dosch emporte tout sur son passage. Et le chien Cosmos est absolument craquant !      

 

  • « Les barbares » de Julie Delpy : Paimpont, petite bourgade bretonne, se prépare à accueillir des réfugiés ukrainiens. Au grand désespoir du maire et de certains habitants ce ne sont pas des ukrainiens, très demandés, mais des syriens qui vont arriver dans la commune. L’envie d’aider est soudainement beaucoup moins forte… J’apprécie beaucoup la fantaisie et l’énergie de Julie Delpy que l’on retrouve dans cette comédie grinçante. Elle force le trait pour accentuer l’humour avec des personnages gratinés : l’institutrice bien pensante, le plombier macho et raciste, l’épicière qui picole pour oublier les infidélités de son mari. Les acteurs, Sandrine Kiberlain, Laurent Laffite, Mathieu Demy, India Hair, Julie Delpy herself, semblent beaucoup s’amuser et nous transmettent leur plaisir de jouer. La réalisatrice assume un happy end qui donne de l’espoir et fait du bien dans la morosité ambiante.

 

  • « Ma vie ma gueule » de Sophie Fillière : Barberie Bichette, que tout le monde appelle Barbie, ne va pas bien. Elle gâche ses talents de poétesse dans une agence de pub, elle s’est éloignée de ses enfants et son thérapeute ne semble pas beaucoup l’aider. La solitude, la dépression finissent par l’envoyer dans un hôpital psychiatrique. Mais le voyage de Barberie ne s’arrêtera pas là. « Ma vie ma gueule » est le dernier film de Sophie Fillière dont elle n’a pas pu superviser le montage. Barbie est un double de la cinéaste et certaines scènes en deviennent très émouvantes. Agnès Jaoui incarne parfaitement ce personnage fantasque, au bord du gouffre et qui répond qu’elle se trouve moche lorsqu’on lui demande comment elle va. Le film manque un peu de rythme mais pas d’espoir et de sensibilité. 
  • Septembre sans attendre » de Jonàs Trueba : Après 15 ans de vie commune, Ale et Alex vont se séparer et ils souhaitent organiser une grande fête à cette occasion avec leurs amis et familles. L’incrédulité frappe leur entourage tant ils étaient fusionnels même dans le travail puisqu’Alex jouait dans les films de sa compagne. L’idée de départ fait penser aux comédies de remariage américaines et il y a beaucoup de joie et de malice dans le film de Jonàs Trueba. Le réalisateur s’amuse également avec des mises en abime entre son travail et le film réalisé par Ale. Au fil de l’intrigue, une certaine mélancolie s’immisce dans le quotidien des personnages, les souvenirs partagés remontent à la surface. Et malheureusement, un certain ennui s’installe également ce qui m’a empêchée de totalement apprécier « Septembre sans attendre ». 

Bilan livresque et cinéma d’août

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Nous voici déjà en septembre, il est donc temps de revenir sur les livres qui m’ont accompagnée durant le mois d’août :

-« La fileuse de verre » de Tracy Chevalier qui sait toujours raconter des histoires, décrire un artisanat avec précision mais dont je n’ai pas compris la parti pris narratif ;

-« Un métier dangereux » où Jane Smiley s’amuse à détourner les codes du western pour nous offrir un roman féministe et plein de charme ;

-« Trois étés » de Margarita Liberaki, un roman hautement conseillé par mon amie Emjy et qui est roman d’apprentissage intense, lumineux, écrit dans une langue poétique ;

-« Célèbre » qui est le deuxième roman de Maud Ventura : cynique, réjouissant et une héroïne que l’on adore détester ;

-« Les deux visages du monde » où David Joy est au sommet de son art avec un roman noir, éminemment social et politique et qui fait la part belle aux personnages féminins ;

-« Les hommes manquent de courage » de Mathieu Palain qui dévoile la vie chaotique et bouleversante d’une femme qui a toujours du subir la violence des hommes ;

-« Justine » de Lawrence Durrell, premier volet du fameux Quatuor d’Alexandrie, exigeant, parfois difficile à suivre mais les descriptions d’Alexandrie sont ébouriffantes de beauté et de poésie ;

-« D’acier » de Sylvia Avallone que je découvre enfin avec son premier roman qui décrit l’amitié indéfectible de Francesca et Anna sur fond de misère sociale ;

-« L’imposture » de Zadie Smith, je triche un peu car je suis plongée dedans et forcément l’inspiration dickensienne et l’ironie de son autrice me plaisent beaucoup.

Pour cause de vacances loin de Paris, mon bilan cinéma est pauvre avec un seul et unique film :

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Aymeric est profondément gentil, il ne voit le mal nulle part. Lorsque, adolescent, il se fait larguer par sa copine, il lui trouve des excuses et garde précieusement les négatifs des photos qu’il a pris d’elle. Lorsque des copains l’entrainent dans un casse foireux, il y va sans se poser de question et se retrouve en prison pour dix huit mois. Aymeric se laisse porter par la vie, passe de petit boulot en petit boulot, sans véritable ambition. A l’hiver 2000, sa route recroise celle de Flo qui avait travaillé au Spar avec lui. La jeune femme est enceinte. Ils tombent amoureux et s’installe dans le gite de la mère de Flo. A la naissance de Jim, Aymeric est en extase devant lui. Il l’élève et l’aime comme son propre fils. La petite famille s’épanouit dans les paysages du Jura jusqu’à ce que le véritable père de Jim fasse son apparition.

