Les hommes manquent de courage de Mathieu Palain

Palain

Jessie a 43 ans, est prof de maths, mère de deux enfants et elle perd pied. Son fils ainé, Marco, âgé de 15 ans a disparu depuis trois jours et risque l’expulsion du lycée où travaille sa mère. Le proviseur veut prévenir les services sociaux. Jessie n’arrive plus à comprendre son fils. Le jeune homme finit par appeler sa mère un soir, il est à une fête avec sa copine et il demande à sa mère de venir le chercher en urgence. Une très longue nuit commence pour Jessie et son fils.

Mathieu Palain s’est glissé dans la peau de Jessie en s’inspirant de l’histoire véritable d’une femme qui l’avait choisi comme confident. Le journaliste et romancier avait réalisé un podcast sur les hommes violents sur France Culture et il revient sur ce sujet en se plaçant du côté d’une victime. Après avoir compris que son fils avait commis un acte inadmissible, Jessie réalise qu’elle ne lui a jamais parlé de sa vie, de la violence qu’elle a subi et qui a modifié totalement le cours de sa vie. Elle s’est perdue, a plongé dans les excès pour oublier et parce que son corps avait déjà été bafoué. Le récit de Jessie est terrible, bouleversant et très justement rendu par Mathieu Palain. Il est également question de transmission des traumatismes, de la violence et c’est ce que cherche à endiguer Jessie lorsqu’elle parle à son fils.

Avec un style très réaliste, sans fioritures, Mathieu Palain nous dévoile la vie chaotique et tourmentée d’une femme qui subit la violence des hommes depuis son adolescence. Un destin éminemment touchant et saisissant.

Célèbre de Maud Ventura

Célèbre

« Il est beaucoup question du syndrome de l’imposteur. Vivre avec l’impression de ne pas mériter ses réussites, d’avoir eu de la chance, d’être passé entre les gouttes, de voler la place de quelqu’un de plus compétent. De mon côté, je dois affronter l’angoisse inverse et inavouable : je pense que j’ai un talent fou et je me demande quand le monde entier finira par s’en rendre compte. Pour moi, l’injustice suprême serait que mon génie passe inaperçu. Je suis exceptionnelle, mais je crains que jamais il ne me soit permis d’en faire la brillante démonstration. » Cette jeune femme, à l’égo démesuré, c’est Cléo Louvent dont le seul but dans la vie est de devenir mondialement célèbre. Brillante, intelligente, totalement névrosée, elle va travailler d’arrache-pied pour réaliser son rêve et devenir la nouvelle star de la chanson. Quand elle percera, son ascension sera foudroyante.

J’avais beaucoup apprécié « Mon mari », le premier roman de Maud Ventura. J’étais donc ravie de la retrouver en cette rentrée littéraire. Et même si j’ai un petit bémol sur le roman, la lecture de « Célèbre » a été globalement réjouissant. Le point fort du roman est sa détestable héroïne. Cléo a des côtés attachants (son envie de perfection s’accompagne de terribles punitions qu’elle s’inflige) mais au fur et à mesure de la lecture, elle devient parfaitement odieuse mais uniquement dans les coulisses. Et son cynisme est jubilatoire, elle joue avec les médias, les fans, se créant un personnage sympathique et empathique. Elle connaît tous les codes pour se donner une image positive et ainsi durer dans le temps. Elle maitrise tout jusqu’à l’obsession ce qui la rapproche de la première héroïne du premier roman de Maud Ventura. Je vous laisse découvrir comment la gloire de Cléo prendra fin.

Le portrait de Cléo Louvent est féroce, le personnage est détestable à souhait ! Je pense néanmoins que le récit de son ascension s’étend un peu en longueur. Il n’en reste pas moins que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire « Célèbre ».

