Jude Fawley, le héros du chef-d’œuvre de Thomas Hardy « Jude l’obscur », ne connaît qu’une vie d’erreurs, de renoncements et de malheurs. Enfant, il devient rapidement orphelin et doit déménager à Marygreen où une tante acariâtre se voit dans l’obligation de l’héberger. Le jeune Jude se doit de travailler pour aider sa tante, mais le garçon a déjà de plus hautes idées en tête. Un maître d’école lui a donné le goût des livres et du savoir. Jude souhaite intégrer un collège à Christminster, élever son esprit afin de changer sa vie. Il se donne beaucoup de mal, étudie sans relâche le latin et le grec, tout en apprenant le métier de tailleur de pierres. Sa volonté qui semblait sans faille se heurte vite à la réalité, à la nature profonde de l’homme. Jude est incapable de résister aux attraits de la belle Arabella et le mariage scelle son destin. Le rêve de savoir s’efface devant les besoins matériels. Le mariage ne dure pas, mais marque définitivement la vie de Jude. Le bonheur lui échappe sans cesse, même lorsqu’il croit l’avoir trouvé avec sa cousine Sue ; le sort ne fait que s’acharner contre lui.
Thomas Hardy traite de sujets modernes et ses deux personnages principaux, Jude et Sue, ont des aspirations trop en avance pour leur époque. Jude ne pense qu’à étudier, il a soif de savoir et espère ainsi sortir de sa condition. Son envie de s’élever, de sortir de la pauvreté par l’école est une évidence pour nous aujourd’hui. Ce n’est bien entendu pas le cas à l’époque victorienne. Les ouvriers regardent Jude comme un illuminé et se moquent de ses aspirations. Vouloir sortir de leur monde est pris comme une lubie et ils méprisent Jude qui se pense plus intelligent. Les collèges de Christminster le rejettent également à sa demande d’admission ; il reçoit cette réponse : « Monsieur. J’ai lu votre lettre avec intérêt, et jugeant d’après votre propre description que vous êtes un ouvrier, je me permets de penser que vous aurez bien plus grande chance de réussir dans la vie en demeurant dans votre sphère et en restant fidèle à votre métier plutôt qu’en adoptant une nouvelle voie. C’est donc ce que je vous conseille. » Chacun doit rester à sa place dans cette société très hiérarchisée ; vouloir changer de milieu est impensable.
Sue est également en avance sur son temps, ses idées sur le couple sont à contre-courant. Elle refuse d’épouser Jude alors qu’ils vivent ensemble et ont des enfants. Elle revendique la liberté dans le couple et considère le mariage comme une prison. Sue ne veut appartenir à personne ; le mariage pour elle n’a rien à voir avec les sentiments. La tante de Sue et Jude l’explique bien : « Les Fawley ne sont pas faits pour le mariage : cela ne tourne jamais bien pour nous. Il y a quelque chose dans notre sang qui n’accepte pas d’être contraints à faire ce que nous subirions volontiers librement. » Mais, Sue aussi doit revenir sur ses idéaux.
Car Thomas Hardy était un grand pessimiste ; la fatalité frappe toujours ses personnages. Jude renonce à ses idéaux car il est impossible de s’extraire de sa classe, mais également à cause des femmes. Jude est un être très charnel, très sensuel qui ne peut résister à leur attrait. Avant d’arriver à Christminster, son rêve de collège est réduit à néant par son mariage avec Arabella. Il se voit ensuite devenir prêtre, mais l’amour de Sue est plus fort : « Il aurait beau jeûner et prier dans l’intervalle, l’humain était plus puissant en lui que le divin. » Jude devra d’ailleurs payer bien cher pour ses faiblesses trop humaines. La société victorienne ne peut supporter les aspirations du jeune couple. Le fait qu’ils ne soient pas mariés est rapidement connu et l’opprobre s’abat sur eux. Ils sont alors dans l’obligation de changer souvent de villes jusqu’au terrible et implacable drame.
Je le redis, « Jude l’obscur » est un chef-d’œuvre de la littérature anglaise. J’étais totalement en empathie avec Jude et Sue, si modernes, si humains. Le drame de Jude Fawley fait penser aux tragédies antiques. Son destin semble tout tracé ; la fatalité ne l’épargne pas. Le lecteur souffre avec lui de ce déterminisme terrible de l’ère victorienne. Ce livre montrant les déchirements de l’âme humaine est tout simplement magistral.
Ce beau compte-rendu me donne envie de lire ce roman, d’autant que j’apprécie énormément Thomas Hardy.
Je n’aurais pu écrire mieux sur ce livre ! Jude est effectivement un chef d’oeuvre, bien trop en avance sur son temps… Thomas Hardy a tellement heurté la moralité victorienne, et a tellement été montré du doigt qu’il a fait de Jude son dernier roman.
Je suis contente de lire une critique positive ! Ca me donne enfin envie de l’ouvrir ! Il dort dans ma pal depuis tellement longtemps !!
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!
Hum… je me reprends….