Les frères Larrieu retrouve les paysages montagneux qui leur sont chers en adaptant le roman de Pierric Bailly. Ils suivent Aymeric pendant trente ans, dans ses joies, dans ses profondes douleurs et son incroyable abnégation. Le mélodrame est simple, sans mièvrerie aucune. Qui d’autre que Karim Leklou pour incarner ce personnage plein de tendresse, timide, discret ? Il est impeccable et bien entouré avec les fantasques Laëtitia Dosch et Sara Giraudeau et le mélancolique Bertrand Belin. Le film est épuré pour mieux laisser s’exprimer les émotions, l’amour infini d’Aymeric pour Jim est bouleversant.

 

 

Bilan livresque et cinéma de juin

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Mes lectures de juin ont presque toutes été dédiées au mois anglais et mes avis sont déjà en ligne. Comme toujours, j’aurais aimé avoir plus de temps pour lire mais j’ai quand même réussi à publier dix billets. Durant ce mois, j’ai été ravie de découvrir le talent unique et singulier de Barbara Comyns et j’espère que d’autres romans seront traduits à l’avenir. J’ai également été enthousiasmée par la lecture de « Qui a écrit Trixie ? », un régal d’humour à l’anglaise. Ce fut encore une fois un plaisir d’organiser ce mois anglais avec ma chère Lou et de lire vos nombreuses participations. A l’année prochaine pour une nouvelle d’édition du mois anglais ! Et je vous parle très bientôt de l’excellent premier roman d’Elizabeth O’Connor « Sur l’île ».

En juin, mon bilan cinéma est un peu maigre avec seulement quatre films dont voici mon préféré :

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Lors d’une soirée d’anciens du lycée, Saul se rapproche d’une femme assise à l’écart. Sylvia s’enfuit immédiatement et rejoint son domicile. Saul l’a suivie et il passe la nuit en bas de son immeuble. La jeune femme se barricade dans son appartement mais, au petit matin, elle appelle une ambulance pour Saul qui est toujours en bas de chez elle. Il s’avère qu’il est atteint de démence précoce. Une relation étrange va se nouer entre ces deux êtres profondément blessés.

« Memory » est un formidable mélo qui sait rester juste malgré les sujets extrêmement lourds dont il est question. Au début du film, on comprend que Sylvia est une ancienne alcoolique qui peine à joindre les deux bouts. Par la suite, par petites touches, son histoire terrible se dessine et nous fera comprendre sa méfiance envers Saul. Les deux personnages sont infiniment attachants et l’on espère durant tout le film que rien ne viendra les séparer. Jessica Chastain et Peter Sarsgaard sont fabuleux, à fleur de peau. Plus ces deux-là se rapprochent et plus notre cœur se serre. Michel Franco signe une romance singulière, loin des codes du genre et avec des acteurs au sommet de leur art.

Et sinon :

  • « Les pistolets en plastique » de Jean-Christophe Meurisse : Zavatta est un extraordinaire profileur, connu dans le monde entier pour son intuition sans faille…ou presque ! Dans un aéroport, il croit reconnaître Paul Bernardin, recherché pour avoir tué toute sa famille. Mais l’homme arrêté ne ressemble absolument pas au tueur ce qui n’empêchera pas la police de lui faire subir des interrogatoires musclés. Attention, âmes sensibles s’abstenir ! Le cinéma de Jean-Christophe Meurisse n’est pas à mettre sous tous les yeux. Son humour est très très noir et trash (dans « Oranges sanguines » et dans celui-ci un homme est séquestré et connaît des moments très douloureux). Entre une scène d’ouverture à la morgue aux dialogues délirants, à une visioconférence entre la police danoise et deux flics français plutôt idiots, en passant par deux enquêtrices web en manque de notoriété, le réalisateur se moque de la fascination de ses compatriotes pour les faits divers sanglants. Décapant, cinglant, l’humour et le cinéma de Jean-Christophe Meurisse ne peuvent pas plaire à tout le monde et c’est tant mieux !
  • « La petite vadrouille » de Bruno Podalydès : Le patron de Justine lui propose de mettre à sa disposition la somme de 14 000€ pour qu’elle lui organise un week-end insolite et romantique. Elle voit là une occasion de renflouer ses caisses ainsi que celles de ses amis qui vont participer à cette petite arnaque. Pour un coût minimal, la petite bande va mettre sur pied une croisière sur les canaux de la Bourgogne. Taxes énormes à chaque écluse, vente de produits locaux à chaque étape ou de tableaux (ou plutôt de croutes) tout est bon pour plumer le pigeon ! J’apprécie depuis toujours l’univers fantaisiste de Bruno Podalydès et cette balade champêtre est pleine de charme. Il y a déjà le plaisir de retrouver la troupe du réalisateur avec son frère, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Sandrine Kiberlain ou Florence Muller. Daniel Auteuil se fond parfaitement dans la bande et rajoute à la malice de l’ensemble. Tout le monde manipule tout le monde mais la duperie ne durera pas et elle aboutira à une fin pleine de lumière et d’humanisme.
  • « Hors du temps » d’Olivier Assayas : Paul, cinéaste, et son frère Etienne, journaliste rock, se confinent durant la crise du covid dans leur maison familiale dans la vallée de la Chevreuse. Ils y amènent leurs fiancées pour partager ce temps suspendu. Olivier Assayas a réalisé un film très personnel où à plusieurs reprises, il décrit le village, la maison, les pièces remplies des affaires de ses parents. Les souvenirs affluent comme l’amour de l’art de ses parents, la chambre de sa mère où elle s’installait chaque week-end après la séparation d’avec son mari, l’immense terrain des voisins où il s’amusait enfants. La maison semble un véritable refuge, figé dans le temps, pour les deux frères. « Hors du temps » n’est d’ailleurs pas que mélancolique. Paul et Etienne sont souvent tournés en dérision, la forte paranoïa du premier en raison du covid notamment. Leurs attitudes nous rappellent ce que nous avons vécu : la peur, la privation de liberté et pour certains le plaisir d’une bulle hors du temps qui permet une échappée du rythme frénétique du quotidien. Touchant et drôle, Olivier Assayas nous offre une jolie parenthèse.