Nos armes de Marion Brunet

9782226471000-j

Vingt-cinq ans que Mano n’a pas vu Axelle. Dans la petite communauté où elle s’est installée, on lui a dit qu’une femme la cherchait. Cela ne peut être que son grand amour de jeunesse qui est enfin sorti de prison. Elles s’étaient rencontrées à la fin du 20ème siècle et vivaient dans un squat avec d’autres amis : Jicé, Nacer, Paola et Charly. Tous activistes d’extrême gauche, ils rêvent de changer le monde. « Ils sont en lutte, enfants en colère de cette fin de siècle, ils relèvent  chaque injustice avec la rage des condamnés. » Quand Mano se fait renvoyer du bar où elle travaillait, ils décident de ne pas laisser passer ça et cambriolent le patron. Le sentiment d’avoir vengé leur amie les galvanise. Malheureusement, ils décident de programmer une nouvelle action.

Marion Brunet nous offre à nouveau un roman percutant et engagé. Que ce soit dans la description de la jeunesse militante de ses personnages ou dans la description de la vie en prison d’Axelle, l’autrice est toujours d’une extrême justesse. La rage et la naïveté se mélangent chez les amis qui croient si fort en leurs idéaux. La violence malheureusement les rattrapera et Axelle la subira également en prison où les humiliations, les punitions seront son quotidien.

Ce qui est bouleversant dans « Nos armes », c’est la relation entre Mano et Axelle. Leur amour se vit caché et se vivra de loin, dans le souvenir et les doutes. Les deux femmes ne se verront pas pendant vingt-cinq ans et pourtant l’une et l’autre ne pensent qu’à leurs possibles retrouvailles. La pureté de leurs sentiments, la sensualité qui les lient, vibrent à chaque page.

Marion Brunet excelle à inscrire l’histoire intime de Mano et Axelle dans le climat social et politique de notre pays de la fin du 20ème au début du 21ème siècle. « Nos armes » est un roman haletant, émouvant, juste et brillamment construit.

Juliette Pommerol chez les angliches de Valentine Goby

Pommerol

Après avoir du rentrer en urgence de classe de neige car ses parents lui manquaient terriblement, Juliette Pommerol est la risée de la cour d’école. Alors quand Flavie se vante de partir en Angleterre pendant l’été dans une famille d’accueil, Juliette se précipite à la mairie pour remplir le formulaire lui permettant de faire de même. C’est ainsi qu’en juillet, Juliette prend l’eurostar pour Londres où elle sera accueillie par la famille Littlestone. « A l’intérieur, je me sentais comme un funambule débutant face au vide. L’Angleterre toute seule pendant deux semaines, c’était le gouffre sous mes pieds. Seulement je devais partir, je l’avais voulu, désormais, mon honneur en dépendait. » Heureusement ses onze peluches ont fait le voyage avec elle.

La couverture pop et colorée de ce roman jeunesse donne bien le ton de son intrigue : pétillante, joyeuse et tendre. Juliette, très attachée à sa famille, s’est lancée un défit de taille, d’autant plus que l’anglais n’est pas son point fort à l’école. Elle va découvrir de nouvelles habitudes culinaires, la ville de Londres au pas de course et même le camping dans les Highlands et ses terribles midges (ça lui apprendra à mentir sur le formulaire de la mairie). Le choc des cultures est vraiment amusant à lire. 

« Juliette Pommerol chez les Angliches » est un roman charmant, malicieux où notre jeune héroïne va franchir un pas important vers l’âge adulte. 

IMG_20240601_080655_780

De mes nouvelles de Colombe Boncenne

thumb-small_zoe_demesnouvelles

« Les espaces que j’habite sont remplis de livres. Et lorsque je me déplace il y a toujours un volume (au moins) dans ma poche, dans mon sac, dans mes bagages. Chez moi, ils agissent comme des remparts, des forteresses, trimballés, ils font office de talismans, d’amulettes. » Le lien à la littérature et à la fiction est extrêmement fort pour la narratrice de ce recueil de textes qui pourraient  presque former un roman. Cette narratrice est écrivaine et chaque nouvelle nous parle du processus créatif, de la naissance de l’inspiration. Le réel et la fiction s’entremêlent, se répondent, s’emboitent comme des matriochkas.

