
Ce fut un mois de mai bien rempli avec huit livres lus dont cinq pour le mois anglais dont je vais vous reparler très vite. A part ces lectures anglaises, j’ai eu l’occasion de découvrir trois auteurs : la danoise Tove Ditlevsen avec le premier volet de son autobiographie « Printemps précoce », l’italienne Matilde Serao avec « La vertu de Checchina » et l’allemand Lion Feuchtwenger avec le formidable « Les enfants Oppermann » que je vous conseille à nouveau chaudement.
Côté cinéma, j’ai eu l’occasion de voir six films dont mes deux préférés sont :

Blanche, professeur de français en Normandie, rencontre Grégoire Lamoureux dans une soirée où l’a trainée sa sœur jumelle. Le jeune homme a tout du prince charmant, de déclarations enflammées en tendres attentions il séduit la jeune femme et l’épouse. Bientôt Grégoire demande à Blanche de le suivre à Metz où il vient d’être muté. Un douloureux changement pour elle qui aime tant la mer et sa famille. Elle se retrouve dans l’Est, enceinte et sans travail, coupée de tout. Lorsqu’elle réussit à trouver un poste à Nancy, son prince charmant commence à changer de visage.
Avec « La guerre est déclarée », « L’amour et les forêts » est le meilleur film de Valérie Donzelli. Elle s’est inspirée du roman éponyme d’Eric Reinhardt que je n’ai pas lu. La réalisatrice joue avec le spectateur au début du film, nous entrainant sur des fausses pistes cinématographiques (Jacques Demy notamment est très présent). Mais c’est bien un thriller que nous avons sous les yeux et qui nous raconte l’histoire d’une emprise. Grégoire veut Blanche pour lui tout seul et l’enferme progressivement. Le film devient de plus en plus oppressant, sombre et brutal. Virginie Efira et Melvil Poupaud nous offrent deux remarquables prestations : elle tour à tour fragile et déterminée, lui totalement Dr Jekyll et Mr Hyde. « L’amour et les forêts » aurait sans doute mérité d’être en compétition à Cannes tant il est saisissant.

Un jeune procureur arrive dans une bourgade rurale d’Anatolie. Il est scrupuleux, extrêmement respectueux des lois. Mais rapidement, il va se heurter aux édiles locaux et aux traditions archaïques. Le divertissement préféré des habitants est la chasse au sanglier. Les hommes, lourdement armés, poursuivent la traque dans la ville et finissent par trainer dans les rues la carcasse ensanglantée. Le procureur rappelle le maire à l’ordre, lui indiquant l’interdiction de tirer près des habitations. Voulant mieux lui faire comprendre les mœurs du coin, le maire invite le procureur à diner chez lui. Le jeune homme finit par accepter mais il se rend compte qu’il est tombé dans un piège.
« Burning days » est un formidable thriller politique, maîtrisé et tendu. L’ambiance du village est lourde : corruption, exploitation du problème de l’eau à des fins électorales, terrains qui s’effondrent, homophobie. Le procureur voudrait remettre de l’ordre dans tout ça, mais, à part un journaliste, il ne trouve aucun soutien. Le film devient de plus en plus étouffant, oppressant. Le piège se referme peu à peu autour du procureur. Il est acculé mais ne cède rien sur ses principes. La tension entre lui et les habitants s’achève dans une incroyable chasse à l’homme dans les rues de la ville. Intense, remarquablement prenant, « Burning days » est une réussite qui ne donne pas envie de passer ses prochaines vacances dans l’Anatolie rurale.
