L’amant de Lady Chatterley de DH Lawrence

Chatterley

Lors d’une permission en 1917, Constance Reid épouse Clifford Chatterley. Ce dernier revient du front en 1918 en fauteuil roulant. Le couple s’installe dans la propriété familiale de Wragby au cœur des houillères. La vie au château devient rapidement morne pour la jeune épouse. Son mari ne voit leur mariage que sur un plan intellectuel et n’accepte les mains de Constance que pour ses soins. Ce que Clifford ne voit pas, c’est la passion frémissante de Constance qui a besoin de s’exprimer, de s’enflammer. Loin de la tristesse de Wragby et de sa vue sur les mines, Constance s’échappe dans la forêt environnante. C’est en se promenant qu’elle fait la connaissance du garde-chasse de Clifford, Oliver Mellors.

Écrit en 1928, cette troisième et définitive version de « L’amant de Lady Chatterley » provoqua un véritable scandale dans l’Angleterre pudibonde de ce début de siècle. Le livre fut condamné pour obscénité et pornographie, accusation qui a dû en émoustiller plus d’un et a contribué à la sulfureuse réputation du roman.  A sa lecture, l’accusation semble ridicule tant on est loin de toute vulgarité ou pornographie facile et gratuite. Il est ici question de sensualité, d’éveil à celle-ci et de joie de vivre. Rien de trivial, rien de mièvre dans l’histoire qui unit Constance à Oliver.

Ce qui m’a frappé à la lecture du roman, c’est sa grande modernité sociétale et sociale. « L’amant de Lady Chatterley » est tout d’abord un roman féministe. Le personnage de Constance est incroyablement libre. Elle n’est plus vierge lorsqu’elle épouse Clifford et le garde-chasse n’est pas son premier amant. Pour elle, le fait de coucher avec un domestique n’est pas un problème en soi contrairement à sa sœur qui est choqué par l’appartenance sociale d’Oliver. Constance ne voit pas les barrières sociales, seule l’intéresse la personne de Mellors, cet ancien officier des Indes qui a préféré quitter l’armée plutôt que de s’élever dans la hiérarchie. Le sexe entre eux est quelque chose de très naturel, de très joyeux et surtout la jouissance est partagée. Ce qu’Oliver apporte à Constance est une véritable relation physique où les deux partenaires sont parfaitement en accord.

Le roman de DH Lawrence porte également un discours social très marqué et qui donne de la profondeur à cette histoire d’amour. Oliver Mellors est le porte-parole des idées de l’auteur. Il fustige l’industrialisation à outrance de l’Angleterre, ses ravages sur les ouvriers dont il a fait partie et surtout le pouvoir dominateur de l’argent. Celui-ci pourrit tout (notamment les relations humaines) et on voit que ce discours est malheureusement toujours d’actualité.

Oliver Mellors reproche également aux industries de détruire les paysages de l’Angleterre rurale, de transformer le visage du pays. La nature tient une place essentielle dans le roman. DH Lawrence parle des saisons, de la forêt avec une poésie infinie. La forêt est pour Mellors le seul endroit encore protégé, libre et sauvage.

« L’amant de Lady Chatterley » est un roman surprenant de modernité et d’engagement social. Loin d’être une bluette sulfureuse, ce roman de DH Lawrence est un hymne à la joie de vivre, au partage.

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41 réflexions sur “L’amant de Lady Chatterley de DH Lawrence

  1. Ah mais cela donne un autre éclairage sur ce roman , que je n’ai pas lu. Je vais bientôt présenter un roman qui a fait scandale lors de sa parution en 1928… Comme quoi…

    • J’ai moi-même été étonnée par la teneur du livre que je pensais tout autre. Sa réputation sulfureuse est tellement forte qu’elle en fait oublier le reste du roman.

  2. un roman sensuel dans tous les sens du terme! je l’ai lu quand j’étais au lycée, (en seconde je crois), et je ne suis pas sûre d’en avoir retiré tout ce que je pouvais. Trop jeune peut-être. Mais j’avais beaucoup aimé sa prose.

    • C’est tout à fait ça, il est plus ici question de sensualité que de sexualité. Peut-être effectivement étais-tu un peu jeune lorsque tu l’as lu, c’est un roman tellement riche et la dimension sociale ne t’avait sans doute pas tellement parlé à l’époque.

  3. De Lawrence, je n’ai lu que La fille perdue qui m’a laissé peu de souvenirs. En relisant mon billet, je me souviens aussi que l’aspect très féministe du roman et la critique sociale m’avaient aussi beaucoup plu. Il faudrait peut-être que je tente ce classique. En tous cas, très beau billet.

    • Merci Zarline, j’ai également lu « La fille perdue » et tu as raison les thématiques de « L’amant de Lady Chatterley » y sont déjà.