Je découvre Colombe Boncenne avec ce livre dont je suis ressortie enchantée. « De mes nouvelles » a quelque chose de très ludique, qui m’a réjoui, par les correspondances qui se font entre les textes. Une histoire lue au début du livre s’invente au fil d’une conversation quelques chapitres plus loin ; la narratrice farfouille dans son bureau parmi des textes que nous venons de lire. Ce dialogue entre les différents chapitres est délectable et correspond parfaitement à l’idée de la frontière ténue entre réalité et fiction. Le jeu se poursuit par des thèmes récurrents comme le brossage de dents ou la relation entre patient et analyste.

« De mes nouvelles » abordent également le sujet de l’amitié, de l’amour, de la filiation et surtout des disparus. La littérature, celle que l’on lit comme celle que l’on écrit, est un lieu où peuvent exister nos fantômes. Colombe Boncenne le démontre avec beaucoup de douceur et de tendresse.

Aussi touchantes que drôles, les nouvelles, que nous offre Colombe Boncenne, sont une merveille à lire. Merci  à Vleel pour la découverte !

Utrillo, mon fils, mon désastre selon Suzanne Valadon de Corinne Samama

9791031205892-475x500-1

1935, Suzanne Valadon est hospitalisée à l’hôpital américain après une crise d’angoisse. Elle vit un moment critique de sa vie : son mari, André Utter, l’a quittée pour une femme plus jeune et son fils, Maurice Utrillo, veut épouser la meilleure amie de sa mère. Suzanne va se retrouver seule dans son appartement-atelier de Montmartre. 

Corinne Samama prend ce moment comme point de départ à son livre, ainsi que le portrait de Maurice Utrillo peint par sa mère en 1921 et qui se trouve au musée Montmartre où son atelier a été conservé. « Utrillo, mon fils, mon désastre » est le récit du parcours de Suzanne Valadon et de la relation complexe qu’elle a eu avec son fils. Devenue mère à 18 ans, elle ne ressent aucun lien avec le bébé qu’on lui présente. Après avoir été modèle pour Renoir, Toulouse-Lautrec ou Puvis de Chavanne, Suzanne compte bien à son tour devenir une artiste et elle se forme auprès de ceux pour qui elle pose. Pas question de s’embarrasser d’un enfant qu’elle laisse à sa mère qui, elle aussi, a été fille-mère.

Et pourtant, Suzanne Valadon va aussi l’aimer profondément ce fils qui sera toujours tourmenté par les démons de l’alcool, ce qui le conduira à plusieurs reprises à l’asile. Elle initie son fils à la peinture, l’encourage à travailler sans cesse. Maurice Utrillo devient d’ailleurs plus célèbre que sa mère qui gère, avec son mari, son argent pour lui éviter de la ruine. 

Le roman de Corinne Samama souligne bien la modernité et la grande liberté de Suzanne Valadon vis-à-vis des conventions sociales de son époque. Elle eut une vie hors normes :  en s’affranchissant de ses maîtres pour affirmer son talent de peintre et en ayant une vie sentimentale mouvementée. Son œuvre originale et audacieuse est à l’image de sa vie. Un destin atypique qui sera également celui de son fils. 

« Utrillo, mon fils, mon désastre » nous replonge dans l’ambiance de la butte Montmartre à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle au cœur de la relation ambivalente de Suzanne Valadon avec son fils Maurice Utrillo. Leurs vies sont aussi passionnantes que leurs œuvres et je ne peux que vous conseiller de visiter l’atelier de Suzanne Valadon, aujourd’hui intégré au musée de Montmartre,  qui est un lieu habité. 

Hors d’atteinte de Marcia Burnier

Marcia-Burnier_Hors-datteinte_COUV-680x1086

« Mais elle sait que quelques années après son départ, quand il était entré dans sa vie, il avait fini par la convaincre qu’elle avait peur de tout, tout le temps. Peur du froid. Peur d’être seule. Peur de ne pas savoir comment faire pour vivre. Qu’elle était une chose fragile, qu’il fallait protéger, isoler et enfermer, pour éviter qu’elle se blesse. Après cinq ans passés sous l’emprise  de son compagnon, Erin a tout quitté pour se réfugier dans les Pyrénées. Dans une maison isolée, elle pose ses bagages avec sa chienne Tonnerre. Loin de tout, elle va essayer de se reconstruire notamment grâce aux randonnées en pleine nature. Elle a grandi dans les Alpes mais ne pouvait retourner en montagne en raison de sa soit disant fragilité. En raison des brimades, des remontrances, Erin est devenue peu à peu invisible. Elle doit réapprendre à se faire confiance, a effacé la peur.

