Robert Adams au Jeu de Paume

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Le photographe américain Robert Adams est à l’honneur au Jeu de Paume jusqu’à la mi mai. Je ne connaissais pas son travail avant de voir l’exposition qui lui est consacrée mais j’ai trouvé son travail particulièrement intéressant. Robert Adams est le grand photographe de l’Ouest américain. Il y a passé son adolescence et, après des années dans le New Jersey, il s’installe dans le Colorado. C’est là que débute sa carrière de photographe notamment avec la série « Eden, Colorado, 1968 » où il nous présente la prolifération des suburbs, la progression des lieux commerciaux sur les espaces naturels, la déstructuration des paysages.

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A son retour dans l’Ouest, Robert Adams est frappé par l’incroyable lumière et l’immensité des paysages. Les grandes plaines se prêtent tout particulièrement à son travail et le photographe construit des images d’une grande sobriété et particulièrement harmonieuses où le ciel prend une place prépondérante.

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Robert Adams souligne également la dégradation des paysages, déplore la négligence des hommes qui agressent de plus en plus brutalement leur environnement. Il fait de nombreuses photos d’arbres (Printemps de Los Angeles, Peupliers de Virginie) montrant l’immense déforestation qui ravage la région.

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Toute la recherche photographique de Robert Adams réside dans la tension entre pessimisme et optimisme. Il s’inquiète de l’effet de l’homme sur les grands espaces de l’Ouest américain mais il est capable de nous offrir de jolis moments de joie. C’est le cas de la série « Nos parents, nos enfants » datant de 1981 qui montre des moments simples, lumineux partagés par les différentes générations.

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Ce qui m’a frappée dans l’œuvre de Robert Adams, c’est la grande sérénité qui se dégage de ses photos. Malgré son pessimisme quant à la conservation des paysages, elles restent très harmonieuses et servies par un noir et blanc somptueux. Les sujets traités sont simples, sobres. La beauté et le désastre s’y côtoient. L’œuvre de Robert Adams, commencée dans les années 60, est d’une grande cohérence et témoigne de sa volonté de célébrer la beauté de la nature et du quotidien des hommes qui y vivent. Une belle œuvre à découvrir.

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Caillebotte à Yerres, au temps de l’impressionnisme

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L’exposition Caillebotte à Yerres présente en majorité les œuvres réalisées par l’artiste dans la propriété familiale. De 1875 à 1879, Caillebotte y réalisa environ 80 tableaux dont la moitié compose l’exposition. La plupart viennent de collections privées et sont exceptionnellement visibles.

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Les tableaux sont caractéristiques de l’œuvre de Caillebotte de par leurs thématiques (l’eau et le canotage, le jardin, la vie parisienne évoquée en toute fin d’expo) mais également de par leurs cadrages audacieux qui évoquent l’art de la photographie.

L’une des œuvres majeures de l’exposition est le triptyque composé de « Pêche à la ligne », « Baigneurs, bords de l’Yerres » et « Périssoires sur l’Yerres ». Ils furent présentés en 1879 à la quatrième exposition impressionniste à Paris. Ces trois grands panneaux ont pour thème les plaisirs de l’eau. La palette de couleurs est claire et lumineuse. Le cadrage des « Baigneurs, bords de l’Yerres » et des « Périssoires sur l’Yerres », qui coupe le visage d’un baigneur et l’arrière de la périssoire,  en font des instantanés, des moments volés.

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On retrouve les mêmes caractéristiques dans le très beau « Canotier au chapeau haut de forme » de 1875-1878. Contrairement aux autres canotiers de Caillebotte, celui-ci porte une tenue de ville et un chapeau haut de forme. Il regarde ailleurs, en dehors du tableau. Ce qui est remarquable c’est que la barque occupe tout le premier plan, coupée en deux, et place le spectateur dans l’embarcation avec le bourgeois en plein effort.

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L’un des mes tableaux préférés de l’artiste est « L’Yerres, effet de pluie » de 1875. Trois plans s’y superposent, la diagonale du premier plan s’oppose à la verticalité des arbres. La pluie se laisse deviner par les délicats ronds de l’eau. Encore une fois, cette œuvre allie un cadrage original, une douce luminosité, une large palette de vert qui rend hommage à la beauté du paysage.

