C’est en ce début d’août, pendant qu’Anthime se baladait à vélo dans la campagne vendéenne, que le tocsin retentit. Anthime et ses copains sont tout de suite mobilisés. Le méprisant Charles pense que la guerre ne durera que quelques jours. Sur le quai de la gare, sa fiancée Blanche vient l’embrasser tout en jetant un regard inquiet vers Anthime. La guerre bien sûr ne durera pas que quelques semaines. Et pendant que le bien nanti Charles sera exempté du front, Anthime et ses copains connaîtront l’horreur des tranchées.
Je ne vous ai que peu parlé de mon immense admiration pour le travail de Jean Echenoz qui n’a pas été déçue par la lecture de « 14 ». La sortie de ce nouveau roman me permet de corriger cela. En cette année de célébration du centenaire de la Grande Guerre, il est bien évident que Jean Echenoz n’apportera pas ce que Céline, Henri Barbusse ou Maurice Genevoix nous ont déjà donné. Leur expérience en tant qu’acteurs de cette guerre est irremplaçable. « 14 » n’a d’ailleurs pas comme but de nous la raconter, Echenoz le dit d’ailleurs dans son roman. Il se contentera de passages brefs mais néanmoins forts sur les conditions de vie des soldats. « On s’accroche à son fusil, à son couteau dont le métal oxydé, terni, bruni par les gaz ne luit plus qu’à peine sous l’éclat gelé des fusées éclairantes, dans l’air empesté par les chevaux décomposés, la putréfaction des hommes tombés puis, du côté de ceux qui tiennent encore à peu près droit dans la boue, l’odeur de leur pisse et de leur merde et de leur sueur, de leur crasse et de leur vomi, sans parler de cet effluve envahissant de rance, de moisi, de vieux, alors qu’on est en principe à l’air libre sur le front. »
Ce qui intéresse Jean Echenoz, ce sont les conséquences de la guerre sur les destins de ses personnages. Que va-t-il advenir d’Anthime et de ses copains ? Comment leur participation à ce carnage organisé va influer sur le cours de leurs vies ? Et Jean Echenoz exploite toutes les possibilités : ceux qui reviennent, ceux qui désertent, ceux qui meurent dans le cloaque des tranchées, ceux qui rejoignent les rangs des gueules cassées. Anthime et ses copains forment un échantillon de cette génération sacrifiée sur l’autel de la nation. Et c’est toujours avec une langue admirable de précision et de laconisme que Jean Echenoz nous raconte cette histoire. Une langue extrêmement travaillée, allant vers l’épure mais qui arrive toujours à dire l’essentiel d’un personnage, d’une situation, d’un paysage.
« 14 » démontre une nouvelle fois la perfection de l’écriture de Jean Echenoz et son formidable talent de conteur.
Je n’avais pas beaucoup d’idées pour le challenge Une année en 14 mais je m’empresse de noter celle-ci. J’ai lu « Je m’en vais » du même auteur et depuis je me promets toujours de le relire.
C’est une excellente idée de le rajouter à ta liste pour ce challenge. C’est un roman qui donne un autre point de vue sur la guerre de 14.
J’ai découvert l’année dernière la plume de Jean Echenoz et moi aussi j’ai été sous le charme.
Ce roman 14 je l’ai beaucoup apprécié, un beau souvenir de lecture.
Il a vraiment une plume magnifique, je suis toujours sous le charme de sa langue si précise.
J’ai presque crié au génie , à ma lecture, en automne 2012. Cette écriture si concise, mais si précise qu’on a l’impression de vivre parmi tous ces hommes .Et quel exploit de faire sentir toute l’horreur et tout le ridicule de cette guerre en 126 pages ! Que j’ai regretté qu’il n’ait pas eu le Goncourt .
Je suis entièrement d’accord avec toi. Sa langue est de toute beauté. Il nous transporte dans les tranchées avec si peu de mots, c’est extraordinaire.
Echenoz, une très belle plume, mais j’ai du mal à me laisser emporter.
C’est dommage, je marche à tous les coups ! Je suis transportée là où il veut m’emmener en quelques phrases.
