© Leiloona
En arrivant à Paddington de Southall, Abha se sentit lasse. Elle se dirigea vers le métro, vers la district line, comme chaque matin depuis six ans. Elle passa mécaniquement son oyster card pour pénétrer dans l’enceinte du métro, geste qu’elle reproduira tout aussi mécaniquement à sa sortie à Notting Hill Gate.
Ce matin-là, Abha se mit à penser à ses parents, Uma et Mehul, rajoutant de la mélancolie à sa fatigue. Tous deux en avaient rêvé de cette capitale, du carillon tonitruant de Big Ben, des parcs immenses et verdoyants, des toasts dorés le matin, des cabines téléphoniques rouges et des taxis noirs, des maisons colorées de Notting Hill, du brouhaha du marché de Camden. Là-bas en Inde, ils étaient très attachés à la culture anglaise qui faisait partie de l’histoire de leur pays, expliquaient-ils à leurs quatre enfants. Les deux garçons avaient dû s’inscrire au cricket, tous devaient maîtriser parfaitement la langue anglaise en prévision. En prévision de quoi ? ne cessait de demander Abha. Elle avait alors neuf ans et aurait dû comprendre le projet pourtant limpide de ses parents : venir vivre à Londres.
Et c’est ce qui arriva deux ans plus tard, Abha fut arrachée à son pays, à ses amis et à ses deux frères aînés assez grands pour choisir de rester en Inde, à la grande incompréhension de leurs parents. Le choc fut rude pour Abha, l’Angleterre était froide, grise et humide. Elle y était une étrangère et son accent ne faisait que le souligner. Ses parents avaient abandonné une situation confortable en Inde pour une vie londonienne médiocre. Son père était architecte en Inde mais il ne trouva rien à Londres en rapport avec sa formation et il finit par se faire embaucher dans un supermarché où il gérait les hangars et les stocks.
Uma et Mehul n’eurent pas les moyens d’envoyer Abha à l’université, celle-ci dut se mettre à travailler. Sans qualification, elle était passée de petits boulots en petits boulots jusqu’à ce qu’elle trouve son emploi actuel : femme de ménage de la famille Redfill à Notting Hill. Elle les voyait donc tous les jours, les maisons multicolores qui faisaient tant rêver ses parents. Elles étaient devenues le cadre de son travail laborieux et ingrat. Mais Abha serrait les dents, c’est avec l’argent de Notting Hill qu’elle enverrait sa petite sœur, Sudha, à l’université.
Triste vie de ceux qui pensent que l’herbe serait plus verte ailleurs mais en même temps, il faut tout tester ! bravo pour ton texte !
L’homme cherche toujours à améliorer sa vie mais ce n’est malheureusement pas toujours avec succès.
Une ambiance très londonnienne. J’ai pensé à certains romans indiens lus en lisant ton texte. Bravo d’avoir pensé à ça en écrivant…
Merci beaucoup Antigone, c’est très gentil !
Sombre destin pour cette famille qui pensait trouver à Londres l’objet de ces rêves. Néanmoins j’aime beaucoup la fin qui ouvre sur un espoir et une main tendue.
Merci, malheureusement Londres, comme Paris, ne peut pas offrir un meilleur destin à tous. Mais j’avais quand même envie de donner un peu d’espoir et de lumière à mon texte !
C’est une histoire très réaliste. J’ai eu un collègue de travail qui venait d’Algérie. Il vivait dans un petit appartement pour envoyer plus de la moitié de son salaire là-bas, pour aider sa famille.
C’est malheureusement le destin de beaucoup et l’actualité nous le rappelle chaque jour.
Un beau texte bravo.
Bonne fin de journée
Merci beaucoup !
Londres n’est pas forcément un eldorado mais l’espoir perdure malgré tout. Comme Antigone, il y a bien l’ambiance de la ville (je suis tjs fasciné par l’Oyster Card… comment peut-on appeler le Navigo londonien comme ça ? lol)
C’est vrai que j’aimerais bien connaître l’origine du choix de l’appellation de leur carte de transport !!! Merci pour ton message !
Un texte où nous entrons illico dans un roman anglais ! Pas de doute, ton séjour à Londres lui a donné une teinte caractéristique !!!
C’était vraiment la photo rêvée à ce moment-là ! Et il semble que j’ai su vous transporter à Londres, ce qui me réjouit !
Un ton très doux pour raconter le parcours des parents, puis on sent l’amertume de la jeune femme, quant à sa situation, qu’elle n’a pas choisie.
Cette photo a inspiré beaucoup de gaieté et de couleur, c’est très bien pensé d’avoir joué le contrepied.
Merci beaucoup Sarah pour ton message, c’est vrai que la tonalité était plus joyeuse dans les autres textes et que les couleurs ont inspiré les autres participants.