La neige était tombée sans discontinuer depuis une semaine. Recouverte d’un épais manteau blanc, la ville semblait différente. Plus silencieuse, plus calme. Le pont de Brooklyn avait été fermé à la circulation. Central Park s’était transformé en patinoire géante. Les bonhommes de neige fleurissaient sur les trottoirs. Henry avait toujours aimé cette atmosphère particulière due à la neige, le rythme de la ville se ralentissait, les enfants répandaient leur bonne humeur dans les rues. La neige lui avait manqué à Naples.
Après le décès « accidentel » de sa femme, Henry avait eu envie de revenir à New York. Sa ville. Celle qu’il n’avait quittée que pour satisfaire les désirs de June. Voilà quatre ans que les évènements s’étaient déroulés. Il avait pu fuir Naples rapidement. La marina, son bateau, sa maison, trop d’endroits qui lui rappelaient June et sa mort prématurée. Il avait parfaitement joué son rôle de veuf éploré. Aucun soupçon n’avait plané au-dessus de lui. Son plan avait fonctionné à merveille, sa vie allait pouvoir recommencer.
Ce que Henry ne savait pas alors, c’est que June n’avait pas fini de lui gâcher l’existence. Une fois installé à New York, il avait découvert qu’il était totalement fauché. June avait toujours eu la main sur leur compte en banque. Henry se préoccupait peu des chiffres. Il préférait les livres, rêvasser en mer, écrire ses articles loin des contingences matérielles. June avait tout dépensé en vêtements, maquillage, botox et décoration intérieure. Elle avait même hypothéqué la maison ! Henry n’avait non seulement plus un sou vaillant mais il devait de l’argent à ses créanciers. Il n’avait bien évidemment pas mis assez d’argent de côté, son fonds de pension faisait pâle figure face à ses dettes. Et ce n’était pas ses deux filles qui allaient l’aider. Il n’avait de leurs nouvelles qu’une fois par an pour la nouvelle année. Ils n’avaient d’ailleurs pas grand-chose à se dire.
Il avait bien essayé de proposer ses services à des journaux. Mais son âge était rédhibitoire. Et il faut être honnête, sa carrière au Naples Daily News n’impressionnait personne à New York. Il fallait pourtant qu’il trouve du travail. Lui qui pensait finir ses jours paisiblement entre ses lectures en bibliothèques, ses promenades à Manhattan et Central Park.
Assez ressassé, Henry avait du pain sur la planche. Les locataires de l’immeuble commençaient à s’éveiller. Ils n’allaient pas tarder à sortir. Il fallait que Henry déblaie l’entrée et le trottoir. Si un locataire venait à tomber, sa responsabilité de gardien serait engagée. Et il n’avait pas besoin de ça. Malgré le froid, malgré ses rhumatismes qui se faisaient chaque jour plus prégnants, Henry entreprit de nettoyer consciencieusement le trottoir. Décidément, se dit-il, il est vrai que le crime ne paie pas.
Ah cette phrase finale ! J’adore 😉
Ce dont je ne m’étais pas rendue compte c’est que grâce à cette phrase finale, mon texte pouvait se lire sans le précédent !
Il n’y a pas de sous métier, belle fin, j’ai aimé cette chute qui rend service en même temps aux gens pour ne pas glisser. Merci.
Non, il n’y pas de sot métier mais Henry aurait bien aimé finir sa vie plus paisiblement.
Je me doute bien. Belle histoire.
« Le crime ne paie pas », très joli!
J’aime beaucoup ton style!
Merci c’est très gentil !
Ton personnage prend de l’épaisseur, tu as matière à écrire une nouvelle…
Je crois bien qu’Henry va bientôt revenir sur le devant de la scène…
Pauvre Henry…. Je suis d’accord avec la remarque d’Olivia, ce personnage prend de l’épaisseur et devient vraiment intéressant.
Merci Saxaoul, c’est vraiment très gentil et je prends plaisir à le retrouver.
Des flocons au crime, quelle formidable variation sur la chute!
Merci Sabine pour ton commentaire, je n’avais pas vu mon texte comme ça mais tu as raison, il n’y ai question que de chute !
Pas mal ! Mon imagination s’envole 🙂
Merci Estelle !
si Henry s’est laissé glissé dans le crime le paye en évitant passants de glisser…sur le trottoir
(je me l’imaginais plus jeune Henry ,-)))
La semaine dernière, Henry fêtait ses quarante ans de mariage. Il ne pouvait pas être beaucoup plus jeune !
belle suite! ça tient la route 🙂
Merci, je suis contente que ça te plaise.
Très chouette ! ton écriture m’a plongée dans l’histoire immédiatement et la dernière phrase clôture parfaitement cet épisode. Excellent !
Merci Anne-Véronique, j’apprécie toujours beaucoup tes commentaires et tes encouragements.
Terrible personnage mais l’action est bien campée et on frémit… 😉
Il n’est pas si terrible Henry, juste très faible. Merci pour ton message !
Retour de manivelle intéressant ! Double jeu de la vie … Tant à oublier, tant à découvrir. Personnage consistant, j’aime ! Olivia a raison, matière à encore travailler !
Merci, Henry va faire son retour très, très rapidement, vous m’y avez encouragée.
🙂
Une fin qui en dit long !
Je ne sais pas si tu avais vu l’atelier de la semaine dernière, Henry était déjà présent et cela explique la fin de celui ci.
pas de pitié pour celui qui a, semble-t-il, quelque chose à se reprocher. Je vais de ce pas essayer d’en savoir plus
Tu peux en savoir plus en lisant mon texte de la semaine précédente, j’espère que tu aimeras !
Au moins, même fauché, il est « libre »… Avec sa femme, il aurait de toutes manières été fauché, non? (oui, bon…)
Oui, tu as raison, au moins il n’a plus June sur le dos !
Le texte se tient bien, on se laisse prendre à l’intrigue
Merci beaucoup Monesille !
Au cours du texte, je me suis demandée s’il avait tué sa femme. Et à la fin, bing, la chute en confirmation.
Heureusement que j’ai terminé mon texte ainsi car normalement il fallait lire la première partie (tu as le lien dans le texte). Du coup, celui ci fonctionne bien tout seul et on comprend très bien ce qu’il s’est passé avant.
Beaucoup d’imagination et une super fin! 😉
Merci beaucoup, ça me fait plaisir de voir que tu as apprécié.
J’aime bien l’évolution de ton personnage, un retour aux sources pour Henry… un peu glacial, le retour (comme les eaux lors de sa dernière balade en mer?).
June était pleine de surprises pour le malheureux Henry, sa retraite se complique un peu…
Bravo !!! j’aime aussi beaucoup la chute et je n’avais pas lu le texte précédent mais ça ne m’a pas gênée !
Merci beaucoup, ton commentaire me fait vraiment plaisir. Sans m’en rendre compte, j’ai fait en sorte que ce texte puisse exister sans le premier.
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