La fille du capitaine de Pouchkine

Russie, 1773, Piotr Andreïtch Griniov est un jeune homme de bonne famille. Son père est un ancien militaire et souhaite que son fils s’engage à son tour. Ce dernier est enchanté puisqu’il pense être Sergent de la Garde Impériale à Saint-Pétersbourg. « L’idée du service se mêlait en moi à l’idée de liberté, de vie de plaisirs à St Pétersbourg. Je me voyais en officier de la Garde, ce qui, selon moi, était le sommet de la béatitude humaine. » Mais son père ne l’entend pas de cette oreille et souhaite que son fils ait un véritable apprentissage de soldat. C’est ainsi que notre jeune héros, accompagné de son serviteur Savélitch, se retrouve affecté au fort de Bélogorsk en plein milieu des steppes de Kirghizie. Piotr est donc bien loin de la vie trépidante dont il rêvait. Mais la route du jeune officier va bientôt croiser celui de l’Histoire.

Pouchkine mélange les genres dans ce court roman. « La fille du capitaine » est à la fois un récit initiatique, une romance et un roman historique. Piotr Andreïtch est envoyé au fort pour avoir une formation de soldat, apprentissage qui doit le sortir de l’enfance. A l’intérieur du fort, il est chaleureusement accueilli par la famille du capitaine. Ce dernier a donc une fille, Maria Ivanovna, qui va ravir le coeur de Piotr. Cette partie du roman est très romanesque. Piotr doit lutter pour défendre sa belle et empêcher le traître Chvabrine de la marier de force. Pouchkine exploite totalement cette veine romantique : Piotr est un héros innocent par excellence, ses sentiments sont purs alors que Chvabrine est la mesquinerie et la jalousie incarnées. Les sentiments sont en général très tranchés et exacerbés dans les romans russes ce qui n’est pas pour me déplaire.

La partie historique de « La fille du capitaine » est très intéressante car elle nous en apprend beaucoup sur la société russe de l’époque. Le Cosaque Pougatchov décide de se rebeller face au pouvoir. Il est suivi par un grand nombre de ses compatriotes et réussit à prendre plusieurs forteresses dont le fort de Bélogorsk. Cette révolte des Cosaques de l’Oural ne dura qu’un an mais elle montre bien la fracture existant entre le peuple et l’aristocratie.  Les petits soldats sont des paysans, des serfs (les Cosaques sont de cette catégorie sociale) et ne peuvent en aucun cas devenir officiers. Notre jeune Griniov est de haute extraction et est d’office nommé sergent malgré son manque total d’expérience. Une autre distinction se fait également au niveau religieux. Au milieu du XVIIème siècle, l’Eglise russe a connu un schisme. Les Cosaques sont restés attachés à l’ancien culte contrairement à l’aristocratie qui cherche à européaniser la culture russe. La société russe est d’une grande complexité en raison des multiples ethnies qui la composent. La préface de Jean-Louis Backès est très éclairante sur cette période historique.  Le personnage de Pougatchov prend une grande importance dans le roman. Pouchkine était très intéressé par sa rébellion puisqu’il lui avait déjà consacré un ouvrage : « Histoire de Pougatchov ». Il en fait dans « La fille du capitaine » un personnage complexe, ambigu, contrairement aux autres. Lors des batailles et avec ses prisonniers, Pougatchov est sans pitié, il est violent et sanguinaire. Mais il sait se montrer humain, magnanime notamment avec Piotr Andreïtch pour une raison que je ne dévoilerai pas afin de ne pas gâcher votre lecture ! Pouchkine semble éprouver de l’attachement envers Pougatchov peut-être parce qu’il représente la résistance des opprimés.

Je commence en douceur mon challenge « Une année en Russie » grâce à ce bref roman de Pouchkine. C’est une lecture très agréable et qui a enrichi mes connaissances historiques sur ce pays. J’ai retrouvé tout ce qui me plait dans la littérature russe : des sentiments passionnés, des paysages désolés et enneigés, et surtout l’incontournable samovar !

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12 réflexions sur “La fille du capitaine de Pouchkine

  1. Quand, il y a quelques semaines, j’ai décidé de m’intéresser de plus près à la littérature classique russe, c’est un des premiers titres que j’ai noté. Maintenant, il ne me reste plus qu’à me le procurer et à le lire… En tous cas, j’ai très envie de m’y plonger !

  2. @Ellcrys : J’adore la littérature russe, je n’en lis pas assez et le challenge de Pimpi m’oblige à m’y remettre. J’espère que tu aimeras « La fille du capitaine », tu commenceras ta découverte de la Russie en douceur grâce à ce livre.

  3. C’est idiot mais j’ai longtemps été un peu en panne avec la littérature russe – j’ai été tellement bluffée par Soljenistyne que les autres m’ont souvent déçus ! Oh, j’y reviendrai certainement bientôt quand même 🙂

  4. C’est un roman que j’ai noté il y a belle lurette déjà. Mais la fréquentation assidue des blogs augmente déjà ma PAL plus vite que ce que je lis…

  5. @Pickwick : Il faut que tu essaies la littérature russe du XIXème, c’est tellement génial ! Notamment Dostoïevski qui a grandement inspiré Soljenistyne et où tu pourras retrouver certaines thématiques.

    @Stephie : C’est le problème des blogs, ils nous donnent des idées de lecture alors que l’on en a déjà plein ! Si tu le croises dans une librairie, peut-être auras-tu envie de l’acheter. En plus, il est court !!

  6. @Kathel : C’était une excellente idée de défi. J’ai tendance à lire beaucoup de littérature anglo-saxonne et j’en oublie le reste alors que j’adore la littérature russe !

  7. J’avais lu la dame Pique, il y a de ça, un certain temps déjà et j’avais aimé cette nouvelle fantastique… Encore un autre domaine étranger que je dois découvrir ! (soupir désespéré !)… En tout cas ce titre est noté… j’en avais déjà entendu parler en bien…

  8. @Maggie : Il y a tellement de livres que nous aimerions lire…mais j’adore la littérature russe et le challenge de Pimpi m’a permis de m’y remettre. En plus « La fille du capitaine » est un court roman, il se lit tout seul.

  9. lu la Dame de pique il y a des années, et ma visite de son appartement (devenu musée) à St Petersbourg il y a quelques jours me donne sacrément envie de relire cet auteur!

  10. @Choupynette : Comme je t’envie d’être allée à St Pétersbourg, j’en rêve ! Cette ville doit être sublime. C’était pour ma part mon premier Pouchkine et je continuerai à le lire car j’adore la littérature russe.

  11. Un livre à la fois facile à lire et pourtant complexe, comme vous le soulignez, c’est un récit initiatique, une romance et un roman historique. Il fait partie de la liste de livres à lire absolument que je suis en train de construire. Malheureusement, ma lecture est trop ancienne pour que je rédige une critique pertinente. Je vais donc faire un lien vers votre chronique. Je vous dirai quand cette page sur laquelle je travaille actuellement sera en ligne. Je ne demande pas de lien en retour.

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