« Il est difficile d’expliquer cette transition à quelqu’un qui n’a pas vécu ça, mais lorsque vous n’arrivez plus à dormir, lorsque votre vie vous semble complètement vide, que vous croisez la mort tellement de fois qu’elle en devient banale, que vous êtes dévoré par la culpabilité d’être vivant parmi les morts, alors vous finissez par devenir parfaitement insensible (…). de cette indifférence, qui n’est qu’une protection, découle un risque bien particulier du métier. Lorsque plus rien n’a de sens, y compris la vie ou la mort d’autrui, vous n’êtes plus qu’à un pas du mal. Et ce putain de pas est terriblement facile à franchir. » Après avoir raté son test d’entrée à l’école de médecine, Ollie Cross décide de confronter ses connaissances théoriques au terrain. Il choisit de devenir ambulancier à Harlem, l’un des quartiers les plus violents de New York en ce début des années 90. Son coéquipier est un ambulancier expérimenté, sans doute le meilleur du poste : Rutkovsky. Ollie est un bleu qui apprend rapidement. Il se fait accepter par l’ensemble de l’équipe d’ambulanciers : Verdis, le généreux, Hatsuru, le flegmatique, LaFontaine, le dangereux. Tous font face aux pires situations possibles : une diabétique qui a laissé son pied pourrir et qui appelle les secours parce que l’odeur la dérange ; le corps d’un homme décédé depuis longtemps dans son appartement et qui est rongé par les vers ; une camée atteinte du sida qui accouche seule chez elle. Cela fait beaucoup de violence et de misère sociale pour un jeune homme choyé comme Ollie.
Shannon Burke a lui même été ambulancier ce qui donne une évidente authenticité au quotidien qu’il décrit dans « 911 ». Les scènes qui se succèdent soulignent la difficulté du métier d’ambulancier dans un quartier comme Harlem à cette époque. Ollie et ses comparses doivent sauver des personnes qui les détestent, les insultent parce qu’ils représentent l’État qui les a laissés tomber. Comment continuer à accomplir son devoir devant tant de violence et de désespérance ? Ce que Ollie voit chaque jour le transforme, l’éloigne de ses proches, il est littéralement rongé par son métier. Deux solutions sont alors possibles pour ne pas sombrer : l’empathie totale ou l’indifférence. Ollie devra choisir entre les deux.
« 911 » ne tombe jamais dans le pathos, le misérabilisme face à la vie des habitants de Harlem. Le style très réaliste, chirurgical empêche cet écueil. L’écriture est rythmée, presque frénétique à l’image de la vie menée par ces ambulanciers.
Shannon Burke montre à travers son roman toute la complexité du métier d’ambulancier : il faut sauver des vies tout en n’y attachant pas trop d’importance. Un métier où le choix moral se pose chaque jour. Un roman vif, prenant qui va au plus près de la misère humaine.
Sélectionné pour le Prix SNCF du POLAR.
ce doit être assez dur à lire, j’imagine.
C’est très réaliste et effectivement très dur. Mais c’est l’une des qualités des romans noiors que de montrer la réalité.
Plus je lis d’avis le concernant et plus je me dis qu’il m’irait comme un gant !
Je pense aussi qu’il pourrait tout à fait te plaire. L’univers me semble bien correspondre à ce que tu apprécies d’habitude.
J’avais beaucoup aimé aussi, notamment le style qui colle au fond, et la foi en l’homme qui perce malgré tout le sordide que dépeint l’auteur.
C’est vrai, tu as totalement raison sur le style qui exprime bien le quotidien des ambulanciers.
Un coup de coeur l’année où je l’avais lu (son année de sortie). Magnifique roman noir. 😉
Comme quoi, je ne surveille pas assez ton blog ! 😉
Poste-toi à l’entrée, je t’apporterai du café, ou du thé, ou des mojitos, au choix.
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