« Apeirogon : une forme possédant un nombre dénombrablement infini de côtés. » Ce sont 1001 fragments courts qui composent le dernier livre de Colum McCann. De multiples récits se croisent, se font écho pour essayer de comprendre le conflit israélo-palestinien. Au cœur de ce projet extrêmement ambitieux, se trouvent deux hommes liés par un drame terrible : Rami et Bassam ont tous les deux perdus leur petite fille. Rami est un publicitaire israélien, fils d’un rescapé de la Shoah, ancien soldat. Sa fille, Smadar, est morte à l’âge de 14 ans dans un attentat terroriste. Bassam travaille au ministère des sports et aux archives palestiniennes, il a fait sept ans de prison pour actes terroristes. Abir, sa fille de 10 ans, a reçu une balle dans la tête. Tous deux sont réunis aujourd’hui par leur puissant désir de paix qui les emmène chaque jour à raconter leur histoire à travers le monde.
Colum McCann nous plonge dans l’histoire de ces deux hommes remarquables, dans le chaos de leur région au travers d’un foisonnement d’idées, de pensées. Dans « Apeirogon », on croise François Mitterrand, Philippe Petit (déjà présent dans « Et que le vaste monde poursuive sa course folle »), Jorge Luis Borges, John Cage, Constantin Brancusi ou Antonin Artaud ; on parle beaucoup d’oiseaux migrateurs qui passent au-dessus de la région depuis des millénaires, de musique ; on évoque la Shoah aussi bien que la Nakba. Les fragments se répondent, se complètent, se répètent et abordent la politique, la culture, la religion, l’Histoire, la nature. La forme, choisie par Colum McCann, est brillante et complexe. J’avoue n’avoir réussi à rentrer véritablement dans « Apeirogon » qu’à la page 243, là où deux chapitres 500 nous montrent Bassam et Rami au monastère de Crémisan de Beit Jala, près de Bethléem. La forme du roman a entravé, morcelé ma lecture et a rendu la montée jusqu’au monastère un peu fastidieuse. La deuxième partie du roman fut beaucoup plus facile à appréhender.
Même si j’ai eu du mal à rentrer dans la forme particulière de « Apeirogon », je salue le projet ambitieux de Colum McCann qui rend un bel hommage aux deux combattants de la paix que sont Bassam et Rami.
Traduction Clément Baude