Portraits à la cour des Médicis au musée Jacquemart-André

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Le musée Jacquemart-André met à l’honneur le portrait à la cour des Médicis et plus précisément ceux peints par les artistes maniéristes comme Pontormo, Andrea del Sarto, Bronzino ou Salviati. Petit rappel sur ce mouvement artistique peu connu : le maniérisme suit la Renaissance et commence aux alentours de 1520. C’est un mouvement anti-naturaliste, qui pousse à l’excès les choix esthétiques de Raphaël mais surtout de Michel Ange ce qui se traduit par des figures allongées, des couleurs saturées et des poses tourmentées.

bronzinoPortrait de dame en rouge-Bronzino-1532-35

L’exposition montre la correspondance entre l’Histoire et l’évolution du portrait mais également son développement à la cour des Médicis à partir de 1539, date du mariage de Cosme Ier et d’Éléonore de Tolède.  L’Histoire de Florence est à l’époque des plus mouvementée. L’exposition débute avec la 1ère République (1494). Le symbole de cette période est le moine Savonarole dont le portrait est présent dans l’exposition. Dominicain et grand prédicateur, il fit régner une terreur morale sur la ville et fut la cause de la disparition d’un grand nombre d’œuvres d’art notamment de Botticelli qui suivait ses préceptes à la lettre et brûla une partie de son travail. Les portraits aux couleurs sombres de la première salle soulignent bien l’austérité et la gravité  imposées par Savonarole.

savonarola_imagePortrait de Savonarole-Fra Bartolomeo-1498

La deuxième salle montre que le portrait servait de propagande et était porteur d’un projet politique. C’est le moment d’un bref retour de la famille Médicis à la tête de la ville, elle cherche à glorifier ses ancêtres, son passé par des portraits et particulièrement de personnages héroïques, en armure. La famille ne revient véritablement qu’en 1530 (en 1527, une deuxième République est instaurée) avec Alexandre puis Cosme Ier qui aura besoin du portrait pour asseoir son autorité. Il est en effet issu d’une branche secondaire de la famille.

06_-_salviati_-_portrait_de_jean_des_bandes_noiresPortrait de Jean des Bandes Noires (père de Cosme)-Salviati-1546-48

La suite de l’exposition montre la mise en place d’une cour et du développement de riches portraits d’apparat.  Ils sont également le moyen d’affirmer la dynastie avec des portraits des héritiers. Le peintre emblématique de cette période est Bronzino qui réalise de nombreux portraits de Cosme, de sa femme et de leurs enfants. Ces portraits affirment le pouvoir et l’essor du Grand Duché de Toscane.  Les portraits témoignent également de la volonté de mécène de Cosme et de la culture raffinée de sa cour. Cosme fut mécène des académies des belles-lettres et fondateur avec Vasari de l’Académie des arts et du dessin. Sont présents dans l’exposition, deux portraits inspirés par les poèmes de Pétrarque et plusieurs de musiciens (de luth principalement).

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La dernière salle est consacrée à de grands portraits officiels, des portraits d’état comme celui de Marie de Médicis par Santi di Tito. Ces portraits sont plus tardifs, ils datent de la fin du 16ème/début 17ème siècle. Ils n’ont plus rien de maniériste et se tournent vers le naturalisme, l’allégorie. Beaucoup plus froids, hiératiques et impersonnels, ces grands portraits ont l’avantage de montrer l’originalité, la fantaisie  du maniérisme à défaut de plaire à l’œil.

Même si je suis restée quelque peu sur ma faim, « Portraits à la cour des Médicis » a le mérite de mettre en lumière un mouvement artistique peu connu en France et donne à voir les différentes significations que pouvait avoir le portrait au 16ème siècle.

Challenge Lart dans tous ses états 2015

La vie en couleurs – Jacques-Henri Lartigue à la MEP

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La Maison Européenne de la Photographie nous propose de découvrir un pan inconnu de l’œuvre du photographe Jacques-Henri Lartigue avec sa production en couleurs. Environ 120 photos sont présentées pour la première fois au public. Bien que représentant plus d’un tiers du travail de Lartigue, elles n’avaient jamais fait l’objet d’une exposition.

