Lectures intimes de Virginia Woolf

Lectures intimes

« Lectures intimes » regroupe des articles publiés dans divers journaux comme Vogue ou The New Republic et qui furent ensuite édités dans les tomes de « The common reader ». Ce recueil témoigne de la passion pour la lecture chez Virginia Woolf. Les articles peuvent être divisés en deux grands thèmes : les écrivains et ce qu’est la littérature.

Virginia évoque principalement des écrivains anglo-saxons. Nombres d’entre eux sont des femmes dont elle loue l’indépendance et la liberté. Dans le panthéon de Virginia Woolf, on rencontre Jane Austen qui la séduit par l’élégance de sa langue et la perfection de son goût ; Charlotte et Emily Brontë aux caractères indomptables et féroces ; George Eliot qui a su faire apprécier ses romans au-delà des conventions et des obstacles liés à son sexe ou encore Katherine Mansfield la plus grande nouvelliste du Royaume-Uni. Les écrivains masculins ne sont pas négligés avec George Meredith et Thomas Hardy qui renouvellent l’art du roman ; Joseph Conrad et ses palpitants récits d’aventure ;  DH Lawrence et sa justesse de trait ; De Quincey et sa prose musicale ; Henry James et son parfum du passé. Je ne résiste pas à l’envie de vous citer un passage magnifique sur l’art de mon cher Henry : « Le vrai élément de Henry James, c’est la mémoire. La douce lumière qui nimbe le passé, la beauté qui inonde même les petites silhouettes les plus banales de l’époque, l’ombre dans laquelle le détail de tant de choses se détache alors que l’éclat du jour les effacerait, la profondeur, la richesse, le calme, l’humour de tout le spectacle, tout cela semble avoir composé son climat naturel, son humeur constante. C’est le climat de toutes ses histoires dans lesquelles la vieille Europe sert d’arrière-plan à la jeune Amérique. C’est le clair-obscur à travers lequel il voit si bien et si loin. » Se rajoutent à la fine fleur de la littérature anglaise, deux écrivains français : Montaigne et sa passion de vivre et Mme de Sévigné la grande épistolière.

Face à ces illustres écrivains sont présentés des articles plus généraux portant sur la littérature : la pertinence du roman, de la biographie et de l’essai au début du 20ème siècle, la possibilité pour les femmes d’écrire ou d’exercer un métier grâce à une plus grande indépendance (« Vous avez gagné des chambres à vous dans la maison occupée exclusivement jusqu’ici par les hommes »), l’écrivain et la satisfaction de son public, sa haute estime pour l’art du roman.

Ce qui ressort de ces articles est le formidable enthousiasme de Virginia Woolf, sa passion infinie pour les livres et les écrivains. Elle nous donne envie de les découvrir, d’explorer cet art merveilleux qu’est le roman. Ses admirations, ses avis tranchés nous parlent également d’elle, de son art et de son exigence littéraire. Un passage me semble parfaitement définir l’écriture de Virginia Woolf et sa vie entièrement dédiée à sa passion pour la littérature : « Pour survive, chaque phrase doit avoir en son cœur une petite étincelle et celle-ci, le romancier doit la tirer du feu avec ses mains quel que soit le risque encouru. Sa situation est donc précaire. Il doit s’exposer à la vie, risquer d’être embarqué fort loin et trompé par sa fausseté ; il doit lui prendre son trésor et la débarrasser de ses scories. Mais, à un certain moment, il doit abandonner la compagnie et se retirer, seul, dans cette chambre mystérieuse où son corps s’endurcit et se place en dehors du temps par des transformations qui, tout en échappant au critique, exercent sur lui une fascination profonde. « 

Un dur métier que celui d’écrivain, magnifié dans ce recueil par l’immense talent de Virginia Woolf.

Un grand merci aux éditions Robert-Laffont.

18 réflexions sur “Lectures intimes de Virginia Woolf

  1. Virginia Woolf figure en bonne place dans mes projets de lecture pour 2014. J’ai d’ailleurs noté Mrs Dalloway pour I love London 😉
    Ton billet me donne très envie de découvrir ce livre. Je suis très intéressée par les thèmes abordés et, par ce biais, pour en apprendre davantage sur le mode de pensée Virginia Woolf et sur la littérature en général.
    Très beau billet.

    • Merci, c’était vraiment une grande passionnée de la littérature, elle n’avait pas une maison d’édition pour rien ! J’ai adoré « Mrs Dalloway », je te le conseille et j’espère que tu vas aimer autant que moi.

  2. J’ai lu en VO the common reader, tome 2, d’ailleurs ça peut se trouver librement sur internet, mais je me réjouis que ce soit disponible en français, merci!!!

  3. Je reviendrai te lire après mon billet. J’ai eu plaisir à le lire. Elle parle très bien de mes lectures et des auteurs que j’aime !

  4. Je t’avais accompagné sur cette lecture pendant le Marathon :), et j’aime vraiment beaucoup ces textes. En fait, Virginia fut notre ancêtre à toutes, la première blogueuse ! car contrairement aux critiques littéraires qui analysaient avec leur raison, elle analysait sa lecture aussi par les émotions que cela lui procurait et essayait d’en trouver l’origine dans le style et le caractère de l’auteur. C’est une lecture très personnelle au fond, elle essaye de décrypter les mécanismes de la littérature pour mieux se les approprier puis s’en affranchir pour ses propres romans.

    • Tu as tout à fait raison, Virginia était la première blogueuse ! Ses analyses sont faites avec passion et coeur. J’aime toujours lire sa manière décrypter les romans qu’elle lisait;

  5. J’avais hésité à le demander également en SP mais vu tout ce que j’avais à lire rapidement j’ai préféré attendre, je me l’offrirai prochainement, surtout après avoir lu ton billet… et j’ai bien envie de profiter de mon temps libre pour retrouver aussi Virginia Woolf (et avancer un peu dans mon challenge :)). Notamment « L’art du roman » que j’avais déjà lu en partie me fait de l’oeil…

    • J’ai encore un roman dans ma PAL pour ton challenge. Dans ce recueil, elle parle plutôt des auteurs contrairement à l’art du roman. En plus, ce sont nos auteurs préférés, c’est donc encore plus plaisant à lire !

  6. Je l’ai acheté et n’ai lu que le premier texte sur Jane Austen, mais j’ai adoré la finesse de son analyse. Elle était aussi brillante en tant qu’écrivain qu’en tant que lectrice.

    • Je suis bien d’accord avec toi, quelle finesse d’analyse et quelle passion pour la littérature ! Virginia Woolf était vraiment un être exceptionnel.

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