Le vieil incendie d’Elisa Shua Dusapin

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Après quinze ans d’absence, Agathe revient dans son Périgord natal. Elle vit à New York où elle est scénariste. Elle travaille actuellement sur l’adaptation de « W ou le souvenir d’enfance » de Georges Perec. Elle rejoint sa sœur Véra dans leur maison familiale qu’elles doivent vider suite au décès de leur père. Leur mère a déserté le foyer depuis bien longtemps. Les pierres de la maison serviront à réparer le pigeonnier de la propriété voisine qui avait été endommagé par un incendie. Véra est aphasique depuis l’âge de six ans. Agathe l’a toujours défendue face aux autres jusqu’à ce qu’elle parte pour construire sa vie ailleurs. Aujourd’hui, elle retrouve une jeune femme, plus solide, plus sûre d’elle que ce qu’elle avait pu imaginer. « J’ai de la peine à me rappeler que nous avons été indissociables. Nous avions les mêmes timidités. Les mêmes craintes de la vie sociale. On ne se chamaillait pas. Notre langue de silence et de cris nous a réunies. » Les deux sœurs vont avoir neuf jours pour s’apprivoiser et réapprendre à se connaître.

Avec « Le vieil incendie », je découvre la plume d’Elisa Shua Dusapin, autrice franco-suisse d’origine coréenne. Il s’agit de son quatrième roman et il m’a beaucoup plu. Le retour à la maison familiale est l’occasion de nombreuses réminiscences pour Agathe. Le lien fort qui l’unissait à sa sœur et à son père, ses compétitions de patinage artistique, l’incompréhension des autres enfants face au silence de Véra. Elle fait également le point sur sa vie actuelle, sur ses choix passés. Elle redécouvre sa sœur qui a su grandir sans elle. Elisa Shua Dusapin sait parfaitement décrypter la complexité des liens qui unissent les deux sœurs, les soubresauts de l’âme d’Agathe face à Véra et les silences de cette dernière. Tout n’est que sensation dans ce roman. La nature qui entoure la maison est très présente. Elle est parfois inquiétante, sauvage, accueillante. Elle est l’occasion de beaux moments poétiques. « Fin du matin, soleil pâle. Le vent a recouvert de feuilles la statue, sa peau granuleuse, seul son visage émerge, penché sur l’eau. Véra et moi sommes agenouillées au bord de l’étang, à nous demander si nous rêvons. Juste sous la surface, des plantes s’entrelacent. Elles ont la forme du trèfle, la taille d’un visage. Nous n’avons jamais vu ça dans cet étang. Le vert éclate, si vif qu’au-dessus de la tourbe, il paraît phosphorescent. Reflet des arbres nus. On dirait qu’ils font l’essayage des feuilles du printemps.« 
« Le vieil incendie » est un très beau texte qui explore la sororité, l’intimité et la profondeur des liens familiaux avec délicatesse.

2 réflexions sur “Le vieil incendie d’Elisa Shua Dusapin

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