Goliarda vit à Catane en Sicile et plus précisément dans le quartier de la Civita où se croisent petits trafiquants, prostituées et gens honnêtes. Un tourbillon de vie, de bruits, de passion qui accompagne la jeune Goliarda qui ne va pas à l’école. Ses parents ne veulent pas qu’elle soit embrigadée par les fascistes. Pour occuper ses journées, l’enfant va au cinéma et en voyant « Pépé le Moko », elle tombe sous le charme de Jean Gabin. Mieux, elle veut être Jean Gabin.
« Moi, Jean Gabin » est un bijou de vitalité et d’insoumission. Goliarda Sapienza écrivit son texte dans les dernières années de sa vie et on sent une infinie tendresse pour cette enfance hors du commun et pour le quartier de la Civita. Nous sommes dans les années 30, la Sicile est gangrénée par la mafia et les fascistes. Les parents de Goliarda sont communistes, anarchistes et ils élèvent leurs enfants avec des idées politiques très fermes. Les frères de Goliarda se font parfois arrêtés. Ce sont d’ailleurs eux qui élèvent la petite fille et notamment le formidable Ivanoe capable de lui expliquer Voltaire comme la puberté. Goliarda est une enfant curieuse, vive, rêveuse et idéaliste (elle est consciente très jeune de l’injustice sociale). Ce texte rend d’ailleurs hommage aux rêves que l’on nourrit pendant l’enfance. « Se tenir toujours accroché au rêve, et défier jusqu’à la mort pour ne jamais le perdre. » Son rêve de devenir Jean Gabin est le fil conducteur de ce texte où nous la suivons pas à pas, où elle virevolte dans les ruelles « taillées dans la lave » à la rencontre d’amis, de membre de sa famille, d’habitants du quartier.
« Moi, Jean Gabin » c’est aussi une langue magnifique qui rend si bien la pulsation de la vie, le bouillonnement de la Civita et la beauté singulière de la Sicile : « Elle est comme ça, mon île, après ces courts orages qui hurlent à perdre haleine comme un adieu à la belle saison ( comprenons-nous bien, chez nous la belle saison est l’hiver où au moins on respire et on sent moins la puanteur), le grand soleil gravit la dernière marche du ciel et s’installe à nouveau sur son trône, d’où, immobile et dardant ses feux, il s’amuse à écraser tout le monde et toute chose sur la grande carcasse millénaire et rugueuse, surgie du chaos en un endroit perdu de la mer, éloignée de toute chose humaine. «
« Moi, Jean Gabin » est un livre joyeux, tendre, incarné racontant l’enfance atypique et libertaire de Goliarda Sapienza dans une langue somptueuse et particulièrement évocatrice.
L’Art de la joie m’a laissée un peu perplexe, et pourtant tu me donnes envie de jeter un œil à celui-là !
L’art de la joie me fait peur et je contourne la montagne en commençant par son autobiographie. Je pense que cela pourrait te plaire et que cela est très différent de L’art de la joie.
Tout ce que tu dis de ce livre ne m’étonne pas de la part de celle qui a écrit L’art de la joie ! Un coup de cœur absolu.
Je n’ai toujours pas osé lire L’art de la joie, il me fait peur ! Je fais connaissance avec Goliarda d’une manière détournée !