Bilan livresque et cinéma de mai

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Le mois de juin est déjà là, il est donc temps de faire le bilan du mois qui vient de s’achever. Un mois de mai finalement bien rempli avec :

  • des bandes dessinées : le passionnant « Brancusi contre États-Unis » d’Arnaud Nebbache, « C’est chic !  » et « Notre cabane » de la talentueuse Marie Dorléans et le touchant « Lebensborn » d’Isabelle Maroger ;
  • des découvertes : le poétique « Un amour de poisson rouge » de Kanoko Okamoto, le joyeux « Juliette Pommerol chez les angliches » de Valentine Goby  et « De mes nouvelles » de Colombe Boncenne où l’amour de la littérature est mise à l’honneur ;
  • des habitués : « Vivarium » de Tanguy Viel dont la lecture n’a pas été facile, « Les cœurs bombes » de Dario Levantino qui m’a permis de retrouver la ville de Palerme et Rosario, « Le ciel ouvert » de Nicolas Mathieu dont l’écriture me séduit toujours, « Nos armes » le dernier roman plein de rage de Marion Brunet, « Hot milk » qui me permet de découvrir la Deborah Levy romancière et « Le maître du jugement dernier » du formidable et toujours surprenant Leo Perutz.

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Le 1er juin est également la date de lancement du mois anglais que j’ai le plaisir d’organiser avec Lou pour la 13ème année. Cette année, nous vous proposons une totale liberté dans vos choix de lectures, pas de programme, pas de rendez-vous imposés, juste le plaisir de vivre à l’heure anglaise ! Alors amusez-vous bien, profitez de ce mois anglais et nous avons hâte de vous lire !

Côté cinéma, voici mes films préférés du mois :

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David, grand séducteur, est importuné par les assiduités d’une jeune femme, Florence, follement éprise. Même si elle est très belle, David ne souhaite pas poursuivre cette relation et cherche à pousser Florence dans les bras de son ami Willy. C’est en tout cas ce qu’il lui explique longuement en marchant au bord d’une route. De son côté, Florence souhaite présenter David à son père. Les quatre protagonistes se retrouvent dans un restoroute.

Cette mince intrigue n’est qu’une des strates qui composent le dernier film de Quentin Dupieux qui est passé maître dans l’art de la mise en abime. Film dans le film, film sur un tournage, la réalité et la fiction ne cessent de se mélanger et de surprendre le spectateur. Les personnages changent, ne sont pas ce qu’ils paraissaient au départ. Pour incarner ce quatuor à géométrie variable, il fallait quatre grands acteurs : Léa Seydoux, Louis Garrel, Vincent Lindon et Raphaël Quenard font ici montre de toute l’étendue de leur talent. Un cinquième larron vient se joindre à cette troupe : Manuel Guillot joue le patron du restoroute. Dans cette satire souvent percutante du monde du cinéma et de son égocentrisme, ce personnage introduit de la gravité, de l’émotion et un brin de malaise. Beaucoup de thématiques actuelles sont également abordées dans « Le deuxième acte » ce qui donne de l’épaisseur à cette comédie fantasque et inventive.

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Chiara Mastroianni passe un casting pour Nicole Garcia et donne la réplique à Fabrice Luchini. La réalisatrice n’est pas satisfaite de la scène et demande à son actrice d’être plus Marcello que Catherine. Toujours renvoyée à sa prestigieuse ascendance, Chiara finit par avoir le cafard et rêve de s’effacer entièrement. Elle se met alors à s’habiller comme son père et à obliger son entourage à l’appeler Marcello. Le seul qui accepte de rentrer dans son jeu est Fabrine Luchini qui aurait aimer tourner avec le grand acteur italien.

Christophe Honoré s’amuse à brouiller les pistes dans son film où les acteurs jouent leur propre rôle ou presque. La perplexité, l’acceptation, la colère, chacun réagit de façon différente à la réapparition de Marcello. Le film suit Chiara dans une balade qui nous entraine jusqu’à Rome et est une belle évocation de la carrière de son père. « Marcello mio » est vertigineux, troublant dans ce jeu entre la réalité et la fiction. Chiara Mastroianni, actrice fétiche de Christophe Honoré, est absolument formidable, d’une fantaisie folle et d’une douce mélancolie. Le rôle était risqué et le pari est réussi. Il y a également beaucoup d’humour dans les répliques, les situations. Fabrice Luchini apporte beaucoup au film, il est pétillant et léger. Le film se déploie comme un songe habité par le fantôme de Marcello Mastroianni. Touchant, drôle, poétique, un régal de cinéma.