Après la rage des « Orageuses », j’ai retrouvé une Marcia Burnier plus apaisée dans « Hors d’atteinte ». Comme dans son premier roman, elle traite du thème des violences faites aux femmes. Mais ici point de vengeance mais une reconstruction qui se fait lentement, au rythme de la nature qui entoure Erin. Le roman est une ode à la nature, à sa beauté qui peut émerveiller mais surtout consoler. Le personnage principal du roman retrouve des sensations oubliées et redonne toute sa place à son corps malmené. La compagnie des animaux, Tonnerre et le chat Idéfix, l’aidera également sur le chemin de la guérison. Au fur et à mesure, les flash-backs de sa vie d’avant deviennent de moins en moins présents, preuve qu’Erin se sent mieux.

Comme chez Jean-François Beauchemin, la beauté du monde, de la nature sauvage peut aider à surmonter sa peine. L’héroïne du deuxième roman de Marcia Burnier l’expérimente et nous explorons avec elle les sublimes paysages des Pyrénées. L’autrice nous offre à nouveau un très beau portrait de femme qui fuit pour mieux se retrouver.

Les orageuses de Marcia Burnier

les_orageuses-1408541-264-432

« Ce qu’elles voulaient, c’était des réparations, c’était se sentir moins vides, moins laissées-pour-compte. Elles avaient besoin de faire du bruit, de faire des vagues, que leur douleur retentisse quelque part. » Mia, Nina, Lila, Inès et Lucie ont toutes subi des violences sexuelles. Face à l’inertie et à la lenteur du système judiciaire, elles ont décidé de se faire justice. Elles veulent retrouver leurs agresseurs pour qu’ils prennent la mesure de leurs actes et ainsi reprendre confiance. Des dégâts matériels, pas physiques, mais qui laissent une trace durablement dans l’esprit des hommes qui les ont brutalisées. Il faut que la peur change de camp.

« Les orageuses » est le premier roman de Marcia Burnier et il fut également le premier livre de fiction de la collection Sorcières des éditions Cambourakis. Ce court texte est marquant, c’est un cri de rage et de colère. L’ouverture est un coup de poing puisqu’elle nous plonge dans la tête d’Inès après son agression. C’est vers Mia qu’elle se tourne ensuite. La sororité est très forte dans ce roman. Les jeunes femmes se soutiennent, se réconfortent et surtout elles se comprennent. Leur force, c’est d’être ensemble.

« Les orageuses » est bien évidemment un roman engagé qui sensibilise sur le devenir des victimes. L’empathie que l’on ressent pour les héroïnes nous permet de mieux appréhender leur questionnement sur la justice, sur les réparations (sous quelle forme ? la vengeance rabaisse-t-elle ?), sur la façon de se reconstruire et de continuer à vivre. Leurs propos sont souvent radicaux, à la hauteur de leur souffrance. Le corps a une place essentielle dans le texte, il n’oublie rien des agressions et il est le lieu de toutes les angoisses et peur. Il a autant besoin de réparation que l’esprit. Le récit est âpre mais il permet la réflexion.

« Les orageuses » est un premier roman très réussi, à l’écriture saisissante, emprunte de la rage de ses héroïnes.

Tumeur ou tutu de Léna Ghar

Tumeur ou tutu

Tumeur ou tutu (tu meurs ou tu tues) sont les deux options qui s’offrent à la narratrice pour pouvoir continuer à vivre. Depuis l’âge de trois ans, elle cherche à déterminer, à nommer son profond mal-être. Sa famille semble un modèle vue de l’extérieur. Ses parents, qu’elles surnomment Swayze et Novatchok, son demi-frère Grandoux et son petit frère Petit Prince forment en réalité une cellule familiale dysfonctionnelle. La mère est institutrice, elle adore les enfants sauf les siens qu’elle rabroue, humilie et frappe. Le père fait comme si rien ne se passait. Comment grandir, se construire dans un tel environnement ?