J’ai très envie de découvrir ce chef-d’oeuvre de la littérature anglaise. Et non, ce n’est pas seulement parce que Christopher est sur la couverture. 😉
@Schlabaya : Si tu apprécies Thomas Hardy, tu es OBLIGEE de lire Jude !!! C’est vraiment un immense roman et un énorme coup de coeur pour moi. Qu’est-ce que tu as lu de Hardy.
@Cryssilda : Merci m’dame ! Oui c’est étonnant à quel point il pouvait être en avance dans ses thématiques. En revanche, je ne savais pas qu’il avait arrêté d’écrire à cause des moralisateurs victoriens…quel dommage ! Heureusement qu’il avait beaucoup écrit avant !
@Vilvirt : Je suis contente de te donner envie de déterrer Jude de ta PAL ! J’espère que ce roman va te plaire, c’est vraiment une oeuvre extraordinaire.
@Caroline : Bizarrement j’ai pensé à toi en choisissant cette couverture…mais c’est vraiment la couverture de mon livre de poche, c’est d’ailleurs grâce à ça que j’ai fait le lien Jude/Doctor Who. Et tu as raison d’avoir envie de le lire, c’est un grand classique de la littérature anglaise et c’est juste génial.
Tess d’Urberville, superbe, et aussi Deux yeux bleus dont je me souviens mal, peut-être encore un autre, mais ça date !
Je veux le lire depuis des lustres! Je note et je souligne! Ton avis achève de me convaincre!
@Schlabaya : Bien évidemment je veux lire les deux dont tu parles ! je suis en train de devenir une Hardy addict !
@Allie : Tant mieux si je te décide à le lire, je pense que tu ne seras pas déçue et prépare les mouchoirs !
Je veux lire Hardy depuis je ne sais pas combien de temps et j’hésitais entre Tess et celui-ci. Je ne sais toujours pas. C’est terrible, l’indécision!
@Karine:) : Je n’ai qu’un conseil à te donner : lis les deux !!! Je veux également lire Tess qui est un immense roman dont j’avais adoré l’adaptation de Polansky. Tu peux commencer par Jude comme ça tu auras le plaisir de voir le film avec Christopher !!
Tout à fait d’accord : un très beau livre, à lire toutes affaires cessantes !
C’est le livre qui m’a fait découvrir Thomas Hardy et depuis j’ai essayé de lire son oeuvre avec bonheur, un grand livre et un grand auteur qui est un peu méconnu en France
Je ne l’ai pas lu, mais dans mon imaginaire, c’est le livre le plus déprimant du monde… Cela dit, il faudrait que je lise d’autres livres de Thomas Hardy.
@Kathel : Entièrement d’accord avec toi ! Il faut absolument lire « Jude l’obscur » !
@Dominique : Comme toi j’ai commencé à découvrir Thomas Hardy avec « Jude l’obscur » et j’ai déjà lu un autre de ces romans ! C’est vrai que c’est un des auteurs victoriens les moins connus et c’est vraiment dommage.
@Lilly : Je ne vais pas te mentir : « Jude l’obscur » est effectivement un livre déprimant et j’ai eu besoin d’un mouchoir pour le finir. Mais c’est un livre magnifique, d’une grande modernité et l’écriture est d’une grande finesse. Vraiment cela vaut le coup de le lire !
As-tu vu l’adaptation? Elle est sortie il y a quelques temps, mais c’est vraiment un bon film. Je prévois aussi de lire le roman!
@La Nymphette : oui j’ai vu l’adaptation lors de sa sortie et je l’ai revue après la lecture du livre. C’est effectivement un très bon film avec deux excellents acteurs. Mon seul regret est la fin qui est très différents de celle du livre mais je ne t’en dis pas plus, tu verras par toi même !
J’ai découvert récemment votre blog. Et ce que je voudrais vous dire, c’est ceci : il est si rare de lire des textes si bien rédigés, balancés, équilibrés, parmi les blogs littéraires d’aujourd’hui. Je trouve votre style impeccable, c’est un plaisir de vous lire.
J’entends : « il ne faut pas juger sur le physique »…
Erreur : en esthétique, c’est le physique qui compte.
En effet très beau billet ! Un livre sublime, j’ai moi aussi beaucoup aimé comme toi !!!!
Les histoires tristes à en mourir sont pour moi la marque des très grands romans 😉
Je te signal que la couverture de ton livre ne s’affiche plus.
@Alice : Merci Alice ! Oui c’est vraiment un livre extraordinaire que j’ai adoré. Si tu aimes les histoires tristes, tu dois beaucoup aimer les livres de Thomas Hardy qui est le roi des pessimistes !
@Vincent : Je viens de découvrir votre commentaire, malheureusement bien tard car unblog ne me l’avait pas signalé. Je vous remercie pour votre message qui me fait extrêmement plaisirs. J’espère que depuis vous avez continué à venir ici.
J’avais beaucoup aimé Tess d’Urberville il y a quelques années. Il Cette histoire m’avait profondément touchée. Je possède Jude l’obscur. Il faut que je le lise. Très bel article!
Je n’ai toujours pas lu Tess car j’ai encore deux Thomas Hardy dans ma PAL. J’ai été bouleversée par le destin de Jude, c’est un roman magnifique et très dur.