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Pourtant Jacques-Henri Lartigue s’est toujours intéressé à la photo en couleurs. Dès que les autochromes, mis en place par les frères Lumière, furent disponibles, Lartigue les utilisa. Les premiers datent des années 20 et montrent la jeunesse dorée de l’artiste, des scènes familiales joyeuses et pleine de vie. Sa première femme, Bibi, est également très présente dans des prises de vue particulièrement élégantes.

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Dès les premières photos en couleurs, la nécessité à photographier de Jacques-Henri Lartigue est très claire. La photo n’est au départ qu’un loisir (Lartigue vit en effet de sa peinture) et elle lui sert à capturer le temps, à saisir les souvenirs. Toute sa vie, il consigne les moindres les détails de sa vie au travers de calendrier où il note voyages et rencontres, d’un journal (7000 pages) et d’albums de ses photos (135).

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Il revient à la couleur dans les années 50 avec une nouvelle muse : sa troisième femme Florette. Elle est présente dans un grand nombre des clichés exposés à la Mep. Ce qui frappe, c’est encore une fois la joie qui se dégage de ces clichés aux couleurs vives et lumineuses. Jacques-Henri Lartigue était un grand obsessionnel (des motifs reviennent très fréquemment : coquelicots, vallée d’Opio, ses femmes, la météo et les saisons), mais son œuvre en couleurs est profondément joyeuse, plein des petits bonheurs du quotidien et de l’émerveillement sans cesse renouvelé de l’artiste. « Le paradis n’est pas perdu parce que le moindre champ d’herbe ou de coquelicots m’enchante. Le paradis est partout mais on ne le voit pas. »

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Il faut voir cette splendide exposition de la Mep qui permet de redécouvrir l’œuvre de Jacques-Henri Lartigue sous l’œil de la couleur et de souligner sa formidable modernité.

Exposition les Tudors au musée du Luxembourg

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La dynastie des Tudors (1485-1603) est mise à l’honneur au musée du Luxembourg. Une famille importante dans l’histoire de l’Angleterre puisque chacun de ses membres y laissa une forte empreinte. Le fondateur de la dynastie, Henri VII, mit fin à la guerre des deux roses, guerre civile qui divisa le pays pendant trente ans. Henri VIII amorça le passage de l’Angleterre au protestantisme afin de pouvoir divorcer de Catherine d’Aragon. Il apporta également la Renaissance à l’Angleterre. C’est son fils Edouard VI qui fit du protestantisme la religion d’état. Mary Ire, dite Bloody Mary, revint sur la décision de son demi-frère pour revenir au catholicisme. Quand Elizabeth Ière monta sur le trône, elle installa définitivement l’anglicanisme et donna au pays une période faste politiquement et culturellement.

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C’est à travers les portraits de chacun de ses souverains que le musée du Luxembourg se propose de nous faire découvrir cette dynastie. La présentation de l’exposition se fait chronologiquement, une section par roi ou reine. Outre la superbe des portraits présentés, l’exposition souligne bien tous les enjeux du portrait à cette époque. C’est un outil du pouvoir qui montre la puissance, la richesse du souverain. Le portrait grandeur nature de Henri VIII, copie d’une peinture murale de Hans Holbein, le montre parfaitement bien. Les portraits pouvaient être envoyés à un autre monarque pour sceller un traité, une alliance. Le portrait de Henri VIII de Joos Van Cleve répond à la réception par le roi anglais d’un portrait de François Ier par le même peintre. Les deux portraits sont présents au musée du Luxembourg et montrent bien toute la rivalité entre les deux hommes. Henri VIII, par son portrait plus grand, cherche à impressionner le français, à lui montrer sa suprématie.

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Le portrait pouvait également être le prélude à des noces royales, on le voit dans l’exposition avec les miniatures d’Anne de Clèves envoyées à Henri VIII. Ce dernier découvrit à ses dépens que ce genre d’œuvres peut être très mensonger.

