La nuit sous le pont de pierre de Leo Perutz

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« Ces mots : « la fortune de Meisl », je les connaissais depuis toujours. Ils évoquaient la richesse, la propriété par excellence, l’or, les bijoux, les maisons, les immeubles et les caves remplies de toutes sortes de marchandises, en ballots, dans des caisses et des fûts. La « fortune de Meisl » n’était pas ce qu’on appelle la richesse, c’était l’opulence. Et lorsque mon père déclarait qu’il ne pouvait se permettre de faire une dépense qu’on attendait de sa générosité, il avait coutume d’ajouter : « Ah ! si je possédais la fortune de Meisl ! » » A travers quatorze chapitres, qui racontent chacun une histoire, Leo Perutz nous conte, de manière magistrale, la fortune de Mordecai Meisl.  La construction du roman est formidable et incroyablement bien pensée. Chaque histoire se suffit à elle-même, on peut penser au départ qu’il s’agit d’un recueil de nouvelles. Mais elles forment en réalité un tout parfaitement cohérent qui nous raconte comment Meisl devint riche et comment il mourut sans un sous en poche. C’est en filigrane que tout cela apparaît, les pièces du puzzle se mettent en place au fur et à mesure des chapitres. Leo Perutz entrecroise les époques, les personnages que l’on retrouve d’une histoire à l’autre. Dans les chapitres s’insinuent du merveilleux, du fantastique notamment lorsqu’est évoquée l’histoire d’amour d’Esther Meisl et l’empereur Rodolphe II. Tout cela est mené de manière absolument remarquable.

« La nuit sous le pont de pierre » nous transporte à Prague. Nous sommes principalement au moment du règne de Rodolphe II, fou d’art au point de se ruiner. On y découvre également sa passion pour l’alchimie, Rodolphe se voulait immortel. On arpente les rues de Prague où l’on croise beaucoup de crucifix et d’églises et surtout on découvre le quartier juif. Josefov était la plus grosse communauté juive d’Europe. Mordecai Meisel, un entrepreneur du XVIème siècle, a inspiré le personnage principal de ce livre. Il fit édifier une synagogue qui porte son nom. Dans le roman plane également l’ombre du grand rabbin Loew qui instille de la magie à l’histoire et qui fut le créateur du Golem. Leo Perutz raconte également la fin du quartier juif démoli pour raisons d’assainissement à la fin du XIXème siècle. Il reste aujourd’hui peu de choses de ce ghetto. Juif né à Prague, Perutz s’était éloigné de ses racines avant d’y revenir à la fin de sa vie où il s’imprégna à nouveau des légendes juives. « La nuit sous le pont de pierre », publié en 1953, est son dernier roman et il est imprégné de cette culture.

« La nuit sous le pont de pierre » de Leo Perutz est un bijou méconnu de la littérature européenne. L’auteur entrelace les époques, les histoires pour nous conter, en fil rouge, la fortune de Mordecai Meisl et celle de sa femme Esther. Absolument remarquable !

9 réflexions sur “La nuit sous le pont de pierre de Leo Perutz

  1. Je note avec d’autant plus d’empressement que mes deux premières lectures de cet auteur (Le cavalier suédois et Le marquis de Bolibar) ont été un plaisir… et puis, la narration semble originale.

  2. Pingback: Bilan livresque et cinéma de mai | Plaisirs à cultiver

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