« Pendant vingt années, de sept à vingt sept ans, Sonietchka avait lu presque sans discontinuer. Elle tombait en lecture comme on tombe en syncope, ne reprenant ses esprits qu’à la dernière page du livre. » Sonia est une enfant solitaire qui se réfugie entièrement dans la lecture. Comme une suite logique à sa passion, elle obtient un diplôme de bibliothécaire. C’est lors d’une de ses journées de travail à la bibliothèque, qu’elle rencontre Robert Victorovitch, un peintre plus âgé qu’elle. Deux jours plus tard, Robert revient à la bibliothèque avec un cadeau pour Sonia : « Le portrait est magnifique, le visage de la femme noble et délicat, un visage d’une autre époque. Son visage à elle, Sonietchka. » Le tableau est un cadeau de mariage, Robert veut épouser Sonia. Surprise, elle accepte néanmoins. Et c’est ainsi que la vie va peu à peu éloigner Sonietchka des livres.
« Sonietchka » est un court roman de Ludmila Oulitskaïa et pourtant il contient toute la vie de son héroïne. Dans une langue belle et concise, l’auteure décrit le destin d’une femme à travers la deuxième guerre mondiale, le mariage, la maternité. Une femme issue d’un milieu modeste, sans grande beauté ni force de caractère mais qui traverse la vie avec une bienveillance paisible. Sonia s’éveille à la vie lentement, s’émerveille de ce qu’elle découvre au-travers et avec son mari. La vie l’accapare, l’emporte totalement, ce qu’elle a lu ou rêvé devient concret. Et elle découvre que la vie est loin d’être toujours heureuse : « L’existence de Sonia changea si totalement, si profondément qu’on eût dit que sa vie d’avant avait renversé son cours, emportant avec elle tout ce monde des livres qu’elle avait tant aimé, pour laisser à la place les inimaginables fardeaux d’une existence précaire, de la misère, du froid et des soucis quotidiens pour la petite Tania et Robert, qui tombaient malades à tour de rôle. » Sonia accepte les épreuves de la vie avec abnégation très russe, une douceur infinie qui la rend particulièrement lumineuse. Ludmila Oulitskaïa nous offre un personnage étonnant qui semble ne pas avoir de prise sur sa vie et laisse advenir chaque chose sans révolte, sans colère.
Malgré la brièveté de son livre, Ludmila Oulitskaïa brosse à merveille le portrait d’une femme, grande lectrice, au travers des affres de l’Histoire et du quotidien. Un personnage qui se révèle attachant, lumineux et dont la passion des livres ne s’éteindra jamais.
Une lecture commune avec ma chère Lou.
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Oui, lumineux, c’est tout à fait ça ! Je partage entièrement ton avis.
Merci pour ce beau cadeau et cette chouette lecture partagée, à renouveler :o)
Sonietchka est un personnage étonnant, d’un calme incroyable ! Effectivement, c’est une expérience à renouveler !
J’ai beaucoup aimé ce texte, avec lequel j’ai découvert cette autrice, relue depuis (De joyeuses funérailles, très différent de celui-ci, mais très bien aussi), et que je lirai encore. J’espère que tu n’as pas fait comme moi, qui ai lu la 4e de couverture avant de l’entamer, elle résume l’intégralité du roman (c’est honteux !!)..
Je note De joyeuses funérailles pour mes futures retrouvailles avec l’auteure. J’essaie de ne plus lire les 4ème de couverture qui en dévoile beaucoup trop ! Je ne comprends pas pourquoi les maisons d’édition ne font pas plus attention à ça.
J’avais adoré ce court roman. Très juste.
Il renferme tant de sentiments en peu de page, c’est incroyable !
Jamais lue l’auteure, et a fortiori ce roman, mais vous semblez toutes conquises, alors je note! une éternité que je n’ai plus rien lu de ‘russe ». 🙂
C’est une bonne occasion de retrouver la littérature russe, il est court et se lit avec grand plaisir.