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Il faut vraiment profiter de cette exposition car Gustave Caillebotte est un peintre rare et d’une grande originalité. Je vous signale également sa présence dans l’exposition « Les impressionnistes en privé » du musée Marmottan avec notamment deux magnifiques toiles de grande envergure : « Les soleils » de 1885 et « Les dahlias » de 1893. Les deux ont été peintes dans la propriété du peintre au Petit-Genevilliers où il s’installa après la vente du domaine de Yerres. Et une fois l’exposition terminée, je vous encourage à profiter du superbe parc de la propriété Caillebotte.

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Exposition Brassaï, pour l’amour de Paris à l’Hôtel de ville

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L’Hôtel de ville propose jusqu’au 29 mars une exposition gratuite autour des photographies de Paris d’un grand amoureux de la ville : Brassaï. Ce dernier, né en Transylvanie, s’installe définitivement à Paris à partir de 1924 où il côtoie les milieux artistiques : Desnos, Picasso, Prévert, Miller, Cendrars, etc… Picasso lui propose d’ailleurs de réaliser les photographies de ses sculptures.

L’exposition nous montre des photos allant de 1924 à 1940 environ : les années folles tourbillonnantes et insouciantes. Le photographe a une prédilection pour la nuit où tous les milieux se croisent, où la lumière des becs de gaz et le brouillard créent une ambiance mystérieuse et fascinante.

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Brassaï montre tous les visages de la capitale : les milieux populaires, les travailleurs des halles, les mauvais garçons, les prostituées aussi bien que les milieux huppés sortant de l’opéra ou allant aux courses de Longchamp. Le cirque et les fêtes foraines le captivent à l’instar de son ami Picasso.

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L’exposition nous montre également de très belles photos d’enfants qui font beaucoup penser aux réalisations de Robert Doisneau. Brassaï nous présente de très jolis moments d’innocence.

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Le photographe compose aussi des clichés intemporels de la capitale qu’il a arpentée durant toute sa vie. Des images que nous pouvons toujours découvrir en flânant dans les rues et les ruelles.

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Je vous invite à visiter cette exposition si vous aimez la ville lumière, si vous aimez les belles photos et le noir et blanc travaillé. Vous serez alors séduit par l’univers de Brassaï, par son amour de Paris qui vous plonge dans les années folles si pleines d’espoir  et vous n’aurez qu’une envie en sortant de l’exposition : flâner dans les rues de la ville !

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Exposition Félix Vallotton au Grand Palais

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La rétrospective du Grand Palais nous permet de redécouvrir un peintre d’origine suisse, naturalisé français en 1900, Félix Vallotton. Un artiste dont l’œuvre étonnante ne s’est inscrite dans aucun courant, ce qui explique probablement son oubli auprès du grand public. L’exposition ne se fait pas de manière chronologique mais par thèmes, par exemple : idéalisme et pureté de la ligne, perspectives aplaties, refoulement et mensonge, opulence de la matière, érotisme glacé, etc…

2013-10-19 14.39.15La grève blanche, Vasouy, 1913

La première caractéristique de la peinture de Valloton est son traitement en aplats de couleurs juxtaposées. La perspective classique se déplace en haut ou en dehors du tableau, donnant des images étonnantes, presque surréalistes ou oniriques. Ce goût pour les aplats lui venait de l’estampe japonaise mais également de sa pratique de la xylographie (Vallotton vivait de ses estampes qui sont largement représentées dans l’exposition).

2013-10-27 09.13.31L’averse, 1894

Il travailla également à partir de photos qui lui permettaient de développer la bidimensionnalité des images. Cela le rapprocha du groupe des Nabis qui travaillaient en aplats et créaient une peinture très décorative. Mais Vallotton, ce sont également des contours nets et soulignés notamment dans les nus. Les fonds sont neutres, colorés.

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Nu couché au tapis rouge, 1909

Malgré une forme moderne, Félix Vallotton souhaitait s’inscrire dans une tradition classique. Ses influences majeures sont Manet (Olympia est détournée dans « La femme au perroquet » et « La blanche et la noire ») et surtout Ingres avec des corps de femmes nues à la peau laiteuse et parfois à l’anatomie douteuse (« Le bain turc » ou « La salamandre »). Ses thèmes sont tirés de la peinture classique comme les natures mortes ou les mythologies en grand format. Ses derniers tableaux sont volontairement grotesques et kitsch mais ils sont assez difficiles à apprécier aujourd’hui ! Cela lui permet d’aborder de manière détournée des thèmes d’actualité comme la première guerre mondiale dans « Orphée dépecé » ou l’émancipation de la femme dans « Femme lutinant un Silène ».

