Un lieu à soi de Virginia Woolf

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Grâce au Café du classique sur Instagram, j’ai relu « A room of one’s own » de Virginia Woolf. J’ai choisi la récente traduction de Marie Darrieussecq qui m’a semblé plus fluide que celle de Clara Malraux qui est celle par laquelle j’ai découvert ce livre important de l’auteure. Et le choix de la traduction du titre me paraissait plus juste, plus proche de ce qu’avait voulu dire Virginia Woolf.

Cet essai, publié en 1929, a comme point de départ deux conférences sur le thème des femmes et de la fiction qui devaient avoir lieu aux Newnham College et au Girton College, deux institutions de Cambridge dédiées aux jeunes filles. Virginia Woolf choisit de décliner son propos sur deux journées où elle mélange flâneries et réflexions sur le thème des conférences. Il ne s’agit donc pas d’un essai classique, scolaire. L’auteure y écrit comme dans ses romans, exprimant un flux de conscience qui peut donner l’impression d’un livre déconstruit, aux propos éclatés. Comme toujours, Virginia Woolf écrit avec une grande liberté, une ironie grinçante et une culture remarquable. Ce qui m’a frappée durant cette relecture, c’est à quel point elle s’amuse, elle invente des personnages pour nous parler des femmes et de la fiction et le plus intéressant d’entre eux est celui de la sœur de Shakespeare qui, si elle avait voulu écrire, aurait connu un bien funeste destin.

Virginia Woolf choisit d’aborder le thème de ses conférences de manière concrète. Dès le départ, elle fait le constat que les pelouses, les bibliothèques des colleges masculins sont interdites aux femmes, leurs repas sont de meilleure qualité que ceux des jeunes filles. Cela peut paraître anecdotique mais pour elle, cela fait partie intégrante de son constat : « La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. » Les femmes, pour créer, n’ont besoin que de deux choses : une pièce à soi et de l’argent. Elle montre bien à travers l’Histoire à quel point la création doit se libérer des contingences matérielles pour pouvoir exister et sa démonstration est brillante.

Bien entendu, le patriarcat a également tout fait pour brimer les femmes, les a modelées pour limiter leur envie d’expression, les a décrédibilisées. Certaines ont du prendre des noms masculins pour se faire publier (George Eliot, les sœurs Brontë, George Sand, etc…).

Pour autant, Virginia Woolf ne souhaite pas lancer une guerre ouverte entre les deux sexes. Elle préconise que chacun cultive ses différences. Elle insiste sur l’importance de l’éducation, elle qui a vu ses frères partir dans les College alors qu’elle n’a pas pu y aller. Elle invite les jeunes femmes à voir le monde, à avoir plus d’expérience pour en nourrir leurs œuvres et surtout à penser par elle-même : « Je me retrouve à dire brièvement et prosaïquement que le plus important est d’être soi-même, plutôt que n’importe quoi d’autre. »

La démonstration de Virginia Woolf dans « Un lieu à soi » est originale, impeccablement menée et imaginative. Le statut des femmes a changé depuis 1929 et pourtant cet essai résonne toujours avec notre actualité. Le chemin parcouru est important mais il ne s’arrête pas là et Virginia Woolf nous invite à rester vigilantes.

Traduction Marie Darrieussecq

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4 réflexions sur “Un lieu à soi de Virginia Woolf

  1. J’ai découvert cet essai l’année dernière, dans cette traduction. Comme toi, le titre m’a paru plus pertinent. Ce fut une lecture prenante. J’espère revenir à V.Woolf pour ce mois anglais.

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