Oliver Twist de Charles Dickens

La vie du jeune Oliver Twist ne commence pas sous les meilleurs augures. Sa mère meurt après l’avoir mis au monde, le laissant sans nom et sans famille. L’enfant est placé dans un hospice pour orphelins où ces derniers subissent mauvais traitements et malnutrition. Ces comportements sont d’ailleurs fortement encouragés par les autorités, le bedeau Mr Bumble l’explique bien à l’une des femmes ayant la charge d’Oliver : « La nourriture, Madame, la nourriture, répondit Bumble avec force sévère. Vous l’avez suralimenté, Madame. Vous avez suscité en lui un esprit et une âme artificiels, qui ne conviennent pas à une personne de sa condition, Madame, comme vous le dira le Conseil, Madame Sowerberry, qui est composé de philosophes pratiques : qu’est-ce que les indigents ont à faire d’une âme et d’un esprit ? Ca suffit bien qu’on leur permette d’avoir un corps vivant. » Oliver, ne supportant plus tous ces sévices, réussit à s’enfuir et à rejoindre Londres. Malheureusement pour lui, il tombe sur Jack Dawkins dit Le Renard. Ce dernier le fait alors entrer dans la bande de l’inquiétant Fagin.

« Oliver Twist » est un grand mélo traversé de grandes émotions, de grands sentiments incarnés par des personnages très typés. Chez Dickens, il n’y a pas de gris, c’est blanc ou noir. Les personnages sont bons ou mauvais et tout les désigne comme tels. Oliver est foncièrement bon, il ne franchit jamais la ligne du mal, il ne devient pas un voleur comme Fagin et Monks l’espéraient. Et cela se voit physiquement, Oliver a un visage d’ange ce qui lui permet d’attirer la bienveillance. A contrario, on comprend tout de suite que Fagin est méchant et veut courir à la perte d’Oliver. Dickens décrit son apparence comme étant « abjecte et repoussante ». Néanmoins certains personnages « mauvais » tentent de se racheter. C’est le cas de Nancy, la prostituée qui au péril de sa vie, va aider Oliver. Mais, comme je l’ai déjà dit, la réciproque n’est pas valable : les bons ne deviennent jamais mauvais !

Grâce à « Oliver Twist », Charles Dickens peut critiquer les dispositifs d’aide aux pauvres. L’hospice pour orphelins traite extrêmement mal ses pensionnaires. Les enfants reçoivent comme unique nourriture un bol de gruau et le récipient brille tellement les orphelins le lèchent ! Oliver se verra exclu de l’hospice pour avoir osé réclamer un deuxième bol. Les pauvres ne peuvent espérer sortir de la misère, tout est fait pour qu’ils restent dans les bas-fonds. Oliver ne peut compter que sur sa bonne étoile pour s’échapper des griffes de Fagin et sa bande.

Ce qui m’a le plus séduite dans « Oliver Twist » c’est l’humour de Charles Dickens. Sa dénonciation des conditions de vie des pauvres se fait par l’ironie. Il décrit les comportements des soi-disant bonnes personnes à l’aide d’antiphrases : « La personne d’un certain âge était une femme remplie de sagesse et d’expérience ; elle savait ce qui était bon pour les enfants (…) ». Elle garde en effet une grande partie de la pension qui lui est allouée pour prendre soin des orphelins ! L’humour de Dickens transparaît également dans ses interpellations aux lecteurs. Le narrateur d' »Oliver Twist » est omniscient et il s’adresse à nous pour expliquer la progression de son récit : « (…) on jugera peut-être inutile ce bref préambule au changement de scène qui va suivre. En ce cas, qu’on le considère comme une façon délicate, de la part du narrateur, d’annoncer qu’il fait retour à la ville où était né Oliver Twist, le lecteur pouvant être persuadé qu’il y a de bonnes et substantielles raisons d’effectuer le voyage, sans quoi on ne l’inviterait pas à se lancer dans une telle expédition. » Charles Dickens s’amuse également beaucoup dans les intitulés de ses chapitres : « Qui répare l’impolitesse d’un chapitre antérieur, où l’on avait abandonné une dame avec beaucoup de sans-gêne. » En commençant la lecture de ce roman, je ne pensais pas trouver autant d’humour ; la critique sociale de Dickens n’en est que plus vivante.