Et sinon :

  • Un homme en fuite de Baptiste Debraux : A Rochebrune, petite ville qui décline avec la probable fermeture de son usine, Johnny a disparu après le braquage d’un fourgon blindé qui a mal tourné. L’un des passagers est mort. Une capitaine de gendarmerie est chargée de l’enquête et le recherche activement. Elle n’est pas la seule puisque Paul, l’ami d’enfance de Johnny, est revenu dans sa ville natale pour essayer de l’aider. Le premier film de Baptiste Delvaux est une réussite. Il sait rendre parfaitement l’atmosphère tendue, explosive d’une ville au bord du drame de la désindustrialisation, du chômage et des horizons qui semblent soudain totalement bouchés. Sur ce fond social très fort vient s’inscrire une amitié dense et indéfectible entre Johnny, issu d’un milieu défavorisé et vivant avec une mère fragile, et Paul, bourgeois qui, devenu adulte, a fui son milieu pour devenir écrivain. Leur histoire se développe en flash-backs parfaitement distillés tout au long du film. Pierre Lottin, Bastien Bouillon et Léa Drucker partagent l’affiche de ce film noir et intense.

 

  • L’esprit Coubertin de Jérémie Sein : 2020, qualifié aisément pour les Jeux Olympiques, Paul ne pourra pourtant pas participé suite au baiser enthousiaste de sa coach qui lui refile la mononucléose. Notre champion de tir sera cloué au lit. 2024, cette fois Paul ne va pas rater sa chance. Son talent pour le tir lui promet à coup sûr la médaille d’or. Il est d’ailleurs la dernière chance de la France qui n’a récolté aucune médaille en dix jours ! Mais le très sérieux et rigide Paul va devoir partager sa chambre avec un athlète frivole et plein de charme. De quoi perturber sa concentration mais ce qui pourrait également lui permettre de perdre enfin sa virginité. Après nous avoir régalé avec la série « Parlement », Jérémie Sein nous offre une comédie potache sur les JO. On y retrouve la légèreté, l’esprit piquant de sa série. Le réalisateur s’intéresse surtout aux coulisses des JO, au village olympique qui ressemble ici plus à une cour de maternelle qu’à un lieu de préparation sportive. Les enjeux politiques et les récupérations du gouvernement sont moqués car les athlètes ne sont intéressants que lorsqu’ils gagnent. Benjamin Voisin, totalement méconnaissable, est drôlissime en champion de tir coincé et pas futé. Emmanuelle Bercot semble beaucoup s’amuser dans le rôle de sa coach hyper cool.

 

  • Jusqu’au bout du monde de Viggo Mortensen: Dans les années 1860, Vivienne Le Coudy, jeune femme indépendante, fait la connaissance de Holger Olsen, un immigrant danois. Ensemble ils décident de s’installer dans un endroit très reculé du Nevada. Leur maison se situe dans un canyon désertique. A peine le couple installé, Holger décide de s’engager dans l’armée nordiste laissant seule Vivienne. Pour son second film en tant que réalisateur, Viggo Mortensen choisit le cadre très classique du western. Mais ici, la place centrale est occupée par une femme, Vivienne, incarnée par l’éclatante et merveilleuse Vicky Krieps. Les hommes n’ont pas vraiment le beau rôle, entre le mari qui s’enfuit à peine installé, les membres officiels de la communauté tous corrompus et le fils brutal et violent du maire. Cette touche féministe et la performance de Vicky Krieps font tout l’intérêt de ce western.

 

  • Le tableau volé de Pascal Bonitzer : André Masson est commissaire-priseur dans une société de ventes aux enchères internationale. Il est aussi habile qu’odieux, aussi ambitieux que froid.  Une toile d’Egon Schiele aurait été retrouvé chez un jeune ouvrier chimiste de Mulhouse. André s’y rend avec son ex-épouse, elle aussi du métier, pour authentifier ce tableau et peut-être le mettre en vente. L’histoire du dernier film de Pascal Bonitzer semble improbable mais elle s’inspire de faits réels. L’œuvre, retrouvée miraculeusement, avait été volée à un collectionneur juif pendant la guerre. Avec des dialogues ciselés et un casting impeccable, le réalisateur nous plonge dans le milieu de l’art et dans la sombre histoire de certaines œuvres. Cela aurait du suffire mais Pascal Bonitzer s’éparpille en voulant changer de points de vue à plusieurs reprises (les aventures mythomanes de l’assistante d’André Msason n’apportent par exemple rien au film).

Bilan livresque et cinéma d’avril

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Le mois d’avril s’achève et il fut bien rempli avec sept livres et trois bandes dessinées. Je vous ai déjà parlé de ma déception concernant « La boule de neige » et de mon ravissement à la lecture de « Rose à l’île ». Même si je n’en ferai pas la chronique, je vous conseille la série des Paul de Michel Rabagliati et le charmant dernier album de Camille Jourdy « Pépin et Olivia ». J’ai eu un grand plaisir à lire « Qui a écrit Trixie ? » de William Caine, un roman satirique très réussi sur la société anglaise, « Janvier noir » le premier volet de la série très sombre d’Alan Parks, « Le sang des innocents » le dernier roman de S.A. Cosby que je souhaitais découvrir depuis longtemps, « Mon fils, mon désastre » sur la relation de Suzanne Valadon et de son fils Maurice Utrillo et « Katie » de Michael McDowell qui nous offre un nouveau roman réjouissant, populaire et sanguinolent ! 

