Me voilà devant une tâche des plus ardues : résumer « La guerre et la paix », le chef-d’oeuvre de Leon Tolstoï. L’oeuvre est tellement foisonnante, romanesque qu’il est difficile de la réduire à quelques phrases. Il me faut néanmoins tenter de relever le défi.
L’histoire se déroule de 1805 à 1813 durant les guerres opposant Napoléon Bonaparte à la Russie. Plongées dans ce chaos politique, plusieurs familles se croisent : les Rostov, les Bolkonski, les Bézoukhov, les Kouraguine pour ne parler que des personnages majeurs. Leurs vies, leurs destins se lient, se délient au gré des réceptions, des bals et des champs de bataille. La fresque de Tolstoï est bien entendu centrée sur l’aristocratie russe et l’évolution de ses membres face à la violence et la cruauté de la guerre.
Leon Tolstoï a écrit plusieurs versions de « La guerre et la paix ». Le roman fut d’abord publié dans la revue « Le messager russe » de 1865 à 1866. Puis il parut dans les Oeuvres en six volumes en 1868-1869 et c’est la version la plus couramment utilisée. Les éditions Points proposent une version datant de 1873, l’action est centrée sur la période des guerres napoléoniennes contrairement à la version précédente qui allait jusqu’en 1820. Tolstoï a considérablement réduit ses pensées philosophiques et a rendu son histoire plus palpitante.
« La guerre et la paix » raconte la quête d’identité, de sens des personnages principaux. Pierre Bézoukhov est assez emblématique de cette recherche et du roman car il est souvent le porte-parole de Leon Tolstoï. Pierre est un jeune aristocrate qui choque ses contemporains en soutenant Bonaparte. L’héritage faramineux de son père change sa vie. Mais pas forcément en bien car Pierre est un grand naïf : « Après l’ennui de la solitude qu’il avait éprouvé dans la vaste demeure de son père, Pierre se trouvait dans l’état de bonheur d’un jeune homme qui aime tout le monde et qui ne voit que le bon côté de chacun. » Il épouse Hélène Kouraguine qui ne voit que son argent. Ce mariage tourne vite au désastre. Pierre se tourne vers la franc-maçonnerie, s’essaie au socialisme et ne trouve sa voie qu’après un séjour en prison.
Natacha Rostov cherche également son chemin durant tout le roman, elle est une toute jeune femme lorsque le lecteur fait sa connaissance. Elle est très vive, très enthousiaste et frivole. Natacha est un personnage par moment assez agaçant à cause de son inconséquence. Elle veut vivre le grand amour, ressentir de grandes émotions et change donc fréquemment d’objet de désir. Son jeune âge explique son comportement et les évènements se chargeront de la faire mûrir.
Andreï Bolkonski est pour moi le plus beau personnage du roman. C’est celui qui va le plus évoluer, le plus changer durant l’histoire. C’est, au début du roman, un aristocrate hautain et méprisant. La haute société l’ennuie, il délaisse sa femme. Ravi de partir sur le champ de bataille, il pense enfin s’accomplir mais la réalité des combats lui fait revoir ses priorités. Andreï est admirable d’honneur, d’abnégation et d’intelligence.
Comme je le disais précédemment, Pierre est la voix de Leon Tolstoï. L’auteur fait passer des messages politiques notamment à propos du sort des paysans, des moujiks qui lui tenait tellement à coeur. Pierre veut les libérer, les soigner et les éduquer. On sait que Tolstoï, l’aristocrate, passa la fin de sa vie à accomplir ce rêve, habillé lui-même en moujik. Les idées de Tolstoï se ressentent également dans l’importance de la nature qui est souvent source de réflexion et d’émerveillement. « On le ramassa et on le jeta sur la civière. Nikolaï Rostov se détourna comme s’il cherchait quelque chose, il regarda l’horizon, l’eau du Danube, le ciel, le soleil. Le ciel lui paraissait tellement beau et bleu, calme et profond ! Le soleil qui déclinait était si brillant et solennel ! L’eau du lointain Danube scintillait d’un éclat si vif et si tendre ! Et les montagnes qui bleuissaient au loin, au-delà du Danube, le monastère, les vallons mystérieux, les pinèdes inondées de brouillard jusqu’à la cime des arbres, étaient plus belles encore… là-bas, tout ne semblait que calme et bonheur. »
Je crois que je pourrais encore vous parler longtemps de ce roman magnifique. Je voudrais encore insister sur deux points. Tout d’abord le style de Tolstoï est d’une grande fluidité, les 1239 pages du livre coulent sans peine. Ensuite il ne faut pas vous laisser intimider par les scènes de batailles qui sont fabuleuses. Je n’oublierai pas de sitôt la bataille d’Austerlitz, la prise de Smolensk ou celle de Moscou. « La guerre et la paix »est une splendeur, chaque personnage y est finement traité et analysé, un bonheur total de la page 1 à la page 1239.
Une lecture commune avec Isil , Vounelles , Lamalie, Stéphanie, Madame Charlotte, Emma, Cryssilda et Erzie mais toutes n’ont pas encore fait leurs devoirs !!!
