Alors qu’Anna Thalberg attise le feu dans la cheminée, des hommes pénètrent brutalement dans sa chaumière et l’emmènent de force. Un mandat d’arrêt, signé de l’évêque, leur permet de la jeter dans une charrette pour l’enfermer ensuite à la prison de Wurtzbourg. Anna Thalberg est accusée de sorcellerie, sa voisine l’a dénoncée. Lorsqu’il revient chez lui, son mari, Klaus, découvre avec horreur ce qui est arrivé à Anna. Avec l’aide du curé du village, il tente désespérément de faire libérer sa femme. Mais l’examinateur Melchior Vogel n’est pas de ceux qui changent d’avis. Ceux qui rentrent dans la prison de Wurtzbourg n’en ressortent que pour le bûcher.
« Anna Thalberg » est le fantastique et singulier premier roman d’Eduardo Sangarcia. L’auteur a choisi une forme originale : sans majuscule et sans point. Et pour les échanges entre Anna et le confesseur de sorcières, les dialogues et les pensées des deux protagonistes se font face sur une même page. Ces choix stylistiques et narratifs donnent beaucoup de force au texte qui en devient totalement immersif. Eduardo Sangarcia s’est inspirée de la terrible chasse aux sorcières de Wurtzbourg qui eu lieu entre le XVIème et le XVIIème siècle. Toutes les personnes arrêtées alors furent torturées et brûlées. C’est également ce qui arrive à Anna qui subit les pures sévices sans jamais céder, sans jamais se reconnaître coupable. Elle est belle, rousse, venant d’un autre village et son mariage est heureux. Il n’en faut pas plus pour déclencher la jalousie et la rancœur. L’absurdité de l’accusation, l’obstination cruelle de Vogel, les scènes de tortures nous glacent le sang. Encore une fois, le pouvoir et la religion veulent soumettre et dominer les femmes. Eduardo Sangarcia rend ce drame saisissant.
« Anna Thalberg » est une grande réussite : un texte oppressant, envoûtant qu’il est difficile de lâcher. Anna Thalberg est un personnage puissant malgré son emprisonnement, et je ne risque pas de l’oublier.
Traduction Marianne Millon