Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald

Voilà une nouvelle relecture très bénéfique. Après avoir vu il y a quelque temps le splendide film de Jack Clayton (1974) avec Robert Redford dans le rôle-titre, j’ai eu immédiatement envie de me replonger dans le livre de Francis Scott Fitzgerald qui m’avait laissé de marbre lorsque je l’ai découvert il y a une vingtaine d’années. Et j’ai bien fait, car j’étais alors totalement passé à côté de ce chef-d’œuvre.

La magie de « Gatsby le magnifique » – l’écriture de Fitzgerald agit en effet comme un charme, un envoûtement sur le lecteur – tient avant tout au personnage éponyme, sorte de dandy, jeune millionnaire dont le passé mystérieux suscite les interrogations : a-t-il hérité sa fortune ? est-il un bootlegger, un parvenu ? dans quelles affaires trempe-t-il ? ne dit-on pas qu’il a tué un homme ? a-t-il vraiment, comme il le prétend, été un héros de la Grande Guerre, et fréquenté Oxford ? Il habite depuis peu une gigantesque demeure avec piscine en marbre et vingt hectares de pelouses et jardins, au bord d’une baie à Long Island. Il y donne de somptueuses fêtes auxquelles se presse la bonne société riche de New-York, insouciante, avide de plaisirs et d’aventures. Nous sommes au début des années 20, les « années folles », les « années jazz », les années de la prohibition et du capitalisme débridé.

Gatsby est au faîte de sa renommée. Mais derrière le clinquant du personnage perce une âme solitaire et mélancolique. S’il est venu s’installer à Long Island, c’est pour se rapprocher de Daisy, jeune femme qu’il a rencontrée avant de partir à la guerre, et qui vit de l’autre côté de la baie. Les deux jeunes gens se sont aimés pendant un mois, cinq ans auparavant, avant d’être séparés. Puis Daisy s’est mariée avec le riche Tom Buchanan, homme lourdaud et infidèle. Mais Gatsby n’a rien oublié de son amour et compte bien ressusciter le passé…

Le narrateur est Nick Carraway, un jeune homme venu du Midwest pour travailler comme agent de change à New-York. Il habite un modeste cottage à côté de la propriété de Gatsby. Il est aussi le cousin de Daisy, c’est pourquoi Gatsby sollicitera son aide afin de reconquérir cette dernière. Réticent à l’égard de Gatsby « qui représente tout ce qu’[il] méprise le plus sincèrement », il découvre peu à peu les failles du personnage, le rendant finalement touchant, à ses propres yeux comme à ceux du lecteur. Et il s’avèrera en fin de compte son seul ami.

On se rend compte que Gatsby n’a tant voulu s’élever et étaler sa réussite que pour attirer l’attention d’une seule personne, Daisy. Elle est le moteur de sa volonté, et son point faible. Il appartient à ces personnages au destin aussi brillant que fugace. Il apparaît aussi en décalage  avec ses contemporains, à une époque où l’on cherche avant tout à oublier le passé (la guerre) tandis que lui n’a de cesse de le rappeler. Le roman est saturé de nostalgie (telle qu’en éprouvait sans doute Fitzgerald lui-même, alors qu’il n’avait que 28 ans lorsqu’il l’écrivit !) et touche le lecteur par sa poésie. « Le visage clair de Daisy se levait lentement vers lui, et il sentait son cœur battre de plus en plus vite. Il savait qu’au moment où il embrasserait cette jeune fille, au moment où ses rêves sublimes épouseraient ce souffle fragile, son esprit perdrait à jamais l’agilité miraculeuse de l’esprit de Dieu. Il avait alors attendu, écouté encore un moment la vibration du diapason qui venait de heurter une étoile, puis il l’avait embrassée, et à l’instant précis où ses lèvres touchaient les siennes, il avait senti qu’elle s’épanouissait comme une fleur à son contact, et l’incarnation s ‘était achevée ». Laissez-vous porter par la musique de Fitzgerald.

  

16 réflexions sur “Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald

  1. @Maribel : alors n’hésite pas, surtout si tu l’as aimé à la première lecture (et même si tu ne l’as pas aimé d’ailleurs, on ne sait jamais).

    @kathel : je suis un fervent partisan de la relecture, même si je ne le fais pas aussi souvent que je le voudrais.

    @loulou : l’adaptation est splendide, restituant parfaitement l’atmosphère du livre, et la classe naturelle de Robert Redford colle parfaitement au personnage de Gatsby. A voir absolument !

  2. Première lecture, il y a très longtemps j’étais adolescente j’avais adoré. Il faut dire que j’ai eu une période Fitgerald, j’avais lu à la même époque le dernier Nabab. J’ai vu le film bien sûr il est superbe, puis j’ai relu ce livre quelques années après et je ne sais pas pourquoi, il me semble que j’ai été déçu ! Étrange n’est ce pas 😉

    • Je viens de le relire en cette fin d’année 2013 tout début 2014 dans la traduction de Julie Wolkenstein. Et cette relecture et cette nouvelle traduction a été bénéfique. Car c’est véritablement un petit bijou ce roman et ma fois très cruel aussi !

  3. Merci pour ce commentaire ! Gatsby est inscrit dans mon programme pour une lecture commune… et ma motivation va croissante ! Je ne manquerai pas de te faire part de mes impressions !

  4. @Alice : étrange, je ne pense pas, nos goûts évoluent, la preuve moi aussi avec ce livre même si j’ai eu l’expérience exactement inverse.

    @Pickwick : j’espère que le livre sera à la hauteur de tes attentes. Quoi qu’il en soit, j’attends ton avis.

  5. Je ne garde pas un bon souvenir de cette lecture mais j’étais jeune et je suis sûre que mes goûts ont évolué… Moi aussi, il faudrait que je le relise. Je profite de ce commentaire pour te proposer le prêt de la biographie de V. Woolf par Lemasson.

  6. Ravie de voir que le charme de ce roman a opéré sur toi aussi. De mon côté je viens de m’offrir Tendre est la nuit, pour ne pas en rester là avec Fitzgerald.

  7. @maggie : il ne faut pas rester sur une mauvaise impression, enfin pas toujours. Mais j’avoue que sans le film j’en serais resté là.

    @Karine : j’espère qu’il te touchera autant qu’à la première lecture, la relecture peut être à double tranchant.

    @Mea : c’est le seul que j’ai lu (deux fois donc…), mais je ne compte pas m’arrêter là maintenant que j’apprécie cet auteur.

  8. Je viens de le lire, et je suis totalement en accord avec ce que tu dis. C’est un livre à la fois doux et violent, entre la passion et le goût de la démesure de Gatsby et la nonchalance des autres personnages. Comme si un héros tragique s’aventurait dans une époque qui n’est pas à sa mesure.
    Je vais bientôt écrire mon billet !

  9. En effet Gatsby joue l’insouciance, celle de cette époque et de son milieu, alors que sa nature est profondément grave et mélancolique. Je viens de lire ton excellent billet, et de laisser un commentaire.

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