
Le toujours sulfureux « L’origine du monde » de Gustave Courbet restait énigmatique quant à l’identité de son modèle. Celle-ci est aujourd’hui dévoilée par Claude Schopp et grâce au hasard. L’auteur est un spécialiste d’Alexandre Dumas fils et il travaillait sur la publication de la correspondance de ce dernier avec George Sand. Et c’est là qu’il fit sa découverte. Alexandre Dumas fils évoque en effet le modèle de l’origine du monde dans l’une de ses lettres où il raille l’œuvre de Courbet. Claude Schopp a ensuite collecté de nombreux documents pour étayer sa découverte. Et c’est le résultat de ce travail qu’il nous détaille dans ce livre.
Le parcours du modèle de « L’origine du monde » est absolument surprenant. Constance Quéniaux (1832-1908) est née dans un milieu très modeste, sa mère était analphabète. Elle devient danseuse, elle est engagée dans le corps de ballet de l’opéra en 1847 et elle y restera jusqu’en 1859. Comme certains tableaux de Degas nous le montrent, les danseuses devaient se trouver des protecteurs afin de pouvoir vivre de leur art. Une fois sa carrière terminée, Constance a continué à vivre grâce à des hommes. Elle était ce que l’on appelle une demi-mondaine ou une courtisane. Grâce à « La dame aux camélias » de Alexandre Dumas fils (encore lui !), le regard sur ces femmes avait évolué positivement et elles n’étaient pas en marge de la société. Au contraire, Constance participait aux évènements culturels et mondains aux bras de ses différents protecteurs. C’est d’ailleurs grâce à l’un d’eux qu’elle est devenue le modèle d’un des plus célèbres tableaux au monde.
Khalil-Bey était un diplomate turco-égyptien qui aimait autant les femmes que le jeu. Il commanda deux tableaux à Gustave Courbet : « Le sommeil » et « L’origine du monde » en 1866. Constance Quéniaux était l’une des maîtresses du diplomate qui appréciait sa compagnie notamment lorsqu’il jouait. Constance avait la réputation de porter chance.
Et on peut dire que celle-ci s’est vérifiée pour sa propre vie. Sa vie de courtisane a permis à Constance d’atteindre l’aisance financière. Après que ses charmes se furent envolés, elle continua à bien vivre, elle possédait un appartement rue Royale et une maison à Cabourg. Mais Constance Quéniaux n’oublia jamais d’où elle venait. Elle était une généreuse donatrice pour des orphelinats et diverses œuvres de charité. « Le parcours de Constance semble démentir la vision pessimiste de Zola : il n’y a pas de malédiction irrémédiable. Celle qui fut le modèle de « L’origine du monde », l’un des tableaux les plus célèbres de l’histoire de la peinture, appelle au fond les femmes, toutes les femmes, à combattre. Certes, elle a dû, un temps, se prêter aux désirs des hommes, mais c’est, à la fin, pour triompher. »
« L’origine du monde-Vie du modèle » est une enquête minutieuse, documentée qui révèle le nom du modèle du tableau de Courbet tout en dévoilant le parcours admirable d’une femme qui a su s’élever socialement et s’affranchir des hommes.

Constance Quéniaux par Nadar