Bilan livresque et cinéma de novembre

novembre

Voici les neuf livres que j’ai lus durant le mois de novembre :

-« Lune froide sur Babylon » qui m’a permis de retrouver le talent pulp de Michael McDowell et encore une fois la lecture de ce roman est réjouissante ;

-« Une femme de demain » de Coralie Glyn, une comédie originale, féministe mais dont le discours militante empiète un peu trop sur la fiction ;

-« Regardez-moi » est mon troisième roman lus d’Anita Brookner, une autrice que j’apprécie de plus en plus et qui décrit magnifiquement de la solitude de ses personnages ;

-« Retour à Belfast » de Michael Magee qui parle de l’Irlande du Nord d’aujourd’hui où les Troubles sont toujours présents et qui n’offre que peu de perspective à sa jeunesse. Un premier roman particulièrement réussi,

-« Les éphémères » d’Andrew O’Hagan qui évoque le Royaume-Uni sous Thatcher : la désindustrialisation, la pauvreté, les grèves mais également une vitalité musicale exceptionnelle,

-« Les morts d’avril » d’Alan Parks, je continue à découvrir les enquêtes du pessimiste et sombre McCoy dans le Glasgow des années 70,

-« La disparue de la réserve de Blakfeet » d’Anaïs Renevier qui fait partie de la série 10/18-Society sur les USA et qui nous montre le sort terrible réservée aux femmes amérindiennes,

-« Comment jouir de la lecture ? » qui est un court essai de Clémentine Beauvais sur la façon d’exprimer le plaisir provoqué par la lecture,

-« Alma, la liberté », enfin je lis le troisième et dernier tome de la série écrite par Timothée de Fombelle autour de l’esclavage, un régal !

Côté cinéma, j’ai vu six films durant ce mois de novembre dont voici mes préférés :

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Un chat noir s’abrite dans une maison vide plantée au milieu d’un luxuriant jardin. Peu à peu, l’eau de la rivière envahit ce dernier. Les flots grossissent de plus en plus et le chat est piégé. Il réussit à sauter sur une embarcation à la dérive. Le monde semble totalement englouti. Sur le bateau, où le chat noir à trouver refuge, se trouvent d’autres animaux naufragés : un drôle d’oiseau blanc, un capybara, un lémurien aimant les objets brillants et un labrador beige. Ensemble, ils vont devoir apprendre à survivre. 

Ce qui frappe d’emblée, c’est la très grande qualité de l’animation. Les décors sont splendides. L’embarcation navigue au milieu de ruines immenses, d’une nature foisonnante. On pense aux œuvres de Hayao Miyazaki pour la beauté des paysages et le côté irréel des vestiges. Les animaux sont très réalistes dans leurs attitudes, leur façon de se mouvoir. Aucune parole, ils ne sont pas anthropomorphiques. « Flow » est un apprentissage au vivre ensemble. Les espèces regroupées sur le bateau n’ont pas vocation à s’entendre mais ils apprennent à le faire pour survivre à la montée des eaux. Leur odyssée est esthétiquement bluffante et très touchante. 

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Des hommes reviennent de la chasse dans le maquis corse avec deux cadavres de sanglier. Parmi eux, une adolescente qui se charge d’éventrer l’une des bêtes et de sortir ses entrailles. Cette jeune fille aux longs cheveux se nomme Lesia et elle est la fille d’un chef de clan qui est recherché depuis plusieurs années. Quand Lesia veut rejoindre son amoureux sur la plage, sa tante l’en empêche pour la conduire dans la nouvelle planque de son père, Pierre-Paul. Le père et la fille vont vivre ensemble pendant plusieurs semaines. Leur clandestinité va être rythmée par le défilé des assassinats montrés au JT.

Julien Colonna connait parfaitement le milieu dont il parle puisqu’il est lui-même le fils d’un parrain corse. Il montre un monde exclusivement masculin où les mères, les femmes et les enfants gravitent en périphérie mais seront les premières victimes des règlements de compte entre clans. Le sang qui coule engendre toujours plus de violence et d’envie de vengeance. L’excellent idée de Julien Colonna est d’avoir placé au milieu des hommes une jeune femme, comme un corps étranger. C’est par ses yeux que nous découvrons la vie de Pierre-Paul et de ses acolytes. Ghjuvanna Benedetti l’incarne merveilleusement bien entre désir de vivre sa vie d’ado et celui de faire partie de celle de son père. Julien Colonna signe un formidable premier film, une tragédie violente et inéluctable. 