Anne de Clèves

Les portraits d’Elizabeth sont les plus nombreux et les plus beaux de l’exposition. Elle s’en servait comme de véritables outils de propagande politique qui célébraient un évènement comme celui de l’Armada ou la célébraient elle-même en tant que souveraine accomplie. C’est le cas du magnifique portrait anonyme la représentant le jour de son couronnement. Le tableau fut peint à la fin de son règne. Son visage est clairement idéalisé et ses atours, vêtement et bijoux, sont grandioses. Comme le dit très justement l’audioguide de l’exposition, ce portrait donne « une aura d’éternité » à Elizabeth Ière.

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L’exposition souligne également, au début et à la fin, la postérité de cette famille de légende qui fascina et fascine toujours. De nombreux artistes s’inspirèrent de son histoire notamment en France au XIXème avec des peintres troubadours comme Edouard Cibot, Camille Saint Saëns qui compose un opéra autour de la pièce de Shakespeare consacrée à Henri VIII, Victor Hugo avec deux pièces de théâtre. A notre époque, Elizabeth fut l’objet d’une biographie par le biais de deux films. La robe du couronnement, portée par Cate Blanchett dans le film, ouvre l’exposition. Une série, assez mauvaise, avait également mis les Tudors à l’honneur.

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L’exposition du musée du Luxembourg est parfaitement cohérente, la circulation y est agréable et fluide. Les portraits exposés sont parfaitement bien choisis et reflètent les différentes fonctions du portrait à cette époque. Je vous la recommande chaudement si vous vous intéressez à cette époque. La qualité des portraits vaut véritablement le détour.

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Au temps de Klimt-La sécession à Vienne

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Le titre de l’exposition de la pinacothèque est essentiel à la compréhension, voire à l’appréciation de ce qu’elle renferme : « Au temps de Klimt – la Sécession à Vienne ». Bien évidemment, l’affiche peut tromper ou laisser espérer que Gustave Klimt sera largement à l’honneur. « Judith » est néanmoins bien l’œuvre phare de cette exposition et le travail de Klimt est représenté par une vingtaine d’œuvres (1/10ème de l’expo).

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La pinacothèque expose donc des œuvres allant des prémices de la Sécession à sa fin avec les débuts de l’Expressionnisme et le travail de Egon Schiele, Oscar Kokoschka et Koloman Moser. Le début de l’exposition recontextualise le mouvement artistique à naître. Vienne est alors une ville prospère, fleurissante et cosmopolite. L’art est essentiellement académique et on peut le constater dans les premières œuvres de Klimt et de son frère Ernst. De jeunes artistes viennois comme Carl Moll ou Josef Engelhart se frottent à l’art des Impressionnistes en venant à Paris et découvrent la modernité. Klimt abandonne l’académisme lorsque son œuvre « Philosophie, médecine et jurisprudence », destinée à l’université de Vienne, est rejetée et vertement décriée.

Engelhart-café-parisien-1891Josef Engelhart-Café parisien

C’est ainsi qu’en 1897, un groupe d’artistes se regroupe autour de Klimt pour former la Sécession dont la devise est « À chaque époque son art. À l’art sa liberté. » Comme l’art nouveau, la volonté première de la Sécession est l’art total, l’art partout et dans les moindres détails. Et l’exposition montre bien que tous les domaines artistiques participent à ce mouvement. On peut y voir du mobilier et des bijoux signés Hoffman, des photos des architectures de Otto Wagner, des céramiques créées par les ateliers des Wiener Werkstätte et l’art décoratif est mis à l’honneur avec le fac-similé de la fresque de Beethoven. Une œuvre inspirée de la 9ème symphonie et qui annonce la période dorée de Klimt. Les femmes, fragiles et fatales, occupent une importante section,  ainsi que les paysages et les portraits qui clôturent l’exposition.

josef-hoffmann-conception-broche-modele-c4d8-diaporamaJosef Hoffman-Broche, 1905

L’intérêt de l’exposition de la Pinacothèque est de montrer le bouillonnement, l’émulation des artistes de la Sécession viennoise. Les œuvres de Klimt présentées nous montrent les différents visages de l’artiste et sont différentes de celles qui étaient à l’exposition « Vienne 1900 » du Grand Palais. J’ai eu la chance de voir l’exposition dans de bonnes conditions mais il semble que la foule ait envahi les salles depuis. Une exposition à voir si l’on cherche à revenir aux fondements de ce beau mouvement artistique qu’est la Sécession.