Côté cinéma, voici mes films préférés du mois :

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Deuxième volet de la trilogie de Nicolas Philibert, « Averroès & Rosa Parks » s’intéresse à deux unités de l’hôpital Esquirol dans le Val-de-Marne. Nous assistons aux entretiens entre les patients et leurs psychiatres mais aussi à des séances de groupes où l’on peut discuter ensemble de sujets divers et de ce qui pourrait être amélioré à l’hôpital.  Certains patients nous sont connus puisque nous les avions croisés sur la péniche l’Adamant. Ici, les situations sont plus lourdes, plus violentes. L’Adamant est un lieu où la créativité peut s’exprimer, où l’on participe à des activités ludiques. A l’hôpital, on sent les situations plus désespérées comme cette femme âgée atteinte d’une psychose paranoïaque effrayante. Certains ont été enfermés toute leur vie, ont des moments de lucidité sur leur situation et celle de l’hôpital. Et c’est également cela que montre le film, une psychiatrie qui manque de moyens financiers et humains pour accompagner mieux les malades. Beaucoup aimerait plus de tendresse de la part des soignants qui sont bien entendu débordés. Les psychiatres, comme Nicolas Philibert, montrent de l’empathie, une infinie patience et une écoute infaillible. Le film dure 2h23 et on en redemande ! Admirable d’humanisme et de sens du partage, « Averroès & Rosa Parks » est un documentaire à ne pas rater ! 

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Surveillante de prison, Mélissa quitte la région parisienne pour la prison de Borgo, près de Bastia. Elle prend la prime insulaire pour repartir à zéro avec son mari Djibril et leurs deux enfants. En prison, Mélissa, surnommée rapidement Ibiza, sait se faire respecter tout en restant humaine et attentive aux besoins des prisonniers. En dehors, la vie quotidienne est difficile. Djibril galère à trouver du travail et il subit le racisme des voisins. Les retrouvailles de Mélissa avec un jeune détenu, Saveriu, vont bizarrement arranger tout. La jeune femme ne se rend pas compte qu’elle vient de mettre les doigts dans un terrible engrenage. 

Le nouveau film de Stéphane Demoustier est un formidable thriller, extrêmement tendu. Petit à petit, Mélissa est prise au piège des tentacules de la pieuvre mafieuse. Insidieusement, elle pénètre dans sa vie alors que la matonne pensait seulement rendre service. Le film est également très bien construit. En parallèle de la vie de Mélissa se déroule une enquête sur un double assassinat à l’aéroport dont on ne prendra la mesure  qu’à la fin. « Borgo » est porté par la talentueuse Hafsia Herzi qui rend son personnage troublant, ambigu, insaisissable au fur et à mesure que l’intrigue avance. 

Et sinon :

  • « La machine à écrire et autres sources de tracas » de Nicolas Philibert : Ce film clôt le triptyque documentaire de Nicolas Philibert sur le pôle psychiatrique de Paris-Centre. Après l’Adamant et l’hôpital Esquirol, nous pénétrons dans les chambres, les appartements des patients. Nicolas Philibert suit des soignants qui ne se contentent pas de soigner les âmes mais qui réparent les appareils électro-ménagers. Patrice a besoin de sa machine à écrire pour taper les poèmes qu’il compose chaque jour. Muriel fait réparer son lecteur CD, sans la musique les voix dans sa tête deviennent envahissantes. Ivan a besoin de faire réparer son imprimante et de comprendre comment fonctionne son lecteur Dvd. Tout en démontant les appareils, les soignants prennent le temps de discuter, de prendre un café  et de combler un peu la solitude des malades. Cas à part : Frédéric, artiste peintre qui ne jette rien et a besoin d’aide pour faire le tri pour pouvoir à nouveau circuler dans son logement ! Nous avions déjà croisé sur l’Adamant certains des malades et c’est un plaisir de les retrouver, de voir où et comment ils vivent. Comme dans les deux autres documentaires, l’humanisme et l’empathie de Nicolas Philibert rendent le film sensible et les malades touchants. Contrairement à « Averroès & Rosa Parks », il se permet d’intervenir, de participer à la convivialité de certaines scènes. 

 

  • « L’homme aux mille visages » de Sonia Kronlund : Sonia Kronlund, productrice de France Culture, avait réalisé en une émission en 2017 sur un mythomane latin-lover. Elle a ensuite enquêté pendant cinq ans sur cet homme qui a vécu plusieurs vies en même temps. Il était ingénieur chez Peugeot, chirurgien thoracique, pilote de ligne et se prénommait Ricardo, Alexander, Daniel. De France en Pologne, il a fait croire au grand amour à plusieurs femmes qui témoignent dans le documentaire. Charmeur, affable, sociable, notre latin lover plait à tout le monde avec une facilité déconcertante. L’argent, parfois les cadeaux, passent d’une femme à l’autre alimentant ainsi ses mensonges. Sonia Kronlund tente de comprendre  ce qui unit, ou non, ces victimes de la passion amoureuse. Y-a-t-il un profil type pour se laisser aveugler ? La réalisatrice retrouve à la fin le mythomane et se procure une petite vengeance que l’on sent jubilatoire chez elle même si elle est teintée d’amertume. 

