Émile aimait achever sa promenade matinale dans le parc. Il s’achetait les journaux du jour et passait une demi-heure sur un banc à les éplucher. Il était d’autant plus ravi ce matin que les premiers rayons du soleil, annonciateurs du printemps, étaient éclatants. Pas l’ombre d’un nuage, la journée s’annonçait belle. Le banc, qu’il choisit sous les marronniers, commençait à être baigné par la lumiere. Émile se penchait un peu tout en lisant pour sentir cette douce chaleur. Elle pénétrait les couches de vêtements et le réconfortait. Il avait bien besoin de cette dose de bien-être. Sa promenade du matin était une pause nécessaire, le soleil lui donnait l’occasion de la prolonger un peu. Ce n’est pas que les nouvelles du monde étaient tellement réjouissantes mais Émile aimait à se tenir au courant. Cela lui donnait l’impression de toujours faire partie du monde.
Il n’y avait pas grand monde ce matin dans le parc. D’habitude, Émile voyait passer quelques coureurs matinaux qui se défoulaient avant de rejoindre leurs bureaux en costume cravate. Étonnant de voir le parc si vide à 9h30, c’était reposant de n’entendre que les stridulations joyeuses des oiseaux. Ah mais c’est vrai que c’est le début des vacances, Mme Daugier lui avait dit la semaine dernière qu’elle prendrait la deuxième semaine et qu’une autre infirmière passerait s’occuper de Lucette.
A propos de Mme Daugier, il était temps qu’il se remette en route. Elle avait d’autres patients à voir. Il serait bien resté encore un peu au soleil Émile. Mais il ne pouvait plus laisser Lucette toute seule. Elle était capable de sortir de l’immeuble et elle ne pourrait pas revenir toute seule. En plus de ne plus se souvenir de l’adresse, elle commençait à ne plus se souvenir de son nom. Elle donnait son nom de jeune fille. Émile se sentait las. Il ne savait pas combien de temps il allait encore tenir, Mme Daugier ne pouvait pas rester plus d’une heure par jour. Émile se dit alors que la question ne se posait pas aujourd’hui, qu’il pouvait encore rester avec sa Lucette et qu’il était grand temps maintenant d’aller la retrouver.
c’est un très joli message, profiter des petits moments de plaisir et ne pas trop penser à la suite …
Je trouve qu’il faut profiter du présent, des petits plaisirs qui constituent notre quotidien. Les grands moments de bonheur sont au final assez rares.
La fin de ton texte est très émouvante.
Merci beaucoup Saxaoul !
Beaucoup d’amour chez chez Emile! tu prêtes vie à un instant très touchant.
Merci beaucoup Sabariscon, tes mots me font plaisir !
Amour et implacable vieillesse… C’est raconté avec douceur et dignité. Bravo.
Merci Claude, j’espère avoir été à la hauteur de à ta belle photo.
Il a raison de prendre ce moment pour lui, il sera plus fort pour la journée qui l’attend….Quelle terrible maladie qui demande une vigilance de tous les instants en échange d’une communication aléatoire avec cet esprit si souvent ailleurs…..Allez, encore cinq minutes de réconfort au soleil sur ce banc……
C’est vraiment une terrible maladie pour l’entourage. Voir disparaître ton proche lentement mais inexorablement doit être affreux à vivre.
Qu’il a l’air doux et bienveillant, Émile. Lucette a beaucoup de chance de pouvoir compter sur lui pour faire face à la maladie.
Il doit falloir beaucoup de patience et d’amour pour accompagner ce type de malade. Je suis contente d’avoir réussi à le rendre dans mon court texte.
ah les moments à soi et tu décris si bien la douceur de la lumière et de la chaleur qui me manque tant en cette fin d’hiver!
Rien de tel que le rayon doux et chaud du soleil en début de printemps ! Cela revigore infiniment, vivement que le printemps arrive !
Une pause sous les doux rayons du soleil avant d’affronter la noirceur d’Alzheimer. J’aime beaucoup ton texte.
Merci beaucoup Albertine !
Tout en délicatesse… J’aime bien tes textes courts et condensés.
Ton message est adorable, il me fait chaud au coeur, merci !
Tout en douceur, un joli moment de lecture
Merci beaucoup Emma !
Joli texte ponctué d’un tendre message à la fin. J’aime cette philosophie ! 🙂
Merci beaucoup Lailoona, comme dirait le vieux dicton : à chaque jour suffit sa peine !