 carl-moll-bosquet-bouleaux-a383-diaporamaCarl Moll-Bosquet de bouleaux

François Truffaut à la cinémathèque

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 La cinémathèque française nous propose une belle exposition consacrée à François Truffaut jusqu’à la fin du mois de janvier. Cet évènement vient célébrer le trentième anniversaire du réalisateur mort en 1984 à l’âge de 52 ans. L’exposition montre parfaitement la passion totale qu’avait François Truffaut pour le cinéma. Il fut un spectateur assidu, un critique féroce, un réalisateur (21 films et quelques courts métrages) et un acteur (« L’enfant sauvage », « La nuit américaine » ou encore « Rencontres du troisième type » de Spielberg). Sa vie entière est un hymne au cinéma. On le sait également hommes de lettres, nombre de ses films furent tirés de romans (« Jules et Jim », « Les deux anglaises et le continent », « Tirez sur le pianiste » par exemple). L’exposition présente de très nombreux documents : extraits de films, scenarii annotés, photographies, lettres ou textes concernant son travail, costumes, etc… François Truffaut gardait tout !

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Son amour du cinéma naît très tôt, dès l’enfance. Une section de l’exposition est consacrée à cette partie essentielle de la vie de Truffaut et qui occupera un grand nombre de ses films (« Les 400 coups », « L’enfant sauvage », « Les mistons » ou « L’argent de poche »). François Truffaut faisait l’école buissonnière avec son camarade Robert Lachenay pour aller au cinéma. Il a conservé de cette époque des programmes de cinéma, ses carnets où il notait les films qu’il voyait. Les deux compères fondèrent un ciné-club mais les dettes s’accumulèrent rapidement. C’est pour cette raison que Truffaut fût envoyé en camp de redressement comme le jeune Antoine Doinel dans « Les 400 coups ».

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La section suivante est consacré au travail de critique de cinéma dans l’hebdomadaire Arts et surtout dans les Cahiers du cinéma. Comme toujours, Truffaut fut précoce et écrivit une centaine de critiques entre 1953 et 1968. Son livre d’entretiens avec Alfred Hitchcock date de 1966. L’article de Truffaut sur le cinéma français des années 40 qualifié de « cinéma de papa » fit grand bruit et on le considère comme fondateur du mouvement de la nouvelle vague.

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En 1957, François Truffaut créa les films du carrosse (en hommage à Jean Renoir), sa maison de production qui lui permit de réaliser son premier court métrage et surtout son premier film « Les 400 coups ». Le succès est immédiat et il obtint en 1959 le prix de la mise en scène à Cannes à l’âge de 27 ans. « Les 400 coups » est le premier film d’une série de 4 films et un court métrage dans un film à sketches. Une large section de l’exposition est bien entendu consacrée à ce travail unique dans l’histoire du cinéma et s’intitule « L’éducation sentimentale ». Pendant 20 ans, on voit grandir le personnage d’Antoine Doinel (magnifiquement interprété par Jean-pierre Léaud mais faut-il le rappeler?) : de son enfance malheureuse à ses nombreux déboires et hésitations sentimentaux.

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Dans le même esprit, la salle suivante est consacrée à la passion amoureuse qui occupe de manière centrale les films du réalisateur. François Truffaut aimait passionnément les femmes et ses actrices. Cet amour inconditionnel et sans limite est visible dans des films comme « La femme d’à côté », « La peau douce » ou « L’homme qui aimait les femmes ». Dans « Adèle H », c’est l’héroïne qui devient folle d’amour à cause d’un beau lieutenant.

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La fin de l’exposition est dédié aux prix, hommages et pérennité du travail du réalisateur.

L’exposition de la cinémathèque est très riche et extrêmement bien documentée. Y transparait parfaitement la passion entière de Truffaut pour le cinéma. Dans mon cas, cette exposition restera teintée d’émotion car le jour où je l’ai visitée avait lieu une visite présidentielle. Accompagnant le président de la République et le directeur de la cinémathèque, Jean-Pierre Léaud, incarnation vivante et presque fantomatique du travail de François Truffaut.