 

  • « Le jeu de la reine » de Karim Aïnouz : Catherine Parr fut la sixième et dernière femme d’Henri VIII, la seule à lui survivre. Cultivée, ayant des sympathies pour le protestantisme, elle méritait bien que l’on s’intéresse à elle notamment parce qu’elle fut l’une des premières femmes à publier un livre. Elle s’occupa également des enfants qu’Henri VIII eut avec ses femmes précédentes, comme s’ils étaient les siens. Le film de Karim Aïnouz est une reconstitution minutieuse de l’Angleterre du XVIème siècle et des intrigues de la cour qui craignait son roi. Violent, paranoïaque, brutal, dévoré par la gangrène, Henri VIII a de quoi faire peur et Jude Law est ici méconnaissable et extraordinaire. Alicia Vikander interprète avec grâce et dignité Catherine Parr. Le film a choisi de créer un suspens autour de la possible exécution de la reine, c’est un peu artificiel et la fin est assez absurde et décevante. 

 

  • « Le mal n’existe pas » de Ryusuke Hamaguchi : Takumi est veuf, il vit seul avec sa fille au cœur de la nature. Il est homme à tout faire, il aide la communauté en puisant de l’eau pure qui sera utilisée pour la cuisine d’un restaurant, il coupe des bûches. Sa vie semble en parfaite harmonie avec l’environnement qui l’entoure. Un projet de camping de luxe dans la région va bouleverser la vie des villageois et surtout celle de Takumi. J’avais adoré « Drive my car » et j’ai retrouvé dans « Le mal n’existe pas » la contemplation, la parole rare et précieuse, la splendeur plastique des images. La nature, les paysages sont sublimés. Le projet de camping va rompre l’équilibre, les communicants vont abreuver de mots les habitants. Deux mondes, qui s’opposent, vont rentrer en collision et provoquer un drame. Jusqu’aux dix dernières minutes, le film de Ryusuke Hamaguchi est passionnant, intrigant par son jeu avec la musique et sa puissante mélancolie. La fin du film gâche un peu l’ensemble en étant opaque et incompréhensible. 

Bilan livresque et cinéma de mars

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Le mois de mars était placé sous le signe de la découverte avec uniquement des auteurs que je n’avais jamais lus jusqu’à présent :

-Léna Ghar et son très original « Tumeur ou tutu » qui évoque une enfance maltraitée ;

-Marcia Burnier dont le premier roman, « Les orageuses » dormait dans ma pal depuis sa sortie… j’ai profité de la venue de l’autrice en Vleel pour enchaîner avec son deuxième roman ;

-Florent Marchet et son dernier roman « Tout ce qui manque » qui a reçu le prix Vleel cette année ;

-Harry Grey dont le livre largement autobiographique, « Il était une fois en Amérique »,  a inspiré Sergio Leone pour son dernier film ;

-Gillian McAllister et son étonnant thriller « Après minuit » qui plonge son héroïne dans un voyage dans le temps pour résoudre un meurtre ;

-Jérôme Moreau et sa colorée et écologiste bande-dessinée « Les Pizzlys ».

Côté cinéma, voici mes films préférés :

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Des vols ont eu lieu dans une école. Un jeune élève d’origine turque a rapidement été soupçonné. Son enseignante principale, Carla Nowak, n’a pas apprécié la façon dont le garçon a été accusé et elle décide de mener sa propre enquête. Le vol ayant eu lieu dans la salle des profs, elle y laisse son ordinateur pour qu’il filme ce qui s’y passe. La découverte de l’identité du pickpocket va déclencher une véritable tempête dans le collège.

« La salle des profs » est un formidable thriller, haletant et tendu. Le film se déroule en huis-clos et Carla Nowak est de plus en plus acculée. Ses bonnes intentions se transforment en véritable cauchemar. D’ailleurs, la vérité reste, durant tout le film, soumise à diverses interprétations et n’est pas aussi claire qu’il n’y parait au départ. Beaucoup de sujets sont évoqués dans le film autour du monde scolaire, des relations avec les parents d’élèves, les apparences trompeuses. Le cœur du film reste néanmoins le thriller qui est parfaitement mené.

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Après la mort de son frère au front, l’écrivain Siegfried Sassoon (1886-1967) refuse d’y retourner et l’exprime fermement devant une commission d’officiers. Il échappe de justesse à la peine de mort et il est envoyé dans un hôpital militaire en Écosse où il est soigné pour neurasthénie. Par la suite, il réussira à survivre à son retour au front contrairement à beaucoup de ses connaissances. Durant l’entre-deux-guerres, sa liberté et son charisme feront de lui la coqueluche des milieux littéraires et de la haute société.

Le dernier films de Terence Davies, décédé en octobre 2023, n’est pas un biopic classique, il se développe sous forme de réminiscences du passé. Le parcours de Siegfried Sassoon, son cheminement sont retracés par petites touches, par des aller-retours dans le temps (Jack Lowden puis Peter Capaldi interprètent le personnage). Homosexuel assumé dans le milieu mondain qu’il côtoie, il va pourtant épouser une femme, avoir un fils et se convertir au catholicisme. Les textes de l’auteur sont lus à de nombreux reprises en voix off, des images d’archives enrichissent également le film. Le travail de Terence Davies rend hommage à Sassoon, à la complexité de sa personnalité, ses choix, sa solitude et son pacifisme. Élégant, raffiné, « Les carnets de Siegfried » est un très beau film testamentaire.

