Une photo, quelques mots (154ème) – Atelier d’écriture de Leiloona

m_399764325_0© Romaric Cazaux

La neige était tombée sans discontinuer depuis une semaine. Recouverte d’un épais manteau blanc, la ville semblait différente. Plus silencieuse, plus calme. Le pont de Brooklyn avait été fermé à la circulation. Central Park s’était transformé en patinoire géante. Les bonhommes de neige fleurissaient sur les trottoirs. Henry avait toujours aimé cette atmosphère particulière due à la neige, le rythme de la ville se ralentissait, les enfants répandaient leur bonne humeur dans les rues. La neige lui avait manqué à Naples.

Après le décès « accidentel » de sa femme, Henry avait eu envie de revenir à New York. Sa ville. Celle qu’il n’avait quittée que pour satisfaire les désirs de June. Voilà quatre ans que les évènements s’étaient déroulés. Il avait pu fuir Naples rapidement. La marina, son bateau, sa maison, trop d’endroits qui lui rappelaient June et sa mort prématurée. Il avait parfaitement joué son rôle de veuf éploré. Aucun soupçon n’avait plané au-dessus de lui. Son plan avait fonctionné à merveille, sa vie allait pouvoir recommencer.

Ce que Henry ne savait pas alors, c’est que June n’avait pas fini de lui gâcher l’existence. Une fois installé à New York, il avait découvert qu’il était totalement fauché. June avait toujours eu la main sur leur compte en banque. Henry se préoccupait peu des chiffres. Il préférait les livres, rêvasser en mer, écrire ses articles loin des contingences matérielles. June avait tout dépensé en vêtements, maquillage, botox et décoration intérieure. Elle avait même hypothéqué la maison ! Henry n’avait non seulement plus un sou vaillant mais il devait de l’argent à ses créanciers. Il n’avait bien évidemment pas mis assez d’argent de côté, son fonds de pension faisait pâle figure face à ses dettes. Et ce n’était pas ses deux filles qui allaient l’aider. Il n’avait de leurs nouvelles qu’une fois par an pour la nouvelle année. Ils n’avaient d’ailleurs pas grand-chose à se dire.

Il avait bien essayé de proposer ses services à des journaux. Mais son âge était rédhibitoire. Et il faut être honnête, sa carrière au Naples Daily News n’impressionnait personne à New York. Il fallait pourtant qu’il trouve du travail. Lui qui pensait finir ses jours paisiblement entre ses lectures en bibliothèques, ses promenades à Manhattan et Central Park.

Assez ressassé, Henry avait du pain sur la planche. Les locataires de l’immeuble commençaient à s’éveiller. Ils n’allaient pas tarder à sortir. Il fallait que Henry déblaie l’entrée et le trottoir. Si un locataire venait à tomber, sa responsabilité de gardien serait engagée. Et il n’avait pas besoin de ça. Malgré le froid, malgré ses rhumatismes qui se faisaient chaque jour plus prégnants, Henry entreprit de nettoyer consciencieusement le trottoir. Décidément, se dit-il, il est vrai que le crime ne paie pas.

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43 réflexions sur “Une photo, quelques mots (154ème) – Atelier d’écriture de Leiloona

  1. si Henry s’est laissé glissé dans le crime le paye en évitant passants de glisser…sur le trottoir
    (je me l’imaginais plus jeune Henry ,-)))

  2. Retour de manivelle intéressant ! Double jeu de la vie … Tant à oublier, tant à découvrir. Personnage consistant, j’aime ! Olivia a raison, matière à encore travailler !

    • Heureusement que j’ai terminé mon texte ainsi car normalement il fallait lire la première partie (tu as le lien dans le texte). Du coup, celui ci fonctionne bien tout seul et on comprend très bien ce qu’il s’est passé avant.

  3. J’aime bien l’évolution de ton personnage, un retour aux sources pour Henry… un peu glacial, le retour (comme les eaux lors de sa dernière balade en mer?).

    • Merci beaucoup, ton commentaire me fait vraiment plaisir. Sans m’en rendre compte, j’ai fait en sorte que ce texte puisse exister sans le premier.

  4. Pingback: Une photo, quelques mots (155ème) – Atelier d’écriture de Leiloona | Plaisirs à cultiver

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