Les derniers jours de Stefan Zweig de Laurent Seksik

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Avec « Les derniers jours de Stefan Zweig », Laurent Seksik écrit une biographie romancée des six derniers mois de la vie de l’écrivain autrichien. Zweig quitte son pays en 1934, quatre ans avant l’Anschluss, sur une prémonition du drame qui allait advenir. « Il était parti en 1934, après que la police autrichienne eut perquisitionné sa maison à la recherche d’une cache d’armes – des armes chez le chantre du pacifisme ! » Après un détour par Londres et un séjour à New York où la bureaucratie vient à bout de sa patience, l’écrivain et sa deuxième femme Lotte s’installent au Brézil. A l’automne 1941, le couple s’installe dans une maison à Pétropolis. Un endroit où Lotte pourra respirer, elle dont l’asthme ne cesse de s’aggraver et où Stefan pourra terminer son autobiographie « Le monde d’hier ». Il compte également se lancer dans l’écriture de son grand oeuvre : la biographie de Balzac.

Mais le cœur n’y est plus. Laurent Seksik montre parfaitement bien à quel point la mélancolie ronge le cœur et l’âme de Stefan Zweig. La MittelEuropa a disparu définitivement, la Vienne intellectuelle et cosmopolite a été balayée par le nazisme. « Ce temps-là ne reviendra pas. Jamais plus les flâneries sur le pont Elizabeth, les marches sur la Grande Allée du Prater, l’état des dorures du palais Schönbrunn, ni le long déploiement du soleil rougeoyant sur les rives du Danube. La nuit était tombée pour toujours. » Plus de patrie, de maison vers laquelle retourner, Zweig a perdu ses repères et son idéal de vie humaniste. Il repense sans cesse à sa propriété de Salzbourg, aux livres qu’il a du y laisser, aux amis qui y venaient en visite : Rilke, Schnitzler, Romain Rolland, Thomas Mann, Toscanini ou Joseph Roth. La présence de Lotte n’y change rien. Elle, qui se pense toujours en concurrence avec Friderike la première femme de l’écrivain, ne peut prendre le dessus sur le désespoir de son mari. Elle va plutôt rejoindre son état d’esprit au fil des mauvaises nouvelles venues d’Europe. Zweig pense à tous ses amis qui ont choisi le suicide plutôt que de tomber dans les mains des nazis : Walter Benjamin, Ernst Weiss, Erwin Rieger et d’autres. Et Joseph Roth qui se tue en noyant son désespoir dans trop d’alcool. Il est également rongé par la honte d’avoir abandonné son pays, il se sent lâche par rapport à ceux qui sont restés sur place pour lutter contre l’envahisseur allemand. Stefan Zweig et sa femme choisirent de se suicider ensemble avec du véronal le 22 février 1942.

Parfaitement documenté, avec une écriture fluide, Laurent Seksik redonne chair à Stefan  Zweig et à sa femme Lotte. Il souligne bien à quel point la fin de la MittelEuropa a brisé l’écrivain autrichien. Si vous êtes intéressé par le sujet, je vous conseille le formidable film de Maria Schrader qui commence au moment de l’arrivée de Zweig au Brésil.

11 réflexions sur “Les derniers jours de Stefan Zweig de Laurent Seksik

  1. Coucou! J’ai lu il y a quelques années une adaptation en bande-dessinée de ce roman. Je n’ai pas encore lu le livre lui-même. J’avais tout de même été bouleversée par cette histoire et en particulier par Lotte tellement vulnérable et influençable qui par amour avait sombré auprès de son époux qu’elle adulait. C’était beau mais tellement désespérant que cela m’avait filé le bourdon. J’adore Stefan Zweig, je l’ai d’ailleurs chroniqué à de multiples reprises. Je n’ai pas vu le film dont tu parles mais je vais tenté de le trouver pour le visionner. Merci pour cette découverte!

    • Il faut que je lise la BD, j’attends un peu pour ne pas que cette lecture soit trop redondante. Le film est vraiment très beau, très sensible et l’acteur qui incarne Zweig est parfait ! Je suis, comme toi, une grande fan du travail de l’auteur. Et son suicide est tellement poignant.

  2. L’adaptation en BD par Sorel est très belle aussi, c’est par là que j’avais commencé. Beau roman, poignant, et j’ai adoré le film aussi.

  3. Je garde un excellent souvenir de ce roman qui m’a fait connaître Seksik et m’a donné l’envie de redécouvrir Zweig à côté de qui j’étais passée jusqu’ici – il est un de mes auteurs marquants à présent.

    • L’écriture de Zweig m’éblouit à chaque fois que je le lis, elle est d’une telle précision, d’une telle émotion. Je ne me lasse pas de lire cet auteur.

  4. J’avais énormément aimé l’essai de Zweig sur la fin d’un monde (Le monde d’hier) et j’avais bien entendu noté, stabiloté etc ce texte…qu’évidemment je n’ai jamais lu…donc, je le re-note, je le re-stabilote…grâce à toi 😉

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