  4. Tu me donnes envie de le lire. Je sens que cette fois-ci je vais enfin ouvrir ce livre qui trône sur mes étagères depuis déjà deux ans. Il est grand temps que je m’y mette. D’autant plus qu’une adaptation par la BBC a été réalisée cette année avec l’un des acteurs de Game of thrones. Je serai curieuse de voir le résultat…

    • C’est l’adaptation de la BBC qui m’a redonné envie de lire ce roman qui me tentait depuis longtemps. J’ai vraiment beaucoup l’adaptation, elle est très proche du roman et met en avant le côté social. Les trois acteurs sont vraiment parfaits et notamment James Norton qui apporte beaucoup de profondeur à Clifford.

  5. …oui , c’est un livre formidable et très moderne de ton et de pensée ! Pour ceux/celles quine l’auraient pas encore lu ( ou voudraient le relire , après tout ; il en vaut bien la peine ) je me permettrai de conseiller la seconde version , celle qui est intitulée « Lady Chatterley et l’Homme des Bois » (la Blanche Gallimard et certainement aussi en poche ) qui est moins « lisse » je trouve , plus politique , avec une fin plus ouverte et des personnages plus tranchés (oui oui j’avais lu les deux en parallèle (la folle) à l’époque où nous nous étions programmé cette lecture dans mon Club de lecture IRL 😉
    C’est d’ailleurs de cette version que s’est servie Pascale Ferran pour faire une superbe adaptation cinématographique , très fidèle (des pans entiers du texte ) avec Marina Hands, un superbe acteur inconnu pour le garde-chasse (Jean Louis Coulloc’h) et Hippolyte Girardot excellent comme jamais:-)

    • Je compte bien lire les trois versions ! D’ailleurs, j’avais eu très envie de commencer au moment de la sortie du magnifique film de Pascale Ferran. Et puis, l’occasion ne s’est pas concrétisée. C’est la nouvelle adaptation BBC qui m’a redonné envie et j’ai vraiment été enchantée par cette lecture.

  6. C’est fou comme ces romans jugés scandaleux à l’époque sonnent aujourd’hui incroyablement modernes, voire éclairés. C’est aussi le cas je trouve pour Le Puits de la Solitude de Radclyffe Hall que j’ai fini il y a peu. C’est intéressant de voir comment les mentalités ont évolué.

    • DH Lawrence avait compris très vite les méfaits de l’industrialisation à outrance sur les hommes et la nature. Il avait d’ailleurs quitté l’Angleterre pour le sud de l’Italie. En tout cas, je note « Le puits de solitude » que tu as lu avec Keisha.

    • Merci, contente de te donner envie, c’est un roman qui est finalement peu lu tellement il semble que l’histoire nous est connue. Mais le roman est plus profond que l’image que l’on s’en fait. Et si tu as l’occasion la dernière adaptation BBC est vraiment très bien…et je ne dis pas ça uniquement parce qu’il y a James Norton dedans ! 😉

  7. Pingback: A year in England – Récapitulatif | Plaisirs à cultiver

  8. À cette époque, je suppose que c’était considéré comme du porno… montrer ses jambes ou ses chevilles fut longtemps considéré comme obscène… Maintenant, nous sommes à l’heure du mommy porn et c’est pas mieux ! 😆

    Bon, je le note et je note aussi que je dois mettre à jour mes dernières lectures pour l’année anglaise… et j’ai décidé de lire plein d’anglais durant un mois 😉

    • Tu as raison, il ne fallait pas grand chose à l’époque pour choquer la morale. Comment ça tu vas lire plein d’anglais durant un mois ? Tu es au courant que le mois anglais est en juin ?

      • Oui, je le sais, je ne l’oublie pas, mais pour faire monter mon bilan de l’année anglaise, faut que je me concentre sur des cup of tea parce que ces derniers temps, je n’ai ouvert que des hamburgers ! Faudrait pas que tu te sentes délaissée !! mdr

        Oui, un rien choquait ces gens, maintenant, on te montre même du cul pour vendre du yaourt ou des nichons pour les bagnoles… je suis opposée aux deux extrêmes, nous ne sommes pas des objets, mille quenouille ! 😀

  9. Il y a longtemps que j’ai envie de le lire sans être sûre d’y trouver mon compte, mais ton billet m’apprend de quoi il s’agit vraiment et me donne envie de le découvrir.

  10. J’avais adoré … : une histoire d’amour magnifique, un contexte social singulier … Un livre très ‘fin de siècle’ que j’adore … (oui, je sais, je me répète 🙂 )

  11. Pingback: Lady Chatterley’s lover – BBC 2015 | Plaisirs à cultiver

  12. Pingback: Maurice de E.M. Forster | Plaisirs à cultiver

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