Un des personnages principaux de ce livre est la ville de Londres. Il y a beaucoup de descriptions des bas-fonds de la capitale anglaise. Ces passages du roman sont saisissants et très visuels. « Pour atteindre ce lieu, le visiteur doit passer par un dédale de rues sans air, étroites et boueuses, où se pressent les plus grossiers et les plus pauvres des riverains et dont le commerce est consacré à tout ce qui est censé convenir à pareille population. Dans les boutiques s’entassent les comestibles les moins coûteux et les moins délicats ; les articles d’habillement les plus rudes et les plus communs se balancent à la porte du marchand ou ruissellent par les fenêtres et le parapet de sa maison. » Le Londres de Dickens est une ville totalement insalubre, faite de ruelles sombres et sales où se côtoient les  mendiants, les voleurs, les orphelins et les familles pauvres. A l’époque, l’intérêt pour les quartiers déshérités se développait dans la littérature. En France, Eugène Sue écrivait « Les mystères de Paris » où il décrivait les lieux mal-famés  après y avoir passé de nombreuse nuits d’observation. la description du Londres sordide rentre bien évidemment dans la critique sociale de Dickens, le milieu de vie est propice à l’accentuation de la paupérisation des basses classes.

« Oliver Twist » était publié en feuilleton et des foules attendaient avec impatience la sortie des différents épisodes. Si j’avais vécu à l’époque de Dickens, j’aurais sans conteste fait partie de ces gens ! Ma première lecture de Charles Dickens dans le cadre d’une réunion de lectrices victoriennes a été une réussite. J’ai été passionnée par cette histoire et je ne vais pas attendre très longtemps avant de retrouver cet auteur.

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17 réflexions sur “Oliver Twist de Charles Dickens

  1. je n’ai jamais tenté l’expérience avec ce livre, mais je suis d’accord avec toi sur la certitude qu’à l’époque j’aurais attendu les romans-feuilletons avec impatience, dommage de ne plus connaitre ça…

  2. @Emjy : Dommage que tu fermes ton site mais je vais bien-sûr aller faire un tour sur ton forum. Merci de m’avoir donner l’adresse!

    @Faelys : ça devait être extraordinaire d’attendre la suite d’une histoire de la qualité de « Oliver Twist ». J’avais envie d’acheter « Les mystères de Paris » de Eugène Sue et de ne lire qu’un chapitre par jour pour retrouver l’atmosphère du feuilleton.

  3. Aaaaaah, tu as aimé Charlie! Et pour la même raison que moi, l’humour ironique! Ses réflexions me font mourir de rire! Faut lire Bleak House maintenant! Et moi, faut que je relise Oliver Twist!!!

  4. @Karine : Non je n’ai pas aimé Charlie, je l’ai adoré!!!! Depuis, j’ai lu « Temps difficiles » et je viens d’avoir « La maison d’Apre-vent » pour mon anniversaire! L’ironie de Dickens c’est un délice absolu et ses descriptions de Londres sont extraordinaires.

  5. Titine: Encore mieux! Je n’ai pas lu « Temps difficiles » (Très très hâte de lire ton billet!) mais je viens de terminer « Our mutual friend » (billet prévu dans quelques jours) et je viens de recevoir « Little Dorrit »… Dickens est un magicien!

  6. @Karine : J’ai beaucoup aimé « Temps difficiles », il est plus court, avec moins de personnages mais j’ai adoré le parti pris de Dickens qui défend bec et ongles les ouvriers. Normalement, je vais aussi avoir « Nicolas Nickelby » très bientôt. Quel est ton préféré?

  7. Je pense que c’Est impossible de choisir un préféré! C’est toujours le dernier en date, je pense!!! Mais j’ai un faible pour « La maison d’Âpre-Vent » et aussi pour celui que je viens de lire « L’ami commun ». David Copperfield, le plus autobiographique a un cachet particulier pour cette raison et « A tale of two cities » m’a fait verser des litres de larmes!! Mon prochain sera « Little Dorritt »!!!

  8. @Karine : Je crois que les deux préférés d’Isil (autre grande fan de Charlie) sont, comme toi, « La maison d’Apre-vent » et « L’ami commun ». Tu as de la chance de les lire en anglais, pour les trouver en français c’est la croix et la bannière! Il y a très peu de livres traduits en livre de poche, il faut acheter les livres dans les éditions de La Pléiade!

  9. Depuis que j’ai découvert la drôlerie de Dickens dans Un chant de Noël, il faut à tout prix que je lise ce roman !!! J’ai d’ailleurs envie de me jeter tous ses romans ! L’un des personnages principaux est Londres ! Suis déjà conquise!!!!!

  10. @ Maggie : J’ai eu la même réaction que toi après la lecture « Oliver Twist », je voulais tout lire ! J’ai lu bien évidemment « Le chant de noël » et aussi « Temps difficiles » dont tu as fait l’acquisition. J’ai également reçu en cadeau « La maison d’Âpre-vent ». Tu verras que le soucis de Dickens c’est le peu de livres de poche existants. Si tu veux lire ses oeuvres, il faut investir dans la Pléiade !

  11. @Bénédicte : C’est vraiment un grand roman qui nous emporte et comme toi j’ai beaucoup aimé les descriptions des quartiers pauvres de Londres. C’est ce qui me plaît beaucoup chez Dickens, son côté social.

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