« Les élèves du pensionnat de jeunes filles de Mrs Appleyard s’étaient levées à six heures et depuis lors n’avaient cessé d’inspecter le ciel limpide et lumineux. Elles voltigeaient maintenant dans leurs mousselines de dimanche, tel un essaim de papillons en délire. Non seulement c’était un samedi et le jour tant attendu du pique-nique annuel, mais c’était également le jour de la Saint Valentin (…). » Les jeunes filles, de ce pensionnat australien, s’égaient en attendant le départ du pique-nique qui les mènera à Hanging Rock. Elles reçoivent et échangent des cartes follement romantiques pour célébrer la Saint Valentin. L’heure du départ sonne enfin et les jeunes filles partent dans une voiture tirée par des chevaux. Après le repas, les pensionnaires et leurs deux enseignantes s’amusent, s’assoupissent dans la plaine en bas du massif volcanique de Hanging Rock. Quatre d’entre elles, parmi les plus âgées et les plus admirées, décident d’aller voir de plus près l’étonnant et impressionnant massif. Après plusieurs heures, une seule de ces jeunes filles revient auprès des autres. Elle arrive en courant et en hurlant. Elle est absolument incapable de dire ce qui s’est passé et surtout où se trouvent les trois autres. On découvre alors qu’une des deux enseignantes a également disparu. Des recherches vont rapidement être lancées dans Hanging Rock et ses environs.
Ce roman a été écrit en 1967 à partir d’un fait divers réel et il remporta un vif succès en Australie au point d’être adapté en 1975 par Peter Weir (l’adaptation est d’ailleurs très réussie). Pas étonnant que ce roman de Joan Lindsay ait connu tant de réussite car il s’agit d’un véritable bijou. L’ambiance du livre est envoûtante, fascinante. Cela tient à l’histoire elle-même. Ces jeunes filles fraîches, joyeuses nous semblent trop prometteuses, trop pleine de vie pour disparaître brutalement. Aucune trace n’est retrouvée, le mystère est total. Elles deviennent le symbole de la fin d’une époque. L’histoire se déroule le 14 février 1900, la pension de Mrs Appleyard est sur le modèle victorien, les jeunes filles portent des corsets malgré la chaleur du bush australien. Les trois jeunes filles semblent s’être échappées des carcans, des corsets et règles trop strictes de Mrs Appleyard qui les privaient de liberté.
C’est d’ailleurs plutôt son impact que la disparition en elle-même qui intéresse Joan Lindsay. La disparition des jeunes filles intervient très tôt dans le livre et c’est l’écho de cet évènement sur les survivants, l’entourage des filles qui va occuper le reste du roman. L’auteur, qui s’adresse régulièrement à ses lecteurs, parle d’un motif commencé avec le pique-nique et qui peu à peu s’étend. L’impossibilité du deuil, la culpabilité, l’énigme pèsent sur tous ceux qui connurent les filles ou les croisèrent à un moment. L’ombre du rocher d’Hanging Rock, du monolithe qui attiraient tant les trois jeunes filles, plane sur les vies et les assombrit en l’absence de réponses. Ces disparitions vont précipiter, accélérer les destinées des autres personnages. C’est le cas notamment pour Mrs Appleyard, symbole de l’ancien monde qui se délite et s’effondre.
Le roman de Joan Lindsay fascine également grâce à une écriture élégiaque, poétique et très cinématographique. Les descriptions de la nature, du bush sont particulièrement marquantes. « Enfin, le soleil disparut derrière le parterre de dahlias flamboyantes ; les hortensias luisaient comme des saphirs dans le crépuscule ; les statues de l’escalier brandissaient leurs torches pâles vers la nuit chaude et bleue. Ainsi s’acheva cette lugubre seconde journée. » Toujours plane sur les descriptions de la nature luxuriante, un malaise indicible, une forte mélancolie. Et malgré cela, malgré le drame, l’auteur réussit à distiller de l’ironie dans son texte.
« Pique-nique à Hanging Rock » fût un véritable coup de cœur, c’est un roman à l’atmosphère ensorcelante, captivante que vous ne voudrez plus lâcher et qui vous hantera longtemps après l’avoir refermé.
Une lecture qui me tente assez, moi qui adoré l’adaptation ciné !
Je vais bientôt revoir le film que j’avais adoré lorsque je l’avais vu la première fois. J’ai trouvé le livre encore meilleur que son adaptation.
Tu donnes très envie!
J’espère bien, c’est le but !
ça fait un moment que j’ai envie de lire ce roman, et les nombreux avis positifs ont finis de me convaincre! Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais préféré le roman au film…
Le plus du livre c’est bien évidemment l’écriture de Joan Lindsay qui est envoûtante. Et le roman est particulièrement bien construit. Pour le moment, je n’ai lu que des avis positifs, j’espère que ça va continuer !
Et on n’a jamais su ce qu’elles étaient devenues dans la vraie vie ?
J’ai fait d’autre recherche depuis mon billet et finalement il n’est pas avéré qu’il s’agit d’un véritable fait divers. L’auteur a apparemment beaucoup joué sur cette ambiguïté. Elle avait également écrit un dernier chapitre où la disparition était expliquée. Elle l’a heureusement enlevé du roman qui est bien meilleur sans.
Je suis très tentée, il a l’air vraiment passionnant!
C’est une très belle réussite et j’ai été totalement enchantée par l’histoire et l’écriture du roman.
Dingue cette histoire ! Tu m’as mis l’eau à la bouche !!!!
Finalement, le fait que ce soit un vrai fait divers est assez ambiguë mais l’intrigue reste assez incroyable. Contente de t’avoir donné envie de le lire !
Ce roman fut un coup de coeur partagé, comme tu le sais 😀
Comme toi, j’ai apprécié l’ironie très subtile dont fait preuve l’auteur dans un récit pourtant profondément dramatique et mélancolique. C’est vraiment un superbe texte, aux nombreuses facettes.
Je partage totalement ton avis. Je trouve que c’est un texte passionnant, particulièrement bien construit. j’ai beaucoup apprécié la manière dont elle tourne autour de cette disparition en s’intéressant aux autres protagonistes.
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J’avais adoré le film (une ambiance vraiment particulière !), vu il y a plus de 30 ans !