2013-10-27 09.18.52La salamandre, 1900

La femme est au centre de l’œuvre de Félix Vallotton. Il montre pour le sexe opposé une grande attirance et une immense répulsion. Le corps de la femme lui plaît comme le démontrent les nombreux nus présents dans l’expo. Mais il ne s’en dégage aucune sensualité, les carnations sont froides, les regards indifférents ou ailleurs. La femme est également manipulatrice, source de drames ou de conflits. « Le provincial » montre un homme qui va se faire plumer par cette élégante femme fatale. « La chaste Suzanne » n’est plus effrayée par les deux vieillards mais les convoite. L’atmosphère des scènes d’intérieur est lourde, annonciatrice de drame, de larmes, de tromperie. Vallotton voyait d’un très mauvais œil l’avènement du féminisme et ses difficultés conjugales ont accentué son dégoût. La tableau « La haine » montre la femme comme un monstre de mépris, de violence.

2013-10-27 09.11.44Le provincial, 1909

Félix Vallotton est un peintre qu’il fallait remettre à l’honneur pour l’originalité de ses cadrages, la complexité de ses thématiques, pour ses talents de coloriste et d’illustrateur.

2013-10-19 15.45.31Le ballon, 1899

 

Désirs et volupté à l’époque victorienne au musée Jacquemart-André

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En cette rentrée, le musée Jacquemart-André propose une exposition à laquelle il m’était difficile de résister : Désirs et volupté à l’époque victorienne. Les tableaux présentés sont issus d’une grande collection privée sud américaine, celle de Juan Antonio Pérez Simon. Quelques grands artistes sont présents dans l’expo (Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais, John William Waterhouse, Edward Burne-Jones, Lawrence Alma-Tadema ou Albert Moore) mais également des moins connus comme Emma Sandys, Edwin Long ou Henry Payne.

jeunes_filles_grecques_-_apercuJeune fille grecques ramassant des galets au bord de la mer – A. Moore

Les deux parties du titre sont antinomiques, le désir et la volupté cadrant mal avec le rigorisme, la pudicité du règne de Victoria. L’exposition montre que la luxure n’avait pas sa place dans les arts de cette période. Les représentations du corps de la femme restent extrêmement sages. Le cadre choisi, les thèmes traités par les peintres mettent à distance et permettent de garder la moralité intacte.

la_couronne_de_lamourLa couronne de l’amour – JE Millais

Les fouilles archéologiques, notamment à Pompéi ou Herculanum, offrent un cadre idéal à ces peintures en permettant de s’extraire du cadre quotidien de l’industrialisation et ainsi permettre de garder la morale sauve. Lawrence Alma-Tadema se consacre à l’Antiquité romaine comme le montre la première salle de l’exposition. Tandis que Frederik Goodall se tourne vers l’Égypte. Il s’agit bien entendu d’une idéalisation de l’Antiquité. Le Moyen-Age et la littérature inspirent également fortement les oeuvres de cette période.

roses_dheliogabaleLes roses d’Héliogabale – L. Alma-Tadema

Les femmes sont elles aussi bien loin du quotidien. Les peintres choisissent des héroïnes comme Antigone ou Andromède. Elles peuvent également être magiciennes comme chez Waterhouse. Leurs corps sont  idéalisés et sont traités comme des sculptures. Il n’y a rien de vulgaire dans ces nus, rien de trivial. Le titre de l’exposition en devient quelque peu étrange et les visiteurs qui s’y rendraient en espérant y sentir l’odeur du stupre seront déçus.

la_boule_de_cristalLa boule de cristal – J. Waterhouse

Il ne faut pas oublier que ce courant de la peinture anglaise se voulait hautement esthétisant. La peinture avait un but décoratif et se fondait dans le reste du programme décoratif des intérieurs. L’art était partout et l‘exposition de 2011 au musée d’Orsay le montrait très bien. Je trouve d’ailleurs que celle de Jacquemart-André souffre de la comparaison. Celle du musée d’Orsay était si complète, si réussie que l’on reste sur sa faim en terminant celle de Jacquemart-André. Les oeuvres présentées sont également plus mineures. L’espace d’exposition est bien entendu beaucoup plus réduit qu’au musée d’Orsay mais j’aurais aimé que l’exposition soit plus dense. Et comme toujours, je trouve le prix (11€) vraiment rédhibitoire. Le billet donne accès au musée mais quand on l’a déjà fait, on ne recommence pas à chaque fois.

andromedeAndromède – EJ Poynter

Une exposition que je conseillerais avant tout aux amateurs de cette période car elle permet de découvrir quelques artistes et voir quelques œuvres vraiment intéressantes.

venus_verticordiVenus Verticordia – DG Rossetti

L’avis de Noctenbule.

