Lucas enfile sa tenue de cycliste. Après avoir travaillé d’arrache-pied pour un client, il va enfin pouvoir s’évader et pédaler pendant toute une matinée. Il dépose un baiser sur la nuque de sa femme, professeure de piano, qui pour l’heure travaille les variations Goldberg. Un aller-retour à Cassis pour se dégourdir les jambes et il sera de retour pour le déjeuner. Mais le destin en décidera autrement. Au bout de la rue, les freins du vélo en carbone lâchent. Lucas ne peut pas s’arrêter et est percuté par une camionnette.
Après avoir beaucoup aimé « 24 fois la vérité », j’ai eu un immense plaisir à retrouver la plume délicate de Raphaël Meltz. Comme dans ce roman, se dégage d' »Après » une infinie et profonde douceur. Pour un livre portant sur la mort d’un homme encore jeune, père de deux enfants, c’est une gageure. Après l’accident, Lucas devient le narrateur omniscient et extérieur du roman. Que se passe-t-il une minute, une heure, une semaine, un mois, un an après la mort ? Lucas ressent tout de façon plus intense, ses sens sont décuplés avant de disparaître les uns après les autres. Il observe sa famille plongée dans une peine immense, leur regret de ne pas lui avoir dit certaines choses, de n’avoir pas eu plus de temps à ses côtés. Les petites choses du quotidien prennent toute leur importance, souligne l’absence comme elles rendent hommage à celui qui n’est plus. Chacun fait son deuil comme il peut et se reconstruit peu à peu. Lucas voit tout cela avec distance : « Sans tristesse. Cela ne fait plus partie de lui : ni la tristesse, ni la peur, ni la peine, ni l’effroi. Faire le deuil, pour lui, c’est juste se préparer à perdre leur présence – par vagues. »
« Après » est un roman court, d’une grande force, bouleversant, original, magnifiquement juste et subtil.