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Mr Turner

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Les dernières années de la vie de John Mallord William Turner (1775-1851) sont actuellement à l’honneur avec l’exposition de la Tate Britain et le film de Mike Leigh sorti la semaine dernière en France.

L’exposition de la Tate porte sur les années 1835-1851. Les seize dernières années de la vie de Turner sont celles où son travail est le plus audacieux. Ces œuvres vont très loin dans l’innovation picturale, elles vont à la limite de l’abstraction. Turner travaille aussi bien la forme que le fond. Une salle entière est consacrée aux petits formats carrés, octogonaux ou ronds créés à cette époque. Ce type de format est inhabituel à l’époque et c’est dans cette série que Turner lâche le plus sa touche et explore son art.

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Le travail de Turner est à l’époque très mal reçu par la critique. On pense qu’il devient aveugle ou qu’il perd la tête. Ses tentatives picturales détonnent par rapport aux autres œuvres exposées à la Royal Academy.

snow_storm_steam_boat_off_a_harbour_s_mouthSnow storm-Steam boat off a Harbour’s mouth

Malgré ses innovations, Turner a toujours voulu exposer à la Royal Academy, il le fit d’ailleurs jusqu’en 1850. Loin de lui l’idée de sortir du sérail, sa peinture s’inscrit dans une tradition picturale directement venue de Le Lorrain. Ses toiles sont imprégnées de culture classique, ses thèmes sont empruntés à la mythologie, à Shakespeare ou à l’histoire récente.

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La grande affaire de Turner restera tout au long de sa vie la mer, la nature. Sa fascination pour la mer semble s’accentuer avec l’âge. Il fait de très nombreux séjours à Margate, dans le Kent, où il rencontre Mrs Booth avec qui il finit sa vie. Toute son attention se porte sur la manière de rendre les phénomènes naturels, la lumière du bord de mer. Il continue à beaucoup voyager jusqu’à la fin de sa vie. L’exposition présente une série magnifique d’aquarelles de ses derniers voyages notamment en Suisse.

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Le film de Mike Leigh est un parfait complément à l’exposition de la Tate Britain et il en est même une illustration. Le film se concentre sur les vingt cinq dernières années de Turner.

Mike Leigh nous dépeint un personne peu aimable, perpétuellement en train de grogner et peu séduisant. Il montre également très bien le fossé qui se creuse entre les membres de la Royal Academy et Turner dont le travail les dépasse. Même le fervent Ruskin finit par le lâcher.

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Ce que montre admirablement le film, c’est un homme habité par son art. Turner ne sort jamais sans son matériel à dessin ou à aquarelles. Chaque sortie est un prétexte pour dessiner. Une des scènes montre Turner accroché au mât d’un bateau en pleine tempête de neige. Cela fait partie du mythe du peintre mais elle montre bien son extrême fascination pour les éléments naturels.

Timothy Spall n’a pas volé son prix d’interprétation à Cannes, il est un parfait Turner. Grimaçant, bourru, il laisse échapper de l’émotion par petites touches comme dans la scène où le peintre chante du Purcell. La reconstitution de l’Angleterre du 19ème siècle est très réussie, on y voit les débuts de l’industrialisation qui intéressèrent tant le peintre. Mike Leigh a utilisé les mêmes tonalités pour ses paysages que la palette de Turner, un bel hommage esthétique au travail du peintre.

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Une exposition, un film pour célébrer l’immense talent de JMW Turner, peintre précurseur qui inspira les impressionnistes et qui nous entraine dans un tourbillon pictural de couleurs et de sensations.

Michael Kenna, Paris au musée Carnavalet

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Michael Kenna est un photographe anglais qui fit à plusieurs reprises des donations au musée Carnavalet. A l’occasion de l’une d’elle et de la sortie d’un livre sur la France, le musée nous propose une exposition d’une cinquantaine de ses œuvres consacrées à Paris.

Les photographies de Michael Kenna sont exclusivement en noir et blanc et les tirages sont extrêmement travaillés, fins. Ce sont toujours de petits formats.