Exposition Titanic

Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912 se déroula une des plus frappantes catastrophes du 20ème siècle. Le Titanic sombra après avoir percuté un iceberg causant la mort d’environ 1500 personnes.

L’exposition du Parc des Expositions rend hommage à cette terrible histoire et à ce paquebot incroyable. Elle retrace dans un premier temps la construction de ce bateau gigantesque, quasiment aussi long que la Tour Eiffel et l’inscrit dans ce siècle naissant.

2013-07-30 10.57.32Le Titanic est le bateau de tous les superlatifs : il est immense et d’un luxe inouï pour l’époque. L’exposition reconstitue certaines pièces et l’ambiance des trois classes. Comme le souligne certains cartels la culture édouardienne marquait les différences de classes sociales et c’est ce que l’on retrouve sur la Titanic. Mais les passagers avaient souvent le même but commun : avoir une vie meilleure aux États-Unis.

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La première classe (avec des passagers connus comme Astor, Guggenheim ou Strauss) comportait des cabines de plusieurs pièces, des restaurants, des salons, une bibliothèque, une piscine, des bains turcs, un terrain de squash,…

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Même si la 2ème classe était moins luxueuse, elle correspondait à une 1ère classe sur un autre paquebot. Les cabines étaient bien meublées, le restaurant agréable, de quoi apprécier sa croisière.

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La 3ème classe  était beaucoup plus rudimentaire. Les cabines comportaient quatre lits et les passagers les partageant ne se connaissaient pas forcément. Néanmoins ils étaient ravis de découvrir de véritables matelas à la place de la paille habituelle sur les autres paquebots.

2013-07-30 11.51.42L’exposition nous fait bien sentir le passage d’une classe à l’autre grâce à la musique. Elle se fait classique, douce et légère dans les premières salles et l’on entend plus que le bruit des moteurs dans la cabine de 3ème classe.

La différence de classe à travers la vaisselle :

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Les dernières salles sont consacrées à la catastrophe et à la redécouverte de l’épave. Le naufrage y est expliqué notamment grâce aux témoignages des survivants et un iceberg nous fait prendre conscience de la température de l’eau durant cette nuit d’avril 1912. Les passagers sont pour la plupart morts d’hypothermie. L’épave est restée 73 ans au fond de l’eau avant sa redécouverte.

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Il faut souligner l’extraordinaire travail de conservation des objets. L’exposition est en effet émaillée des objets personnels des passagers : chapeau, valise, bijoux, produits de beauté, pièces et billets de banque, cartes postales, complétés par beaucoup de vaisselle et d’outils de navigation.

Le gros plus de cette exposition, en tout cas ce que j’ai le plus apprécié, c’est l’attention portée aux passagers. Tout au long de l’exposition se trouvent des portraits détaillés des personnes montées à bord. On connaît leur situation, les raisons pour lesquelles ells faisaient la traversée et si elles ont survécu ou non. A l’entrée nous est également remis une carte d’embarquement avec le nom d’un passager. N’oubliez pas de vérifier à la fin s’il a réussi à grimper sur un canot de sauvetage.

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(Mrs Morgan Davies a survécu avec son plus jeune fils)

Une belle exposition, didactique et complète sur la tragédie du Titanic que j’ai eu le plaisir de voir avec ma copine Lou.