Et sinon :
- « Showing up » de Kelly Reichardt : A Portland, Lizzie est une sculptrice qui travaille à temps partiel dans l’école d’arts plastiques dirigée par sa mère. La quarantenaire prépare une exposition et le quotidien semble sans cesse perturber sa concentration : absence d’eau chaude dans son logement, les problèmes psychologiques de son frère ou son père qui se laisse envahir par des squatteurs. Tout concourt à rendre Lizzie de plus en plus maussade. Le nouveau film de Kelly Reichardt se laisse regarder sans réel déplaisir mais le fil de l’intrigue est bien mince. Comment le réel, les choses du quotidien perturbent et enrichissent l’univers d’un artiste ? Rien à reprocher à Michelle Williams qui incarne Lizzie, femme perpétuellement renfrognée et irritée. Le film est très contemplatif, tellement qu’il en frôle l’ennui en permanence. Sa singularité aurait pu me séduire mais je suis restée extérieure à l’histoire.
- « Le cours de la vie » de Frédéric Soucher : Noémie, scénariste, a été invitée à Toulouse pour parler de son métier à l’Ecole nationale supérieure de l’audiovisuel. Elle a été contactée par son directeur, Vincent, qu’elle a connu dans sa jeunesse. Le film de Frédéric Soucher est la master-class elle-même, quasiment en temps réel. Au-delà de la leçon d’écriture, filmée presque en amateur, nous croisons les élèves de l’école, leurs histoires s’esquissent par de courtes scènes. Le cinéma et la vie s’entremêlent, la conférence réveille des émotions, des souvenirs chez Noémie et Vincent. Ce qui les lie finira par toucher le spectateur, par l’émouvoir. Une histoire manquée emprunte de mélancolie.
- « Le principal » de Chad Chenouga : Sabri Lahlahi est adjoint à la principale d’un collège de province. Venant d’un milieu défavorisé, il a travaillé dur pour en arriver là. Il est très exigeant envers lui-même mais également avec ceux qui l’entourent. Sa rigueur frôle parfois l’intransigeance. Il attend beaucoup de son fils qu’il espère voir intégrer un lycée prestigieux. Il s’inquiète démesurément lorsque les épreuves du brevet débutent. C’est là qu’il commet une faute grave. J’avais envie d’écrire que la faute commise par Sabri était la plus stupide et improbable de tous les temps mais le réalisateur s’est inspiré d’une histoire vraie. Et c’est peut-être d’autant plus signifiant pour le personnage qu’il se mette en danger inutilement. Ce qui est intéressant dans le film, c’est le portrait d’un transfuge de classe qui inconsciemment s’empêche d’aller au bout de son ambition professionnelle. Le film reste très classique, sans beaucoup de surprise mais il faut saluer la prestation de Roschdy Zem, toujours convaincant, dans le rôle de cet homme moins sûr de lui qu’il n’y parait.
- « Omar la fraise » d’Elias Belkeddar : Omar, dit la fraise, a été contraint de quitter la France, où il est poursuivi par la justice, pour Alger. Roger, son ami fidèle, l’a suivi et il veut l’aider à renouer avec ses racines. Les deux hommes occupent une immense villa avec vue sur la mer, à moitié vide. Ils y tuent l’ennui avec l’alcool et la drogue. Omar veut reprendre les trafics qui l’ont pourtant obligé à changer de vie. Roger veut gagner beaucoup d’argent mais de manière légale. Il n’a aucune envie de voir son ami extradé en France et enfermé pour vingt ans. Le premier film d’Elias Belkeddar vaut pour ce formidable couple de truands flamboyants et tape-à-l’oeil. La profonde amitié qui les lie apporte de la tendresse à ce film. Benoit Magimel et Reda Kateb y sont pour beaucoup, leur complicité crève l’écran. Le réalisateur nous offre également de formidables scènes comme celle de la course poursuite à travers les ruelles d’Alger au début du film, ou celle de la boite de nuit où nos compères s’énervent sans aucune raison. On pense alors à Tarantino ou à certains personnages de Scorsese. Tout n’est pas parfait dans ce premier film mais on y sent un vrai plaisir à le réaliser et à le jouer pour ses deux acteurs principaux.
Joli bilan culturel !
Beau bilan ! Bon mois anglais en juin 🙂