Deviens celle que tu es de Hedwig Dohm

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Agnès Schmidt, une soixantaine d’années, est internée dans l’asile d’aliénés du docteur Behrend. Plutôt calme et éteinte la plupart du temps, elle s’exhale par moments en se lançant dans des conversations avec des êtres imaginaires. Le médecin l’observe avec attention, suivant l’évolution de son état. Il présente son cas à un jeune collègue et quand Agnès rencontre ce dernier, elle tend ses bras vers lui en criant son prénom. L’émotion forte lui fait perdre connaissance. A son réveil, sa raison semble lui être revenue. Elle donne alors au docteur Behrend un livre. « Après la mort de mon mari, j’ai commencé à tenir un journal. Je vous prie de le jeter au feu. Vous êtes psychologue. Si vous souhaitez apprendre comment et pourquoi mon esprit est détraqué, alors lisez-le avant de le détruire. Personne d’autre que vous ne doit le lire. » 

Ce court et passionnant texte fut écrit en 1894 par Hedwig Dohm (1831-1919). A travers ses écrits (romans, essais, articles), elle fut une pionnière du féminisme. Dès les années 1870, elle s’interroge sur la place des femmes dans la société, sur la famille, sur leur éducation, sur l’instinct maternel. Ces thématiques se retrouvent dans « Deviens celle que tu es ». Le texte est le récit d’une découverte de soi en tant qu’individu, une quête de liberté totale après avoir vécu en se conformant docilement aux attentes de la société. La lecture, qu’elle apprécie enfant et qu’elle ne pourra reprendre qu’après la mort de son père puis de son mari, est source d’évasion mais également un moyen de palier à son manque d’éducation (Hedwig Dohm elle-même a du quitter l’école à 15 ans). Le voyage lui ouvrira des horizons même si cela arrive à la fin de sa vie. Les réflexions du personnage d’Agnès sont étonnamment modernes et certaines sont toujours d’actualité. C’est le cas de son questionnement sur la place des femmes âgées : « C’est avec tant de mépris, tant de répugnance que l’on regarde la femme âgée, comme si son âge était une faute méritant châtiment. Vous les jeunes, et les encore plus jeunes, vous vieillissez aussi pourtant, et vous voulez vieillir, et vous considérez comme un sort cruel de ne pas vieillir. » Hedwig Dohm était un esprit éclairé ne se contentant pas de dénoncer le sort fait aux femmes dans la bourgeoisie ou le milieu ouvrier. Elle lutta également contre le racisme, le colonialisme, le patriotisme ou l’antisémitisme.

« Deviens celle que tu es » est le récit poignant, intense de la découverte tardive de soi pour Agnès Schmidt. Sous le soleil de l’Italie, elle se libère enfin des rôles de fille, d’épouse, de mère et de grand-mère. Un texte qui n’a rien perdu de sa force ni de sa modernité.

Traduction Marie-France de Palacio

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