L’ange du bizarre au musée d’Orsay

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L’entrée de l’exposition se fait sous le regard halluciné du Nosferatu de Murnau. La riche et passionnante exposition, dont le titre est emprunté à Edgar Allan Poe, nous présente la naissance et les renaissances du romantisme noir. A chaque fois, le mouvement est lié à des soubresauts de l’histoire :

-la naissance vers 1770, à la veille de la Révolution et jusqu’en 1850 avec la Terreur et les guerres de Napoléon

-la renaissance vers 1860-1900 avec le symbolisme et la 2nd Révolution Industrielle ainsi que la guerre de 1870

-la redécouverte en 1920 par les surréalistes après le 1ère Guerre Mondiale

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Tous ces évènements entraînent le doute, le questionnement. La raison du siècle des lumières ne semble pas en mesure de contrôler le monde ou d’empêcher les catastrophes. Il en sera de même dans les époques suivantes où l’on se questionne sur la force de la démocratie et de la science. Perdre le contrôle permet également de s’affranchir des conventions sociales ou morales. Devant un monde chaotique, la perte de repères semble des plus appropriée.

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Les trois temps du romantisme noir se retrouvent autour de certains thèmes centraux. Les artistes émaillent leurs œuvres de références littéraires, mythologiques ou bibliques. Au début du mouvement, les références sont clairement littéraires : « Le paradis perdu » de Milton, les pièces de Shakespeare, « La divine comédie » de Dante, « Faust » de Goethe (exemple : « Dante et Virgile aux enfers » de Adolphe Bouguereau, « Les trois sorcières de Füssli, « Paolo et Francesca » de Delacroix ou « Ophelie » de Auguste Préault).

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Le symbolisme se tourne vers d’autres mythes où la femme est vénéneuse et dangereuse : Sphinx, Méduse, Salomé, Cléopâtre (ex: « Méduse » de Lucien Levy-Dhurmer, « Salomé » de Gustave Moreau, « Vampire » de Edvard Munch). Les surréalistes explorent l’oeuvre redécouverte du marquis de Sade et d’autres auteurs gothiques.

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Le paysage est un thème central développé dès le début par les anglais notamment par Samuel Coleman ou John Martin. Leurs toiles montrent le chaos, des bâtiments en ruines ou en flammes. La version allemande est très différente avec des paysages à priori calme mais d’où se dégage l’étrangeté et qui confinent au sublime (ex: « Le portail du cimetière » de Caspar David Friedrich, « Paysage montagneux : ruines dans une gorge » de Karl Friedrich Lessing.

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On retrouvera cela chez les symbolistes dans les paysages se Spilliaert, Böcklin ou Williman Degouve de Nuncques.

WilliamDegouvedeNuncques+Nocturne atTheRoyalParkBrussels+1897+MuseedOrsayNocturne au parc royal de Bruxelles de Degouve

Max Ernst sera lui-même obsédé par la forêt (dans laquelle il est resté trop longtemps, n’est-ce pas Maggie ?) et son côté magique, mystérieux.

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L’imagerie gothique du romantisme noir est largement reprise par la suite par le cinéma. De nombreux extraits sont visibles tout au long du parcours de l’exposition : « Frankenstein » de James Whale, « Dracula » de Tod Browning, « Rebecca » d’Alfred Hitchcock, « La chute de la maison Usher » de Jean Epstein pour n’en citer que quelques uns.

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Le musée d’Orsay nous offre une exposition très complète sur le mouvement du romantisme noir. De très nombreuses œuvres sont présentées pour nous offrir un large panorama historique. Laissez-vous emporter par les ténèbres !

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Le monde enchanté de Jacques Demy à la Cinémathèque

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La cinémathèque me donne l’occasion de vous parler d’un de mes cinéastes préférés : Jacques Demy. L’exposition qui a commencé en avril permet de plonger dans l’univers enchanté de ce cinéaste. Un fois les portes franchies, c’est une véritable immersion puisqu’on y trouve beaucoup de photos, des décors, des costumes, des extraits de films et d’interviews, des témoignages. Le travail de Jacques Demy y est parfaitement mis en valeur. L’expo permet de voyager chronologiquement dans l’œuvre. Elle s’ouvre sur le passage Pommeraye de Nantes peuplé des différents personnages. Ensuite chaque salle est consacrée à un ou plusieurs films.

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Ce que souligne cette exposition, c’est la richesse de l’imaginaire du réalisateur et sa recherche d’un idéal. Pour l’atteindre, Jacques Demy travaillait avec minutie et souci du détail. Chaque éclairage, chaque décor (par exemple les papiers peints) étaient méticuleusement choisis et travaillés.