Il faut que je le lise : ton très beau billet m’y incite. Effectivement, à la lecture du titre, on ne s’attend pas à une quête d’identité… si le style est fluide, je ne peux que me jeter sur ce classique que je n’ai pas encore lu… mais je croule un peu sous mes lectures en ce moment, en partie à cause des titres que je note sur ce site 🙂
J’ai lu la version longue et je ne sais pas si cette version raccourcie m’aurait mieux convenu (hé hé, mais je ne vais pas retenter une relecture, j’ai eu ma dose pour le moment). En même temps, je suis assez contente d’avoir lu l’oeuvre telle que Tolstoï l’imaginait à la base, même si la postface sur les années 1820 est au final plutôt déprimante. Enfin bref, nous n’avons pas totalement le même ressenti mais je suis tout à fait d’accord avec toi pour Andrei 😉
Une lecture incontournable, oui le style est étonnamment fluide… Même si j’ai sauté la fin de la conclusion…
Ahhhhh, Andreï … J’étais complètement amoureuse de lui … Je le suis toujours un peu, d’ailleurs 😉 !
En revanche, Pierre m’a vraiment profondément ennuyée !
Bravo pour ta lecture (je n’aurais jamais pu tenir la date) et pour ce beau billet qui donne furieusement envie de se jeter sur le livre. J’ai vu l’adaptation de France 2 il y a quelques années, j’avais bien aimé. Je possède aussi la version avec Audrey Hepburn, mais elle est très longue je crois, il faut que je planifie un visionnage.
Je ne l’ai jamais lu mais c’est un roman que je rêve de lire. Je ne l’ai toujours pas fait car j’ai peur de me décourager et d’abandonner car il faut vraiment avoir le temps de lire plus de 1000 pages!
C’est un pavé que je lirai… un jour ! Mais j’ai pris grand plaisir à découvrir tes impressions, moi qui croyais que les scènes de batailles étaient ennuyeuses…
@Maggie : Je suis navrée d’aggraver l’état de ta PAL ! Quand tu auras du temps devant toi, je te conseille chaudement « La guerre et la paix » qui se lit tout seul grâce à la grande fluidité du style. Et je trouve, contrairement à d’autres lectrices, que l’on ne se perd jamais dans les noms des différents personnages.
@Zarline : Je viens de lire ton article et je pense que tu aurais mieux apprécié « La guerre et la paix » dans sa version de 1873. Tu aurais en effet été débarrassée des longs passages philosophiques et de leçons de vie de Tolstoï. Et tu n’aurais pas été déprimée par la fin du roman ! Je comprends que tu n’aies pas très envie de remettre ça tout de suite, j’ai également très envie de lire la version plus longue mais ça va attendre !!!
@Keisha : Tu as du lire la version plus longue du roman ce qui explique le fait que tu aies zappé la fin de la conclusion ! 😉 C’est vraiment un roman qui se lit tout seul, le style est tellement agréable.
@Céline : Ah Andreï…quel homme !!! C’est vraiment un magnifique personnage qui évolue énormément dans le roman. Pierre est beaucoup plus indécis, beaucoup effacé mais ses réflexions sont intéressantes.
@Lilly : Merci Lilly, j’avais très peur de ne pas tenir le délais mais c’est vraiment un livre qui se lit très facilement. J’avais également vu la version de France 2 mais je ne m’en souviens pas bien. Je dois également revoir la version avec Audrey Hepburn que j’ai achetée pour l’occasion. Les deux adaptations reprennent la version de 1868 et le destin de certains personnages change beaucoup (notamment celui de mon chouchou Andreï).
@Fleur : J’avais moi aussi peur des 1000 pages et de traîner le volume pendant des semaines. Au final je l’ai lu en 15 jours et en étant peu dispo en raison du travail. Le style est tellement fluide que les pages se tournent toutes seules !
@Schlabaya : Je suis ravie de voir que je t’ai donné envie de lire ce classique de la littérature russe. Outre le nombre de pages, j’étais également inquiète en raison des scènes de batailles. Je n’aime pas du tout les descriptions de batailles, cela m’ennuie en général. Mais là j’ai trouvé cela palpitant, en fait il ne rentre pas tellement dans les détails et c’est toujours selon le point de vue d’un personnage que nous découvrons les champs de batailles. Mais tout le monde n’est pas d’accord sur ce point, je viens de lire l’article de Zarline qui n’a pas du tout aimé les passages de guerre. Je crois que tu vas devoir te faire ton propre avis !
Tu m’as donné envie de le lire et surtout le courage de me dire que je suis capable de le lire sans le laisser tomber ! Un grand merci.
Tu vois que ça servait à rien de râler!!! :-))) Je suis ravie de ton enthousiasme 🙂
@Cryssilda : Oh je n’avais pas râler tant que ça ! Je suis très contente de l’avoir lu en tout cas et en plus c’est un livre génial…merci copine !!
Critique vivante, pertinente et qui donne certes envie de lire -aussi- cette version.
Car ans vouloir jouer au rabat-joie, je dois préciser tout de même que Tolstoï a finalement opté pour la version « longue » du roman, et qui ne comporte pas seulement des « dissertations » certes parfois lourdes, discutables et ralentissant le rythme du roman; c’est malheureusement le récit lui-même qui est modifié et subit de nombreuses, et disons-le, de massives coupures à mon avis souvent injustifiées voire dommageables, dans la version « courte », surtout dans le dernier quart du roman.
Aussi pour ma part j’avoue rester un fan de la version longue, celle que proposent notamment les éditions de la Pléiade et la collection Folio…
1600 pages en Pléiade, oui; mais ce sont 1600 pages de merveilles et de bonheur rarement égalés dans la littérature, sinon par quelques rares autres génies du roman comme Cervantès ou Proust…
@Oscar : Mais j’ai bien l’intention de lire la version la plus longue ! D’autant plus qu’il y a des modifications significatives de l’intrigue par rapport à la version plus courte. Je te rassure le nombre de pages ne me fait absolument pas peur surtout quand il s’agit de Tolstoï dont l’écriture est si fluide.