L’agent secret de Joseph Conrad

Adolf Verloc tient un petit commerce avec sa femme Winnie dans Brett Street à Londres. Habitent également avec eux la mère de Winnie et son jeune frère un peu attardé. Mais Adolf Verloc cache une double vie. Il est en fait agent secret pour un pays étranger. Son rôle est d’infiltrer un groupe anarchiste afin de déstabiliser l’Angleterre. Au début du roman, Verloc est reçu à l’ambassade  du pays pour lequel il travaille. M. Vladimir le sermonne et exige des résultats concrets. Il faut une action marquante, frappante pour les esprits anglais endormis. Verloc est chargé de poser une bombe à l’observatoire de Greenwich, un symbole fort pour créer l’émotion.

Ma première lecture de Joseph Conrad fut intense et le talent de l’écrivain m’a impressionnée. Le point de départ du roman fut l’attentat de l’observatoire de Greenwich qui eut lieu le 15 février 1894. Cet évènement a durablement marqué l’écrivain qui souhaitait évoquer la menace terroriste qui planait au-dessus de l’Angleterre victorienne. « L’agent secret » est au départ un livre politique. Conrad évoque les différents courants anarchistes. Le groupe de Verloc n’est que dans le discours, ils veulent changer le monde depuis l’arrière de la boutique. D’autres en revanche, ne rêvent que de passer à l’acte. L’individu nommé le Professeur est un spécialiste des explosifs, il se balade d’ailleurs avec une bombe sur lui au cas où il serait interpellé par la police. Pour lui, seuls le désespoir et la folie peuvent régénérer le monde. Par moment, les discussions politiques sont un peu trop longues, un peu trop détaillées. Mais il faut vraiment prendre son mal en patience car l’intérêt du livre est ailleurs.

Au travers de « L’agent secret », Conrad nous parle surtout de la médiocrité des hommes. Je pense que l’anarchie est un prétexte de départ (je dirais même un MacGuffin puisque Hitchcock a adapté ce livre, je vous en reparle bientôt). Le groupe anarchiste, et Verloc en tête, est pitoyable, aucun de ses membres n’est à la hauteur de son engagement. Les personnages de Conrad semblent tous totalement englués dans la petitesse de leur quotidien, de leur vie.  Même la douce et candide Winnie ne sera pas sauvée. Elle pensait son mari généreux puisqu’il accepta d’héberger sa famille, elle le découvre vil et mesquin. La noirceur gagne le roman dans sa deuxième partie, après l’attentat, et Conrad est magistral dans sa manière de conduire une intrigue plus complexe qu’il n’y parait.

Le côté sordide de l’âme humaine déteint sur la ville. Conrad nous montre un Londres sombre, perpétuellement noyé dans le brouillard et la pluie. Une ville où rien de bon ne peut advenir. « Les vitres ruisselaient de pluie et la courte rue sur laquelle il abaissa son regard était mouillée et vide, comme si elle avait été soudain balayée par une grande inondation. La journée avait été très pénible, suffoquée tout d’abord par un âpre brouillard et maintenant noyée de pluie froide. La flamme tremblotante et brouillée des becs de gaz avait l’air de se dissoudre dans une atmosphère gorgée d’eau.  »

« L’agent secret » est l’unique roman londonien de Joseph Conrad, l’atmosphère y est noire et désespérée. Accrochez-vous si la première partie vous semble longue, ce roman en vaut vraiment la peine.This is England colors

  

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23 réflexions sur “L’agent secret de Joseph Conrad

  1. Bonjour,
    Je ne sais pas pourquoi mais la mise à jour ne s’est pas faite dans ma liste de blog, ton blog est resté indexé sur ton post précédent.
    Je n’ai pas encore commencé de livre pour le Challenge I love London mais j’ai jusque fin décembre alors pourquoi pas.
    Je n’ai encore rien lu de cet auteur.
    Bon après midi.

  2. J’ai oublié.. j’ai vu le film d’Hitchcock mais je ne savais pas qu’il était adapté de ce livre.
    J’ai lu une nouvelle qui a servi de départ pour un autre de ses films (Fenêtre sur cour)mais le film était beaucoup plus étoffé alors la nouvelle parait un peu fade en comparaison, par contre l’écrivain est super.

    • Hitchcock a très souvent adapté des romans, pièces de théâtre ou nouvelles. Je ne connais pas la nouvelle dont est tiré « Fenêtre sur cour » mais il faudrait que je la lise.

  3. J’ai commencé plusieurs fois ce roman de Conrad (que par ailleurs j’adore), mais il m’est toujours tombé des mains. J’ai préféré ses romans maritimes (où chante la voix fascinante de Marlowe, le vieux loup de mer) ou, dans la veine politique, le tout génial « Nostromo ». Mais je retiens ton conseil. Je vais retenter l’expérience et m’efforcer de passer cette première partie.

        • J’avais très envie de lire « Lord Jim » et bien entendu « Au coeur des ténèbres ». Je rajoute « Nostromo » de ma liste conradienne !

  4. 1. je n’ai pas lu le livre 2. je n’ai pas vu l’adaptation. Il faut absolument que je fasse les deux, l’histoire me plaît beaucoup malgré les longueurs que tu évoques !

  5. Tu m’avais bien donné envie de le lire lors de notre rencontre victorienne. Conrad me fait toujours un peu peur mais c’est le roman qui me tente le plus.

  6. J’ai lu ce roman il y déjà quelques années : la faute à un prof d’anglais fan de Conrad, qui y piochait moult versions diaboliquement riches en vocabulaire maritime. Que de souvenirs remontent à la surface en lisant ton billet !

    • J’imagine que Conrad ne doit pas être facile à lire en vo. Mais dans celui-ci elle ne pouvait pas trouver de vocabulaire maritime !!!

  7. Je ne sais pas comment tu fais pour être aussi prolifique ! Je note, je ne savais pas qu’il avait écrit un tel roman. J’ai lu au coeur des ténèbre et un court récit de cet auteur mais les deux étaient des romans d’aventures et je suis étonnée de voir qu’il a écrit un tel livre…

    • J’ai beaucoup anticipé le mois anglais, voilà le secret de mes nombreux billets ! Oui en général Conrad écrit des romans d’aventures mais il y a cette belle exception !

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