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Elle montre également les influences de Jacques Demy : Jean Cocteau et Leonor Fini pour « Peau d’âne », Vermeer dans « Les parapluies de Cherbourg », Bernard Buffet et Calder dans « Les demoiselles de Rochefort », Raoul Dufy dans « La baie des anges ». Des influences complétées par le travail de fidèles comparses : Bernard Evein pour les décors et bien entendu Michel Legrand pour mettre en musique cet univers.

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La part belle est faite aux trois films les plus connus : « Les parapluies de Cherbourg », « Les demoiselles de Rochefort » et « Peau d’âne ». Ces trois salles sont un enchantement et sont magnifiquement scénographiées. Elles raviront les amateurs du cinéaste. Ce sont sans doute les films les plus emblématiques du merveilleux à la Demy : un mélange de poésie et de réel, de douceur et d’âpreté.

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Les autres talents de Jacques Demy sont également montrés : dessin, peinture et photo (celles de Los Angeles prises à l’occasion du tournage de « Model shop » m’ont beaucoup plu) Le cinéaste s’était tourné vers d’autres formes d’art surtout après l’échec commercial de « Une chambre en ville ».

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Je vous conseille donc chaleureusement cette exposition qui met en valeur la liberté de ton, l’indépendance, l’amour du cinéma et des acteurs de Jacques Demy. Et surtout elle donne envie de voir ou revoir toute sa filmographie, sauf « Parking » que je vous déconseille tant il a mal vieilli !

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L'Impressionnisme et la mode

Le musée d’Orsay nous propose une exposition sur la mode chez les impressionnistes alliant peintures et accessoires de mode. En réalité l’exposition ne se limite pas à ce seul mouvement artistique puisqu’elle comporte des toiles de Courbet, James Tissot et Corot.

Femme en bleue-C. Corot

Le XIXème siècle voit l’émergence des grands magasins, comme celui du Louvre ou le printemps, et d’illustrés concernant les dernières modes (même Mallarmé en créa un).

Femme lisant-E. Manet

Les femmes changeaient de tenues en fonction des moments de la journée et de l’année. L’exposition montre très bien les différentes sphères dans lesquelles évoluent les femmes : l’intimité de la journée, le théâtre, les bals, l’été et ses sorties en plein air.

Dans la loge-M. Cassatt

Intérieur-B. Morisot

Femmes au jardin- C.  Monet

On peut voir l’évolution des robes entre 1860 et 1880. Les premiers modèles présentés sont constitués d’une crinoline faisant le tour de la robe et petit à petit l’avant de la robe s’aplatit et la crinoline se déplace vers l’arrière. Le volume qui se situe vers l’arrière s’appelle une tournure (ou faux-cul) et est souvent complété par une traîne. La silhouette de la femme s’allonge et s’affine. Les accessoires prennent une grande importance, on les dit de contenance ce que je trouve très joli. Les femmes complètent leur tenue avec une ombrelle, un éventail, des gants et surtout un chapeau sans lequel il ne saurait être question de sortir à l’extérieur.  

Le milieu social étudié par les impressionnistes est le leur, c’est-à-dire la bourgeoisie voire la haute bourgeoisie et le milieu artistique. Les milieux populaires ne sont quasiment pas représentés. On peut  signaler néanmoins « La chapelière » de Degas, « La demoiselle de magasin » de Tissot (on reste dans le milieu de la mode), « Rue de Paris, jour de pluie » de Caillebotte qui montre des passants ordinaires. La courtisane est représentée à deux reprises avec « Nana » de Manet et « Rolla » de Gervex mais qui sont inspirés de romans et non de situations réelles. C’est peut-être le seul défaut de cette exposition, elle ne nous montre pas comment la mode de la haute société descendait dans la rue et quelle forme elle y prenait.

La demoiselle de magasin- J. Tissot

Les hommes ne sont pas oubliés mais il est vrai que leur possibilité de fantaisie vestimentaire est plus réduite. Le costume masculin devient sobre, austère. La diversité peut se développer au niveau du tissu du pantalon, celui de la cravate ou du gilet. Je signale au passage que mon cher Dickens avait une vaste collection de gilets de costume (non vous ne rêvez pas, même en parlant d’une expo sur la mode et les impressionnistes, j’arrive à placer son nom !!).

