Les boucanières de Edith Wharton

« Les boucanières  » est le dernier roman de Edith Wharton, elle le laissa inachevé à sa mort en 1937. Il fut terminé par Marion Mainwaring, spécialiste de l’écrivain, grâce à un synopsis détaillé. Cette dernière oeuvre est une fresque se déroulant entre 1873 et 1877.

L’histoire s’ouvre à Saratoga, à l’hôtel Grand Union où séjournent les familles St George et Elmsworth. Les mères de ces deux familles pensent à l’avenir de leurs filles, à leur entrée dans le monde. Virginia St George, d’une beauté saisissante, Lizzy et Mabel Elmsworth ont hâte d’exposer leurs atours et de commencer leur vie de femmes. Nan St George est la plus jeune, elle s’inquiète plus de l’arrivée de sa nouvelle gouvernante que de ses toilettes. Miss Testvalley, la gouvernante, vient d’Angleterre et sa présence va modifier la vie des petites américaines. Grâce à elle, Conchita Closson, l’infréquentable amie de Nan car brésilienne et ayant une mère divorcée, épouse un lord : Sir Richard Marable. Les cinq filles partent alors dans l’ancien monde pour le conquérir et élever leur niveau social. Les cinq boucanières se serrent les coudes, se soutiennent face à un monde codifié et peu indulgent.

Suivant une thématique chère à son ami Henry James, Edith Wharton confronte l’ancien et le nouveau monde. C’était déjà le cas dans « Le temps de l’innocence » mais c’est le vieux continent, incarné par  la comtesse Olenska, qui venait s’installer dans le nouveau monde. Ici nos cinq boucanières viennent à Londres avec la ferme intention de se trouver des maris dans la haute société. Ce monde figé et corseté est assez surpris par l’attitude de ces jeunes femmes libres et pétillantes. Les vieilles ladies acceptent mal le peu de retenue des américaines. C’est le cas de la mère de Sir Richard Marable qui n’admet pas l’agitation de sa bru, Conchita. Une amie lui explique alors : « N’oubliez pas qu’il leur manque l’exemple que seule une cour royale peut donner. Mais certains d’entre eux apprennent très vite à se conduire. » Les cinq boucanières s’adapteront d’ailleurs plus ou moins à la rigidité de l’arictocratie anglaise. Conchita est la première à épouser un lord mais son mariage est rapidement catastrophique puisque son mari ne sait faire que des dettes. Virginia épouse le comte Seadow, futur marquis, et prend son rôle très à coeur. Son ambition sociale dévorante l’amènera à ignorer les souffrances de sa soeur. Lizzy Elmsworth se marie à un homme politique qui, grâce à l’intelligence de sa femme, est appelé à devenir premier ministre. Mabel Elsmworth est la seule à épouser un américain mais qui est multimilliardaire. Enfin, Nan épouse le duc de Tintagel mais le mariage ne dure pas. Il s’agit d’un malentendu, le duc épouse Nan car elle se moque de son titre, elle est fraîche et naïve. Nan se croit dans un poème du moyen-âge ou dans la légende du roi Arthur. Sa sensibilité exacerbée ne cadre pas avec la froideur, la rigidité des moeurs ducales. L’incompréhension entre les deux mondes est totale. Les hommes ne sont d’ailleurs pas à la hauteur dans ce roman et le duc de Tintagel ne fait pas exception. Séduits par la beauté, la vivacité et l’énergie des américaines, ils sont ensuite bien incapables de les comprendre.

Mais Edith Wharton est plus clémente avec Nan St George qu’avec Newland Archer dans « Le temps de l’innocence ». Ce dernier se pliait aux volontés de son monde, de son clan. Il épousait May Welland comme le souhaitait sa famille alors qu’il aimait la comtesse Olenska. Nan ne sacrifie pas sa vie pour faire plaisir à sa mère ou sa soeur. Son bonheur passe avant le rang social et elle n’hésite pas à demander le divorce au duc de Tintagel. Bien entendu, le geste n’est pas sans conséquence puisqu’elle doit quitter l’Angleterre et subir la désapprobation de sa famille. Mais Nan, la rêveuse, est prête à payer ce prix pour réussir sa vie personnelle. La vie de Edith Wharton n’est sans doute pas étrangère au dénouement « Des boucanières ». Après avoir épousé Edward Robin Wharton à l’âge de 23 ans, elle divorce en 1913 et trouve l’amour à Paris auprès du journaliste Morton Fullerton. A l’époque, elle est une des rares femmes à être libérée du joug du mariage. Il semble qu’elle ait eu envie de libérer également ses personnages !

« Les boucanières » est un roman sublime, le talent de Edith Wharton y est à son apogée. Son écriture délicate, subtile fait merveille. L’auteur jette un regard nostalgique et ironique sur l’ancien et le nouveau monde. C’est avec un immense plaisir que j’ai suivi les péripéties de nos cinq boucanières et admiré une nouvelle fois la richesse de l’univers de Mrs Wharton.

Merci aux Editions Points et à Jérôme.  points.jpg

Pour voir tous les articles du Challenge Edith Wharton, c’est ici :

 

 

 

11 réflexions sur “Les boucanières de Edith Wharton

  1. @George : J’espère que tu vas apprécier, « les boucanières » est vraiment un très joli roman et qui pour une fois est optimiste.

    @Manu : J’espère aussi ! C’est un plaisir de pouvoir faire gagner un livre aux copines ! 😉

  2. Manu, tu as raison, ce livre va te réconcilier avec Wharton, c’est sûr ! Sinon, je vois que tu t’es fait une petite relecture Titine (je te comprends !)

  3. @Lauriane Renquet : Je vous remercie infiniment d’avoir mis mon billet sur votre site, je suis très touchée.

    @Lilly : En fait, j’ai créé ce challenge parce qu’il me restait deux romans d’Edith Wharton à lire : « Les boucanières » et « La récompense d’une mère » !!! Plus qu’un…mais je compte bien en relire d’autres !!!

  4. Il me tarde de le lire ! Le sujet me plaît déjà… C’est vrai que lorsque je vois tous ces échecs amoureux mis en scène dans ses romans, je me demande toujours si elle ne s’inspire pas de son propre mariage…
    Bref, une lecture que j’ai hâte d’entreprendre !

  5. @Pickwick : Je suis très heureuse de te l’avoir fait gagné !! J’espère que tu aimeras et j’ai hâte de lire ton billet !

    @Maggie : Je ne doute pas que tu passes un agréable moment avec ce livre, tu es maintenant une whartonienne convaincue ! Sa situation personnelle était celle de beaucoup d’autres femmes : un mariage décevant et sans amour. Mais elle fut une des premières à se libérer de ce joug.

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