Été 1936, Janna quitte Maastricht pour se rendre à Aix-la-Chapelle. Son père l’y envoie pour qu’elle perfectionne son escrime. Son maître d’armes sera Egon von Bötticher, un ancien ami de son père qu’il a connu lors de la première guerre mondiale. Le père de Janna est médecin et il a soigné von Bötticher, gravement blessé au visage. Janna a 18 ans et elle rêve de ressembler à Hélène Mayer depuis qu’elle a assisté aux JO d’Amsterdam. Rêveuse, elle imagine, durant son voyage en train, que son maître d’escrime ressemblera au Prince Andreï de « Guerre et paix ». Impressionnant physiquement, von Bötticher accueille de manière froide la jeune fille. Taciturne, peu loquace, il prépare Janna à la découverte de son domaine de Raeren, proche de la décrépitude. « Je me tenais face à un couvercle de cercueil. J’exagère, bien-sûr, mais, quand von Bötticher m’a plantée devant la porte close parce qu’il avait oublié quelque chose dans la voiture, l’aspect solitaire de la maison m’a frappée, comme ma solitude face à elle. Pendant les quelques minutes qui se sont écoulées, j’ai fixé la laque noire, le heurtoir terne et les clous argentés, puis la porte s’est ouverte sur un nouveau personnage d’une pâleur cadavérique qui restait muet sur le seuil. » Cette atmosphère lugubre n’empêchera pas Janna de tomber sous le charme de von Bötticher.
A douze ans, Mathieu doit aller vivre avec son grand-père au cœur de la Provence, dans une ferme. Après s’être déchirés, ses parents préfèrent l’abandonner. Seule sa mère reviendra occasionnellement le voir. Pas suffisant pour apaiser la colère, la rage de Mathieu qui ne trouve que la violence, la cruauté comme bouclier de protection. « Instinctivement mes mains se font tendres, et je ne peux éviter les larmes qu’en basculant dans la cruauté. » Seul son grand-père est source de tendresse et d’affection.
Née Polina à Moscou, elle est devenue Pauline lorsque ses parents s’installèrent à St Étienne. Deux prénoms dont elle pensait pouvoir disposer à sa guise. Mais lorsqu’elle entame des démarches pour son passeport, elle comprend que la mention « autorisée à s’appeler Pauline », sur le décret de naturalisation, rendait obligatoire l’utilisation de son prénom francisé. Polina a bel et bien disparue. La narratrice va alors aller devant les tribunaux pour retrouver son prénom d’origine. Celui-ci lui avait été donné en hommage à sa grand-mère paternelle qui avait du transformer son prénom de Pessah, trop juif, en Polina. Retrouver son véritable prénom, c’est retrouver l’histoire de sa famille, entre la Russie et la France.
Katherine O’Dell, décédée à 58 ans en 1986, était une actrice éclatante du théâtre et du cinéma. Son talent la fit quitter l’Irlande pour Londres, Broadway puis Hollywood. Mais sa chute fut également brutale : elle fut internée dans un hôpital psychiatrique après avoir agressé un producteur de cinéma. « Lorsque son cas fut examiné par un tribunal, nous réussîmes à trouver non pas un mais deux psychiatres qui la déclarèrent folle : elle quitta le tribunal dans le même fourgon blanc qui l’y avait conduite. Au bout de trois ans supplémentaires, elle fut libérée de l’asile, les poches pleines de pilules – une femme profondément diminuée et bientôt mortellement malade, invisible aux yeux des passants qui la croisaient dans la rue. » Pourquoi Katherine O’Dell a-t-elle commis un tel acte ? Qui était-elle ? C’est ce que sa fille Norah se demande, elle va plonger dans les archives de sa mère pour tenter de mieux la connaître et la comprendre.
« Dans trois semaines, le 30 juin, elle aura trente ans. Trente ans, trois enfants, Isabelle, Claire et Gilles, deux filles et un garçon, sept, cinq et quatre ans, une ferme, une belle ferme, trente trois hectares, une grande maison, vingt sept vaches, un tracteur, un vacher, un commis, une bonne, une voiture, le permis de conduire. Heureusement, elle a le permis de conduire ; sa mère a eu raison d’insister pour qu’elle le passe. Isabelle, Claire, Gilles, les trois prénoms reviennent toujours dans ses listes ; trois enfants, trois prénoms, trente trois hectares, trente ans. Elle s’accroche à ses listes. » Un weekend de juin 1967, elle ressasse son mariage, les enfants, les césariennes qui abîment le corps, les tâches ménagères sans fin, les remarques acides et brutales de son mari qui blessent plus profondément que les coups. Pourquoi n’est-elle pas partie dès la première main levée ?
Merci ! Une très joyeuse année à toi également !
Belle et douce année également !