Et sinon :

  • « La plus précieuse des marchandises » de Michel Hazanavicius : Au fond de la forêt, en plein cœur de l’hiver, pauvre bûcheronne ramasse du bois pour réchauffer son foyer et faire cuire la soupe  qu’elle prépare chaque jour pour le retour de pauvre bûcheron. Lors de ses sorties dans la neige, elle voit passer de longs trains sinistres et elle prie le dieu des trains de bien vouloir lui donner un enfant. Le sien est mort en bas âge. Son vœu va être exaucé et elle va trouver un bébé tombé d’un wagon. Michel Hazanavicius n’est décidément jamais là où on l’attend. Il nous propose ici l’adaptation du roman de Jean-Claude Grimberg sous forme d’un film d’animation dont il a réalisé les dessins. L’émotion gagne le spectateur dès les premières minutes puisque le narrateur de ce conte est Jean-Louis Trintignant. Les autres voix sont également très bien choisies : Dominique Blanc, Grégory Gadebois et Denis Podalydès. Au cœur de l’horreur, dans cette forêt polonaise, l’humanité fait de la résistance face à la haine de l’autre. Le pauvre bûcheron va se laisser envahir  par l’amour pour ce bébé dont il ne voulait pas (la scène où il sent les battements de cœur de l’enfant dans les objets qu’il touche est bouleversante). Un ermite bourru, à la gueule cassée, sera également un magnifique personnage, une source de lumière dans la noirceur du monde. Le dessin se fait de plus en plus âpre, dur au fur et à mesure du film et de la découverte de ce qui se joue à quelques mètres de la cabane des bûcherons. Michel Hazanavicius évite tous les écueils et met en lumière les Justes et la force de la tendresse.
  • « Anora » de Sean Baker : Anora, dite Ani, est une escort girl de 23 ans qui officie dans un club de striptease de Brooklyn. La prestation peut se poursuivre si le portefeuille suit. Un soir, elle fait la connaissance de Vanya, fils d’un oligarque russe. Il s’entiche d’Ani et lui propose, moyennant finances, de passer une semaine avec lui. Durant ces journées, Vanya demande sa main à Ani qui voit là une opportunité de changer de vie. Les parents de Vanya envoie leurs sbires pour faire annuler le mariage. La comédie de Sean Baker prend toute son ampleur avec l’arrivée des trois pieds nickelés envoyés par les parents de Vanya. Ils nous offrent grâce à leur profonde maladresse des moments hilarants. Ils saccagent la maison de leur patron en essayant de contenir la fureur d’Ani, pendant que Vanya prend lâchement la fuite. Ils passeront une nuit à chercher le jeune homme dans une suite de scènes délirantes. Le début du film aurait sans doute être écourté au profit de cette seconde partie rythmée et très drôle. Il faut souligner la formidable performance de Mikey Madison qui incarne Anora avec une fougue ébouriffante et une énergie communicative. 
  • « Juré n°2 » de Clint Eastwood : Justin est désigné pour être juré à un procès. Il fait tout pour être éliminé car sa femme va bientôt accoucher et sa grossesse est à risque. Rien n’y fait, Justin sera le juré n°2 dans un procès pour meurtre. Un homme aurait tué sa petite amie une nuit au bord de la route après une dispute. En écoutant les différentes dépositions, Justin se rend compte qu’il est en réalité le coupable de ce meurtre. Si vous aimez les films de procès, « Juré n°2 » est pour vous. Clint Eastwood détaille le processus de la justice américaine : de la désignation des jurés jusqu’au verdict final. Comme dans « Douze hommes en colère », nous assistons à de longues scènes de délibération entre les jurés. Justin ne peut se dénoncer en raison de sa situation familiale mais il se refuse également à envoyer un innocent en prison. Le rôle de la procureure est également mis en avant. Malgré ses ambitions politiques, elle montrera un sens aigu de la justice. De facture classique, « Juré n°2 » est un film prenant sur la culpabilité d’un homme et la morale. 

 

  • « En fanfare » d’Emmanuel Courcol : Thibaut, chef d’orchestre de renommée internationale, a une leucémie qui nécessite une greffe de moelle. Sa sœur n’étant pas compatible, il se découvre un frère dans le nord de la France. Les enfants ont été séparés très jeunes et adoptés par des familles de milieux sociaux très différents. Un lien les unit pourtant immédiatement : la musique. Emmanuel Courcol signe une jolie comédie sociale dont les dialogues sont très bien écrits. Le film, qui n’est pas si feelgood qu’il en a l’air, parle de la recherche des origines, de la question de la nature et de la culture, de la musique qui transcende les milieux sociaux. La partition, juste et cocasse, est interprétée par un magnifique duo d’acteurs : Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe, tous les deux aussi doués dans l’humour que dans l’émotion. Le duo est crédible et porte le film. « En fanfare » est une comédie populaire, rythmée, parfaitement intrprétée.

Une réflexion sur “Bilan livresque et cinéma de novembre

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