Et sinon :

  • « La vie de ma mère » de Julien Carpentier : Pierre, trentenaire, est fleuriste. Son élégante boutique est prospère. A part sa difficulté à s’engager avec sa petite amie, tout semble aller pour le mieux dans la vie du jeune homme. Un matin où il est à Rungis avec son employé Ibou, un coup de téléphone va bouleverser son paisible quotidien. Sa mère Judith, bipolaire, vient de s’échapper de sa clinique. Après deux ans à avoir construit sa vie loin d’elle, Pierre doit à nouveau s’en occuper et doit la ramener à la clinique. « La vie de ma mère » est un film d’une délicatesse et d’une tendresse infinies. Pierre et sa mère partent pour un court voyage qui sera riche en émotions fortes. Petit à petit, on comprend le ressentiment, la lassitude de Pierre qui a du prendre en charge sa mère dès son plus jeune âge et gérer ses changements d’humeur. Derrière les excès de Judith, on entraperçoit la douleur d’être internée dans une clinique où son fils ne vient jamais la voir. On sent aussi, entre les deux personnages, un amour très profond et contrarié. Pour que le film soit touchant et loin de toute mièvrerie, il fallait deux acteurs au sommet de leur art et c’est le cas avec Agnès Jaoui et William Lebghil en parfaite symbiose.
  • « Scandaleusement vôtre » de Thea Sharrock : Littlehampton, une petite ville côtière du sud de l’Angleterre dans les années 20, est le théâtre d’un retentissant scandale. La très pieuse et coincée Edith Swan reçoit des lettres anonymes particulièrement ordurières et pleine d’insanités. Les soupçons se portent rapidement sur la voisine d’Edith, Rose Gooding, une irlandaise très libre et effrontée. Une policière, Gladys Moss, est persuadée de l’innocence de Rose et va mener son enquête avec un groupe de villageoises. Cette comédie réjouissante s’inspire de faits réels. Elle nous montre une Angleterre de l’entre-deux-guerres où le puritanisme et le patriarcat dominent la société. Le personnage d’Edith, superbement interprété par Olivia Colman, en est la victime. Elle est assez pitoyable, rongée par les frustrations et par la colère. La reconstitution historique est de qualité, tout comme le sont les dialogues. La satire aurait pu être encore plus cruelle pour être encore plus délectable. La force du film est son casting impeccable jusqu’aux seconds rôles. Le duo Olivia Colman/Jessie Buckley, qui incarne Rose, est parfait et elles nous offrent deux beaux numéros d’actrices.
  • « The sweet east » de Sean Price Williams : Lilian, une lycéenne de la côte est, est en voyage scolaire à Washington. Elle semble vaguement s’ennuyer. Durant une alerte terroriste dans un bar, où la classe est réunie, Lilian en profite pour s’échapper en suivant un jeune punk qui connait un passage secret vers l’extérieur. Le jeune fille va vivre quelques jours dans le squat où il vit avec d’autres activistes. Mais son voyage ne fait que commencer. « The sweet east » est une sorte d’Alice au pays des merveilles. Lilian va croiser la route de personnages très différents, souvent inquiétants mais comme Alice, rien de grave ne va lui arriver. Le réalisateur nous montre une Amérique extrêmement contrastée (un universitaire réactionnaire aux activités louches, des afro-américains intellos et engagés, une secte masculiniste installée dans le Vermont). Des courants de pensées totalement irréconciliables qui soulignent bien l’antagonisme fort qui scinde le pays. « The sweet east » est aussi un éloge de la fuite puisque son héroïne semble apprécier son étrange voyage. Le film est intéressant, plutôt plaisant malgré une certaine langueur.

Bilan livresque et cinéma de février

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Février a tiré sa révérence, il est donc temps de faire mon bilan ! Sept livres et une bande-dessinée ont été lus durant ce mois. Je vous ai déjà parlé des « Voleurs d’innocence » de Sarai Walker à l’atmosphère gothique. J’ai eu le plaisir de retrouver des auteurs que j’apprécie tout particulièrement : Jean-François Beauchemin, May Sinclair, Agatha Christie et Malika Ferdjoukh. Grâce aux éditions Bartillat, j’ai découvert l’auteur autrichien Ferdinand von Saar dont je vous reparle très vite. Et je me suis enfin décidée à lire la série des Paul de Michel Rabagliati. Mieux vaut tard que jamais !

Côté cinéma, j’ai pu voir cinq films dont voici mes deux préférés :

Daaaaaali !

Le dernier film de Quentin Dupieux n’est bien entendu pas un biopic ordinaire. Le choix de Dali n’est pas un hasard, il est même plutôt évident tant l’univers fantasmagorique de l’artiste colle parfaitement à la folle imagination du réalisateur. Le film tourne autour de la possible interview (avec ou sans caméra!) du grand maitre dont l’égo est démesuré. Quentin Dupieux s’amuse avec des boucles temporelles, des rêves, des couloirs d’hôtel qui n’en finissent pas. L’évocation de Salvador Dali est parfaite, on se croirait dans l’un de ses tableaux. La fantaisie débridée de la mise en scène s’étend aux comédiens. Il n’y pas un mais six interprètes pour incarner Dali. Certains apparaissent peu dans le film et deux crèvent l’écran. Édouard Baer et Jonathan Cohen sont absolument incroyables et d’une drôlerie irrésistible. « Daaaaaali ! » c’est du Quentin Dupieux au carré : décalé, barré, onirique, drôle, ludique, absurde. Un régal en somme.

sans jamais

Pour son travail de scénariste, Adam se replonge dans les souvenirs de son enfance et retrouve des photos de la maison de ses parents. Ils sont morts tragiquement dans un accident de voiture lorsque Adam était enfant. Il y a tant de choses qu’ils n’auront jamais su sur lui. Adam retourne voir la maison de son enfance où ses parents l’accueillent à bras ouverts… A son retour, il fait la connaissance de Harry qui habite dans le même immeuble que lui. Une relation amoureuse se noue entre les deux hommes.

