« En fait, elle est la seule personne que j’ai connue intimement et dont je peux dire qu’elle méritait l’appellation de génie. C’est un mot fort qui signifie que le fonctionnement de l’esprit de ces personnes est fondamentalement différent de celui des personnes ordinaires ou normales – et même extraordinaires. » Leonard Woolf (1880-1969) écrivit dans les années 60 ses mémoires en cinq volumes. La traductrice Micha Venaille a choisi des fragments centrés sur le couple qu’il forma avec Virginia. L’introduction de la traductrice rend un bel hommage à cet homme remarquable. Leonard Woolf était un intellectuel brillant, anticolonialiste, athée, membre influent du parti travailliste, un véritable humaniste qui fut l’instigateur de la Société des Nations.
Mais ce n’est pas de lui qu’il parle mais du grand amour de sa vie : Virginia Stephen qu’il rencontre pour la première fois en 1901 dans la chambre de son frère Thoby à Cambridge : « Je les (Virginia et sa sœur Vanessa) vis pour la première fois dans la chambre de Thoby ; en robe blanche, de grands chapeaux, des ombrelles à la main, une beauté à couper le souffle littéralement ; face à elles, on était paralysé, oui, on s’arrêtait de respirer comme cela se produit dans un musée devant un Rembrandt ou un Vélasquez, ou lorsqu’en Sicile, après avoir passé un tournant, on se trouve face au merveilleux temple de Ségeste. » L’ensemble des extraits montre la même admiration, le même amour profond pour sa femme. Il est à ses côtés lorsque la fratrie Stephen crée le groupe de Bloomsbury. Il décide de monter une maison d’édition, la Hogarth Press (ils publient T.S. Eliot, E.M. Fortser, Katherine Mansfield, Rilke, toute l’œuvre de Freud), pour l’aider à surmonter sa maladie. Leonard Woolf aura été un compagnon bienveillant tout au long de la vie de Virginia essayant de la sauver sans malheureusement y parvenir. Il est également très lucide sur la maladie de sa femme; comprenant mieux que les nombreux médecins consultés, qu’elle est atteinte d’une psychose maniaco-dépressive. Il est parfaitement conscient que le génie de Virginia, son incroyable créativité étaient liés intimement à son instabilité mentale. La vie au quotidien était un défi pour lui : la maladie aurait exigé le calme, le repos mais il ne pouvait empêcher le génie de Virginia de s’exprimer. Et pourtant, Leonard savait à quel point la chute était douloureuse : « Et donc il y avait ensuite une autre période d’excitation, celle où elle venait de terminer un livre et de le donner à imprimer. Mais là, on peut parler de désespoir, un désespoir violent et épuisant qui la faisait plonger et tomber vraiment malade. Elle a eu une grave dépression juste après avoir terminé « Croisière », la grave dépression de 1941 qui a abouti à son suicide est survenue après qu’elle eut terminé « Entre les actes » et en 1936, pendant la correction des « Années », elle était désespérée, profondément déprimée. » Trois tentatives de suicide ont douloureusement émaillé la vie du couple Woolf.
« Ma vie avec Virginia » redonne sa juste place à Leonard Woolf, humaniste brillant, sensible et mari indéfectible et attentif d’un des plus grand écrivains du XXème siècle. Virginia Woolf écrivit dans sa lettre d’adieu à Leonard le 28 mars 1941 : « Tu m’as donné le plus grand bonheur possible. Tu as vraiment été tout pour moi, dans tous les domaines. Je ne pense pas que deux personnes aient pu être plus heureuses jusqu’à ce qu’arrive cette terrible maladie. (…) Si quelqu’un avait pu me sauver, c’aurait été toi. »
Très beau chant d’amour conjugal . For Virginia’s Lovers only ( car il faut une assez bonne connaissance de son oeuvre pour apprécier , tout de même )
C’est une belle description du livre. Peut être qu’il peut aussi donner envie de decouvrir Virginia Woolf, l’admiration de Léonard peut déteindre sur ses lecteurs !
Ça a l’air vraiment très beau… ton article est déjà très touchant… je note !
Merci ! Le témoignage de Léonard Woolf est vraiment très beau, plein d’admiration et de tendresse.
C’est vrai que Leonard a souvent tendance à disparaitre derrière sa femme. Ce livre m’intrigue, merci de l’avoir présenté!
On ne le connaît pas vraiment. Je ne savais même pas qu’il était à l’origine de la Société des Nations ! Un modeste qui mérite que l’on s’intéresse à lui.
un point de vue intéressant, je note!
Le livre donne un éclairage différent et intime sur le génie de Virginia.
Quel homme formidable ! Ses mémoires sont passionnants ❤
Oui, je trouve que c’était vraiment un homme remarquable, d’une très belle humanité.
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