Léna Ghar a écrit un premier roman surprenant et singulier. L’histoire de la narratrice se fait par fragments de l’an 3 à l’an 27. Pour s’échapper, la petite fille s’invente un langage bien à elle : les surnoms des membres de sa famille, la praison pour désigner l’endroit où elle vit, les spartiates qui sont les humains qu’elle ne connaît pas, les paladins pour les proches et amis. L’autrice développe beaucoup d’inventivité pour nous plonger dans la psyché de cette enfant maltraitée.

Tout le roman est un monologue intérieur mais cette voix est parasitée par celle de la mère, brutale et odieuse, ou celle des autres membres de la famille, des amis. « Mes paladins ne gaspillent jamais leurs mots, ils ne cèdent pas à la polentase vaseuse à pleurer des spartiates. On est pareils, on n’a pas le bon neurone, on ne comprend que ce qui est irréfutable : les nombres. Je m’endors plus facilement depuis que je sais qu’en maths il n’y a qu’une seule réponse à chaque question. » Voilà une autre forme de langage qu’utilise Léna Ghar pour transcrire la voix de sa narratrice. Elle transforme le monde en équations, en problème à régler mathématiquement pour essayer de la comprendre et tenter de trouver sa place dans l’humanité.

Inventivité du langage, trouvailles formelles , tout est mis en œuvre par Léna Ghar pour nous faire ressentir la profonde blessure, le trauma d’une enfant maltraitée. « Tumeur ou tutu » est un premier roman très original et audacieux sur un sujet difficile.

L’enragé de Sorj Chalandon

sorj

1932, Jules Bonneau, quasi homonyme de l’anarchiste tué en 1912, est enfermé depuis plusieurs années à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne à Belle-Île-en-Mer. Complice d’un incendie et coupable de rébellion à agent, Jules a atterri sur l’île pour être rééduqué et rentrer dans le droit chemin. Parmi les enfants prisonniers dans cette forteresse, certains ont seulement eu la malchance d’être orphelins. Les maltraitances physiques et psychologiques sont le quotidien des enfants. Face à cela, Jules est devenu La Teigne, celui que l’on craint et qui est habité par la rage. Pour survivre aux brimades et aux violences, il faut s’endurcir, ne pas laisser aux matons le plaisir de vous voir pleurer. Jules se venge en rêve et s’imagine quitter la colonie pénitentiaire. Mais à quoi servirait-il de s’évader lorsque l’on est entouré d’eau ? « Les récifs, les courants, les tempêtes. On ne s’évade pas d’une île. On longe ses côtes à perte de vue en maudissant la mer. Même si certains ont tenté le coup.« 

La colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer, construite au départ pour enfermer les Communards, ne fut fermée qu’en 1977. C’est à sa fermeture que Sorj Chalandon apprit son existence. Lui, si attentif à l’enfance maltraitée, ne pouvait que s’intéresser à un tel lieu. C’est ainsi qu’il découvrit la mutinerie de 1934 où 56 mineurs s’étaient enfuis. 55 enfants ont été ramenés à Haute-Boulogne avec l’aide des habitants et des touristes (20 francs étaient la récompense). Toute la première partie du roman est consacrée à la vie derrière les murs de la maison de redressement et le point culminant sera la mutinerie. Sorj Chalandon est à son meilleur et le début du roman est aussi bouleversant qu’étouffant.

Dans la seconde partie, l’écrivant imagine ce qu’il est advenu du 56ème enfant évadé et non repris. Avec l’humanisme qui le caractérise, il fait en sorte que Jules Bonneau trouve enfin des personnes capables de lui tendre la main, de lui montrer que la fraternité existe. J’ai trouvé cette seconde partie moins réussie que la première qui était particulièrement forte et saisissante. J’y ai senti plus de rage et de colère, celles de Sorj Chalandon lui-même face à l’injustice.

On retrouve dans “L’enragé” toute l’empathie, la volonté de réparer les torts de Sorj Chalandon. Même si j’ai été moins emballée par la seconde partie du roman, cette lecture reste fort poignante.