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L’homme n’apparait jamais sur les photos. Michael Kenna présente une ville de Paris mystérieuse, fantomatique. Une capitale qui semble du coup totalement hors du temps, rien n’indique l’époque à laquelle les photos ont été prises. D’ailleurs l’artiste parcourt la ville depuis une trentaine d’années et il est impossible de classer chronologiquement les photographies exposées au musée Carnavalet.

Michael Kenna a des motifs favoris : les ponts qui permettent les jeux de reflets et qui sont des traces du travail des hommes ; la tour Eiffel le symbole absolu de Paris que le photographe montre sous toutes ses coutures.

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Les œuvres de Michael Kenna sont extrêmement graphiques, les contrastes entre ombre et lumière sont accentués. Les cadrages sont bien entendu très soignés, très étudiés. Les poses sont longues, ces photographies sont loin de l’esthétique instantanée d’Henri Cartier-Bresson ou de Christopher Eggleston.

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Les photographies épurées de Michael Kenna sont empruntes de poésie, d’intemporalité. La ville de Paris est magnifiée par la qualité des cadrages et des tirages du photographe anglais. N’hésitez pas à y aller, l’exposition est en effet gratuite puisqu’elle est mélangée aux collections permanentes du beau musée Carnavalet.

William Eggleston, from black and white to color

Le photographe américain William Eggleston est à l’honneur à la Fondation Cartier-Bresson. L’exposition met en valeur son passage du noir et blanc à la couleur. Par ce changement, Eggleston rompt avec la tradition photographique et créa un véritable séisme dans ce milieu. Mais ce passage à la couleur n’est pas la seule transgression du photographe.

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William Eggleston s’intéresse à ce qui l’entoure, au quotidien des gens. Il cherche des territoires nouveaux, inexplorés par la photographie. Il les trouve dans les supermarchés, d’ailleurs sa première photo en couleur est « Supermarket boy with carts » en 1965. Un simple employé de supermarché est au cœur de la photo. La couleur s’impose à lui naturellement, après tout le monde qui nous entoure n’est pas en noir et blanc. Par la suite, Eggleston continue à explorer la banalité du quotidien, le trivial dans des lieux ordinaires comme les bars, les drive-in, les stations essence ou les hôtels mais aussi par le biais des objets comme une tv, un lavabo ou un four. La couleur donne un côté abrupt, un fort réalisme à ces objets du quotidien qui illustrent pour Eggleston l’aliénation de notre monde contemporain.

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Les clichés de Eggleston sont emprunts d’une forte mélancolie. Ils représentent des personnes seules, des objets que l’on vient de laisser, des lieux abandonnés à la décrépitude avancée. La présence de l’homme se sent partout, elle est fantomatique. Le temps semble s’être arrêté dans les images de William Eggleston.

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Ce qui fait également l’originalité de l’œuvre du photographe, ce sont les compositions de ses photos. Il aime à changer de points de vue et en adopte d’audacieux. Nous nous retrouvons au niveau des roues d’une voiture, d’un chien ou carrément au plafond ! Les cadrages sont donc travaillés mais les clichés de Eggleston donnent une impression de spontanéité, ce sont presque des instantanés.

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William Eggleston, qui aura passé sa vie à prendre en photos le Sud des États-Unis où il vit toujours, est un artiste intrigant et passionnant. J’ai découvert grâce à cette exposition une œuvre originale par ses points de vue et par sa manière de traiter le quotidien de ses contemporains. J’espère vous avoir donné envie d’aller faire un tour dans ce beau lieu qu’est la Fondation Cartier-Bresson.

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Huit jours à New York de Julien Coquentin

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 Lors du Festival America, j’avais pu admirer les photos de Julien Coquentin qui étaient exposées à côté de l’Hôtel de Ville de Vincennes. Y étaient présentées deux séries : « Huit jours à New York » et « Tôt un dimanche matin » à Montréal.  Les ayant vantées à droite à gauche, mes amis m’ont offert son recueil consacré à New York. Le photographe a donc passé huit jours à New York et il en compose « une esquisse » à travers ses clichés.