Un très beau billet Titine, j’ai envie de découvrir Echenoz mais j’avoue que je suis lasse des récits de guerre même bien écrits, même ceux qui apportent un regard nouveau ou traitent des aspects collatéraux alors je le découvrirai certainement avec un autre titre mais je note quand même celui-ci ! 😉
Merci, tu peux commencer à lire Echenoz avec sa trilogie (« Ravel », « Courir » et « Des éclairs »). Tu auras le plaisir de l’écriture sans les inconvénients de la guerre !!!
Je l’ai découvert en audio, lu par l’auteur. Un délice!
Oooh ça doit être vraiment bien avec l’auteur lui-même !
Celui-ci, il est dans ma wish-list depuis un petit temps !!! L’extrait que tu cites est assez… no comment ! La guerre est une saloperie et je ne sais pas pourquoi certains sont comme des fous pour monter au front… 😦 J’avais lu des autres livres sur la der des der, et je n’avais pas compris que la foule soit en liesse à l’idée d’aller « bouffer du casque à pointe »… Mince, les gens faisaient la fête ! Je comprendrai jamais rien à ça 😦
Oui les gens faisaient la fête parce qu’ils pensaient que la guerre ne durerait que quelques semaines. Ils n’imaginaient ni sa durée, ni son horreur. Et ils pensaient tous rentrer chez eux à la fin.
Une truc de fou… ça me dépasse, je dois dire. La guerre est les scènes de liesse qu’elle procure me laisse toujours sans voix, je ne comprendrais jamais
Probablement un élan patriotique était-il à l’origine de cette liesse sans penser aux terribles conséquences. Il y avait une innocence à cette époque, les gens ne réalisaient absolument pas.
Oui, sans doute… mais je vois que certains militaires sont toujours content de partir dans un pays pour aller « régler un conflit »… et ils reviennent soit repliés sur eux mêmes, fous ou passablement atteint dans leur psychisme ou alors ils ont pris leur pied.
Il y avait un article sur ces phénomènes dans Le Monde, il y a un certain temps. Des mères ne reconnaissaient par leurs fils car ils avaient changé, ils étaient taiseux, tristes, perturbés, faisaient des cauchemars… bref, rien de reluisant dans les guerres.
Ce livre me tente depuis quelque temps. Il a vraiment intéressant d’après ce que tu en dis. Je verrais si je le trouve à l’occasion.
Bonne soirée!
Ce n’est vraiment pas un livre de plus sur la guerre de 14. De part sa concision et sa langue, il se détache et se dévore.
Je n’ai rien lu de cet auteur et j’ai lu beaucoup d’articles qui me donnent vraiment envie de le lire !
Je te conseillerais de lire « Ravel » que j’ai absolument adoré.
Bonjour Titine, bravo pour ce billet même si ce n’est pas le Echenoz que j’ai préféré (j’en suis à mon 4ème) mais oui, rien pour son écriture concise, il faut lire ce roman. Bon dimanche.
Ce n’est pas mon préféré non plus, même s’il est difficile de départager de si beaux et intenses romans.
C’est un auteur que je viens tout juste de découvrir et je poursuivrai la découverte, c’est sûr : j’adore son écriture !
Je suis contente, je trouve son écriture tellement belle et intelligente. C’est un véritable régal.
C’est au Lycée que j’ai découvert Jean Echenoz avec « Je m’en vais ». Je n’en garde pas un bon souvenir mais je me suis promise de retenter l’expérience avec 14 qui m’attire beaucoup depuis sa sortie. Merci de le rappeler à mon bon souvenir 🙂
Ce n’est pas possible de garder un mauvais souvenir de Jean Echenoz !! Il faut effectivement que tu ne restes pas là-dessus !
Je l’ai lu récemment (et c’était mon premier roman de Echenoz) mais je suis moins enthousiaste que toi. J’ai trouvé sa plume sèche et minimaliste et cela m’a empêchée d’éprouver de l’empathie pour Anthime et les autres … Je crois que cet écrivain n’est pas pour moi !
Quel dommage ! Sa plume est effectivement minimaliste mais je ne la trouve pas sèche. Mais nous ne pouvons pas aimer tous la même chose, fort heureusement !
Je l’ai lu en version audio, lu par l’auteur lui-même et ça a gâché un peu ma lecture. J’ai beaucoup aimé la plume de l’écrivain mais pas sa voix.
C’est amusant, j’ai également un commentaire qui dit le contraire ! J’ai toujours du mal avec les audio livres, j’ai du mal à me concentrer assez pour bien m’imprégner.