« Sans jamais nous connaître » est un film bouleversant sur l’impossibilité du deuil. La solitude profonde d’Adam frappe d’emblée. Sa difficulté à créer des liens vient de la perte de ses parents, de la peur de perdre à nouveau des êtres chers. Son besoin de consolation est immense et à ce titre les scènes avec ses parents sont fortes et touchantes. Pouvoir leur dire qu’il est homosexuel, qu’ils l’acceptent ainsi fait partie de la réparation du personnage. Chez Harry aussi, la différence a créé un fossé avec sa famille. Deux solitudes, deux écorchés vif se trouvent et s’aiment. C’est déchirant, plein de tendresse et de délicatesse. Les quatre acteurs principaux sont fabuleux : Andrew Scott, Paul Mescal, Claire Foy et Jamie Bell. La tristesse, la mélancolie imprègnent le film mais son message est celui d’un partage encore possible, d’une ouverture à l’autre indispensable pour continuer à vivre.

Et sinon :

  • « A man » de Kei Ishikawa : Rie tient une papeterie avec sa mère. Son premier mari est parti après la mort de leur deuxième enfant. Elle rencontre Daisuke, un bûcheron qui vient d’arriver dans la région. Ils marient et ont ensemble une petite fille. Cinq plus tard, Daisuke meurt dans un accident. C’est lors de ses funérailles que Rie apprend que son deuxième époux vivait sous une identité d’emprunt. La veuve charge son avocat, Akira Kido, de faire la lumière sur cette affaire. « A man » est un thriller maîtrisé qui interroge profondément l’identité. Plusieurs personnages cherchent à échapper à la dureté de la société japonaise, à ses préjugés (Akira est sans cesse ramené à ses origines coréennes) et à son besoin de performance. Une autre vie, une autre identité pour se réinventer et pour enfin être soi-même. Les sentiments ont bien du mal à percer la carapace de la bienséance sociale. Ce qu’exprime Kei Ishikawa sur la société japonaise est passionnant et sa critique est fine. L’intrigue n’est pas laissée de côté au profit de cette critique et de nombreux rebondissements rendent ce film très réussi.
  • « La zone d’intérêt » de Jonathan Glazer : Jouxtant le mur du camp d’Auschwitz, se trouve la maison du commandant en charge de ce lieu, Rudolf Höss. Il y vit avec sa famille : sa femme Hedwig et leurs enfants parfaitement blonds. La maison est grande, elle possède un jardin verdoyant et une piscine. Un endroit de rêve que Hedwig ne voudrait quitter pour rien au monde ! La fumée se dégageant des cheminées du camp ou les miradors ne semblent pas la gêner le moins du monde. Dans son film, Jonathan Glazer a choisi de ne pas montrer ce qui se déroule de l’autre côté du mur. Les atrocités restent hors-champ et pourtant elle ne cesse de s’imposer à nous. Le réalisateur a fait un gros travail sur le son : ordres hurlés, claquements, chiens qui aboient, tirs. Le quotidien de la famille Höss, qui est filmé de loin comme pour une étude d’entomologiste, est émaillé de rappels de la Shoah ; les vêtements récupérés, une bague trouvée dans un tube de dentifrice, un enfant qui joue avec des dents. C’est la banalité du mal que choisit de nous montrer Jonathan Glazer. « La zone d’intérêt » comporte quelques défauts (les scènes en caméra thermique n’apportent pas grand chose) mais le résultat est saisissant et surtout parfaitement glaçant.
  • « La bête » de Bertand Bonello : 2044, Gabrielle passe un entretien d’embauche pour obtenir un poste avec plus de responsabilités. Mais elle vit dans un monde où l’intelligence artificielle a pris le pouvoir et où les affects doivent être éliminés. Pour ce faire, la jeune femme doit subir un traitement de purification. Durant cette opération, elle va revivre les moments forts de ses vies antérieures. Bertrand Bonello nous fait voyager entre trois époques : 1910, 2014 et 2044 avec comme fil rouge l’histoire d’amour de Gabrielle et Louis. les époques s’entrelacent de façon très fluide et les genres cinématographiques également : film historique, thriller, SF, l’ombre de David Lynch plane sur plusieurs scènes. Inspiré de la nouvelle d’Henry James « La bête dans la jungle », le film de Bertrand Bonello porte sur les émotions et la peur que l’on peut ressentir à l’idée d’en éprouver de trop fortes. Léa Seydoux est exceptionnelle dans ce rôle et elle est bien accompagnée par George MacKay qui est captivant. Un peu long, un peu froid, « La bête » n’en reste pas moins un film ambitieux aussi bien au niveau narratif qu’esthétique.