Portrait d’homme-G. Caillebotte

La muséographie de l’exposition est vraiment très amusante. Robert Carsen, le scénographe, s’est totalement lâché et est allé au bout de son thème. Dans la partie consacrée à la ville, les cimaises sont recouvertes de tapisserie, nous entendons du piano, les espaces sont petits et donnent l’impression d’être dans des boudoirs. Pour les grands formats, les toiles sont présentées sur des cimaises rouges et entourées de sièges de salle de spectacle qui sont agrémentées du nom de leur propriétaire. Il s’agit de personnalités de l’époque ou de membres  de la haute société. L’exposition se termine à la campagne pour les belles journées d’été ensoleillées le long des bords de Seine. Les toiles sont disposées dans une grande salle où l’on entend un chant d’oiseau, il y a des bancs et du gazon sur le sol. Cette salle permet de vagabonder au milieu des œuvres comme pour une promenade. Certains trouveront peut-être cette muséographie too much mais je l’ai trouvée charmante et originale.

L’exposition du musée d’Orsay ne va pas révolutionner l’histoire de l’art du XIXème siècle mais si vous aimez ce siècle et que vous vous intéressez aux costumes, je ne peux que vous conseillez de vous y rendre avant le 20 janvier. Le musée ne se contente d’ailleurs pas de ces fonds propres (il y a bien entendu de nombreux classiques venant de leur collection comme « Le balcon » de Manet ou « Le déjeuner sur l’herbe » de Monet) et permet de découvrir certaines œuvres méconnues. Pour finir, je tenais à vous signaler la présence dans l’expo du sublime pastel de Manet intitulé « Irma Brunner » que je connaissais déjà mais qui me ravit à chaque fois que je le vois. Il représente pour moi la quintessence de l’élégance et quoi de mieux pour illustrer une exposition sur la mode ?

Irma Brunner-E. Manet

 

Matisse, paires et séries

Actuellement au Centre Pompidou a lieu une exposition sur Henri Matisse intitulée « Paires et séries ». Elle couvre l’ensemble de la carrière de l’artiste de 1899 à 1952 et regroupe une soixantaine de toiles et une trentaine de dessins. Cette exposition permet de comprendre le travail de Matisse et sa manière d’explorer son art. Les paires ou les séries lui permettent de réfléchir sur la forme, sur la couleur, sur le volume en allant toujours vers plus de simplicité et d’épuration.

Matisse explore sans cesse, se réinvente et laisse transparaître son état d’esprit à travers ses expérimentations en paires ou en séries. Les oeuvres exposées montrent différents types de répétition. Il y a les véritables paires, deux tableaux parfaitement identiques dans leurs compositions et leurs dimensions comme dans « Luxe I » et « Luxe II » :

                                                               

Le peintre joue ici sur les volumes, la toile de droite est  plus en aplat que la première.

Matisse crée également des séries avec mise en abyme, c’est le cas avec « Lorette sur fond noir » et « Le peintre dans son atelier ». L’artiste se montre au travail et répète le motif de Lorette dans son fauteuil :

                                                           

Enfin, il aime également joué sur les motifs qu’il peut développer sur des toiles totalement différentes. C’est le cas des deux superbes tableaux de l’affiche qui n’avaient pas été réunis depuis leur création : « La blouse roumaine » et « Le rêve ».

                                                       

On constate également à travers l’exposition la facilité avec laquelle Matisse change de style et de techniques. Il semble avoir tout essayé, tout exploré. Le peintre fauve passe  de l’impressionnisme du « Pont de St Michel », au pointillisme de « Luxe calme et volupté » en passant par le cubisme de « Tête blanche et rose ». Il  côtoie Signac, Juan Gris et se confronte à leur style. Tous les courants du XXème siècle sont condensés dans le travail de Matisse.

 

Le travail en série de Matisse est encore plus clairement visible dans les dessins. Le motif est décortiqué en de nombreux croquis. Le style est totalement épuré, une ligne claire et marquée définit les contours. Les dernières œuvres de Matisse sont la quintessence de cette idée de répétition. Il s’agit des papiers collés intitulés « Nu bleu ». Il ne reste plus que le contour et la couleur. Nous sommes dans la sensation immédiate, dans l’émotion de la couleur pure.

                                                        

Le Centre Pompidou nous offre  une très belle exposition avec un choix pertinent d’œuvres. L’ensemble nous plonge dans les expérimentations de l’artiste en perpétuelle recherche sur la forme et la couleur. Un travail d’une grande richesse esthétique à voir jusqu’au 18 juin.