Automne de Ali Smith

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Daniel Gluck, 101 ans, est dans le coma. Une seule personne vient lui rendre visite, Elisabeth Demand, qui était sa voisine lorsqu’elle était enfant. Elle lui fait la lecture à chaque fois qu’elle lui rend visite. Tous deux sont liés par une forte amitié malgré leur différence d’âge. Daniel lui parlait de peinture, de littérature, du pouvoir de l’imagination et du temps qui passe. Grâce à lui, Elisabeth s’est tournée vers des études d’histoire de l’art. Elle a fait une thèse sur Pauline Boty, seule artiste féminine du Pop Art anglais. Daniel l’a d’ailleurs très bien connue.

« Automne » est un roman très singulier qui peut paraître déroutant car il est constitué de fragments et il navigue entre fiction et réalité. Ali Smith a pour projet d’écrire quatre romans portant chacun sur une saison. Le thème central de « Automne » est le passage du temps, comment nous l’appréhendons. Le livre s’ouvre sur un rêve de Daniel qui s’interroge sur le fait d’être au paradis ou non. Nous sommes dans un espace temps indéfini, celui du coma du personnage. Ali Smith nous replonge ensuite dans la réalité, dans le quotidien de l’Angleterre. Le roman est le premier à avoir été publié après le référendum du Brexit. L’auteur nous montre un pays totalement divisé. « Partout dans le pays, les gens avaient le sentiment d’avoir fait ce qu’il ne fallait pas faire. Partout dans le pays, les gens avaient le sentiment d’avoir fait  ce qu’il fallait faire. Partout dans le pays, les gens avaient le sentiment d’avoir tout perdu. Partout dans le pays, les gens avaient le sentiment d’avoir tout gagné. » Dans ce pays en crise, Elisabeth semble peiner avec le quotidien. Elle est revenue ivre chez sa mère avec qui les relations, la communication sont difficiles. Durant tout le roman, Elisabeth essaie désespérément d’obtenir un nouveau passeport et se heurte à l’absurdité de l’administration. Elle est plus à l’aise avec l’art (j’ai découvert grâce au roman le travail et la vie tragiquement courte de Pauline Boty), les livres, Daniel lui avait dit : « Il faut toujours être en train de lire, dit-il. Même quand on ne lit pas réellement. Sinon, comment lirions-nous le monde ? » 

« Automne » dégage beaucoup de mélancolie en raison du Brexit qui représente la fin d’une ère et en raison de nombreuses réflexions sur le temps qui passe. Le roman fait des aller-retours entre la passé et le présent lorsqu’Elisabeth était enfant. Cette dernière se remémore ses promenades avec Daniel. Lors de l’une d’elle, il lui montra que le temps file en lançant sa montre dans un cour d’eau. Cette image est restée à l’esprit de jeune femme qui s’interroge beaucoup sur le temps qui passe, sur le fait que rien n’est immuable et sur la fugacité de la vie. Le fait d’ancrer le récit dans une saison participe pleinement à cette réflexion. Ali Smith nous offre des pages admirables décrivant l’automne. « Octobre passe en clin d’œil. Les pommes qui, il y a un instant encore, alourdissaient l’arbre, sont tombées, les feuilles jaunissent et rétrécissent. Le givre fait luire des millions d’arbres dans le pays. Ceux qui n’ont pas un feuillage persistant sont un mélange de splendeur et de sordide – d’abord rouge orangé puis dorées, leurs feuilles, puis marron, puis mortes. » 

Dans un roman très original et avec une très belle plume, Ali Smith évoque aussi bien l’Angleterre post-Brexit, que l’art, que le passage du temps et les relations humaines. J’ai hâte de lire le prochain pour voir comment les saisons s’articulent les unes avec les autres.

5 réflexions sur “Automne de Ali Smith

  1. J’avais envie de le lire et j’ai hésité car il avait l’air un peu particulier effectivement. Ta chronique confirme que je vais le mettre dans un coin pour le moment.

    • Oui, il est assez particulier, assez fragmentaire finalement. Il m’a fait penser au travail de Virginia Woolf ce qui ne va t’aider à le sortir de son coin !!!

    • Etant donné sa forme, c’est effectivement un roman qui ne peut pas plaire à tout le monde. La construction fragmentaire est assez singulière, il a un fil directeur ténu.

  2. Pingback: Bilan livresque et cinéma d’octobre | Plaisirs à cultiver

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