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Le recueil de photos est un petit volume dans lequel transparaît bien l’atmosphère de la ville. New York est une ville iconique, à moult reprises photographiée et tout un chacun est capable de l’identifier qu’il y soit allé ou non. Et je ne cesserai jamais de m’émerveiller devant l’incroyable photogénie de cette ville. Peut-être est-ce parce que je rêve d’y aller depuis bien longtemps. New York est, en effet, solidement ancrée dans mon imaginaire littéraire et cinématographique.

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Pourquoi vous parler du travail de Julien Coquentin puisqu’il y a tant de photos sur the big apple ? Tout d’abord j’ai été frappée par son sens du cadrage qui nous donne à voir les choses sous un angle différent. Je trouve la première photo illustrant mon billet très parlante quant à cet aspect. Ensuite, j’ai été séduite par les couleurs des clichés. L’œil est toujours attirée par des tâches, des zones de couleurs vives contrastant avec des environnements plus sombres ou plus ternes ce qui donne un éclat particulier à chaque photo. Celle qui est juste au-dessus est ma préférée : les immeubles et le ciel se fondent dans une harmonie de gris/beige et se détache ce grand arbre verdoyant perpendiculaire au store rouge. En grand format à Vincennes, cette image était sublime (Delphine peut en témoigner, je me suis extasiée tous les jours du festival en passant devant !).

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Ce qui m’a également plu, c’est la proximité créée avec le spectateur. Ce ne sont pas des visions écrasantes de New York mais plutôt des scènes de la vie quotidienne, des moments de vie immortalisés lors d’une flânerie dans la ville. Le spectateur est au cœur de New York parmi ceux qui y vivent. Ces photos donnent presque un côté plus humain à cette mégalopole.

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Je ne me lasse pas de regarder ce recueil de photos et si celles-ci vous ont plu, n’hésitez pas à faire un tour sur le site de Julien Coquentin qui présente son travail, la série sur Montréal est également particulièrement réussie.

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Il était une fois l’Orient Express à l’Institut du Monde Arabe

 

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L’Institut du Monde Arabe propose une exposition originale aux parisiens consacrée au fameux Orient Express. Elle se passe en deux temps avec, sur le parvis, une locomotive et des wagons, puis elle se poursuit dans les salles de l’IMA.

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Le voyage inaugural de l’Orient Express eut lieu le 4 octobre 1883. Le train reliait Paris à Istanbul en trois jours et deux nuits. Il fut inventé par Georges Nagelmackers pour contrer les trains Pullman qui voulaient s’installer en Europe. Il proposa à ses clients ce que Pullman n’offrait pas : l’intimité et le luxe. Au contraire des dortoirs des trains américains, Nagelmackers créa des cabines se transformant en couchette et que l’on pouvait fermer à clef. Cette possibilité débride bien entendu les fantasmes et l’imagination des écrivains. L’Orient Express est un décor rêvé pour la fiction.

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Les wagons et les objets rassemblés à l’occasion de cette exposition nous montrent le luxe infini des cabines avec incrustation de pâte de verre signées Lalique, des boiseries, de la porcelaine de Gien… Nagelmackers soignaient sa clientèle et était un excellent communiquant d’où le succès immédiat de son train.

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L’Orient Express, c’est également l’histoire des relations entre Occident et Orient. Au XIXème en France se développe la mode de l’Orientalisme chez Ingres ou Delacroix par exemple. C’est bien évidemment un Orient totalement fantasmé et les voyages à bord de l’Orient Express vont confronter les occidentaux à la réalité. Le tourisme de masse se développe grâce à ce train, ce que déplorait Pierre Loti. Il tourne beaucoup autour des découvertes archéologiques par exemple en Égypte. Notre chère Agatha Christie empruntait régulièrement l’Orient Express pour rejoindre son mari archéologue en Irak. L’Orient s’ouvrait à l’Occident, le monde semblait s’élargir.

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La muséographie de cette exposition est très inventive et réussie. J’ai une préférence pour les wagons où les cabines et salons sont reconstitués et mettent en valeur une ambiance, un écrivain. Les salles comportent de nombreux objets, des anciennes affiches, des cartes, des projections. Une riche iconographie qui invite au voyage.

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Une exposition intéressante et à la scénographie attrayante qui vous emmène dans l’Orient fantasmé et réel du XIXème. Vous avez jusqu’au 31 août pour embarquer !