En 1873 à Londres, un personnage attire l’attention de toute la bonne société. Augustus Melmotte est un financier à la réputation sulfureuse mais c’est son argent qui lui vaut sa popularité. La vieille noblesse, à bout de souffle pécuniairement, voit en Melmotte une occasion de se refaire une santé. Pour récolter une partie du pactole, deux possibilités s’offrent aux Lords : adhérer à la compagnie du chemin de fer du Pacifique Centre et Sud et du Mexique, dont Melmotte est le président pour l’Angleterre, ou épouser la fille du financier, Marie. Certains, comme le futile et dépravé Sir Felix Carbury, tentent de faire les deux. La course à la spéculation et au mariage est lancée dans l’aristocratie londonienne.
Ce résumé ne vous donne qu’un mince aperçu de ce que contient ce foisonnant roman d’Anthony Trollope. « Quelle époque ! » (« The way we live now » en anglais mais le titre français traduit bien l’ironie de l’auteur) passe au tamis du sarcasme l’aristocratie, les milieux financiers, littéraires et journalistiques. Anthony Trollope a écrit une vaste et dynamique fresque qui fourmille de personnages et d’intrigues.
Au centre de cette satire se trouve donc Augustus Melmotte. Personne ne sait d’où il vient ni comment il est devenu si riche. Les rumeurs vont bon train et il semble évident que cette immense fortune a des origines malhonnêtes. Néanmoins les aristocrates courtisans ne manquent pas. Les Lords ne sont pas très regardants. « La noblesse gaspille l’argent ; le commerce le gagne ; et alors le commerce achète la noblesse, en lui permettant de redorer son blason. » Anthony Trollope nous montre précisément ce moment où l’argent change de main. La finance prend l’ascendant sur les vieilles familles aristocratiques en achetant leurs propriétés, en faisant des mariages pour acquérir des titres ou en se présentant au parlement comme le fera Melmotte. Ce thème est très moderne et finalement toujours d’actualité. La compagnie du chemin de fer du Pacifique Centre et Sud et du Mexique n’est qu’une vaste supercherie basée uniquement sur la spéculation. Peu importe que le chemin de fer soit construit du moment que les actions se vendent. Melmotte incarne parfaitement ce monde financier corrompu. C’est un homme détestable, méprisant et imbu de lui-même. Il considère sa femme et sa fille comme des marchandises et les maltraite. Marie Melmotte doit épouser le prétendant choisi par son mère et non l’élu de son cœur, Sir Felix Carbury. Même si ce choix est loin d’être judicieux, la jeune femme fera preuve de beaucoup de force de caractère pour défier son terrible père. La révolte de Marie correspond au moment où la chute de l’empire Melmotte est amorcée.
Le financier n’est pas le seul personnage détestable, d’ailleurs peu sont ceux qui sont véritablement honnêtes et bons. Seuls Roger et Hetta Carbury, le cousin et la soeur de Sir Felix, n’ont rien à se reprocher. Sir Felix remporte la palme de la bêtise et de la suffisance. Le livre s’ouvre sur trois lettres envoyées par Lady Carbury à des journalistes pour obtenir de bons articles sur son essai historique. Si elle est obligée de s’abaisser à flatter les critiques, c’est uniquement pour espérer rembourser les lourdes dettes de son fils. L’obséquieuse Lady Carbury est en fait une mère aimante et pardonnant trop à son fils unique. Sir Felix dilapide l’argent de la famille dans son club minable où il passe des soirées arrosées autour de la table de jeu. Il n’a aucune conscience, aucun sentiment, seul son intérêt et son bien-être l’intéressent. C’est Hetta Carbury qui devrait se sacrifier pour sauver les finances familiales. Sa mère la voudrait mariée à son riche cousin Roger mais elle est amoureuse d’un autre homme, Paul Montague. Mais les jeunes femmes ont du caractère chez Anthony Trollope. Hetta, comme Marie Melmotte, ne laissera pas sa famille choisir son destin.
« Quelle époque ! » est une grande réussite : les intrigues sont parfaitement menées, les personnages sont complexes et ne laissent pas indifférents, l’écriture et fluide et pleine d’humour. Un grand auteur victorien que j’aimerais voir plus réédité en français.
Une lecture commune organisée par Adalana et avec Shelbylee, Camille, Syl, Céline et Denis.
Belle prose ! J’aime plus lire vos billets que le livre lui même !!!
Biz
Merci ! C’est vrai que j’ai passé un meilleur moment que toi à la lecture de ce roman et apparemment ça se sent bien dans mon billet !
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Un livre qu’il est difficile de résumer tant les intrigues et personnages sont nombreux, merci pour ta participation à cette lecture commune !
Merci à toi de l’avoir organisé, il était dans ma PAL depuis trop longtemps. C’est même impossible de le résumé tant ce roman est dense. Trollope est fort !
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Très bien, n’est ce pas, ce Trollope? J’avais bien aimé aussi (hum, j’ai lâchement abandonné un challenge Trollope…)
Oui un très bon Trollope mais je crois qu’il doit y avoir peu de Trollope décevants !
Il faut évidemment que je le lise et je suis bien triste de ne pas avoir été prête à temps ! Tu as aimé ? Ca ne m’étonne pas même si pour l’instant je ne connais que miss McKenzie !
J’ai aimé et Anthony Trollope fait partie de mes chouchous victoriens. Il n’est plus beaucoup traduit en français malheureusement mais il gagne à être plus connu.
Découvrir Trollope est mon challenge perso de cette année. J’ai donc acheté ce livre, et pleuré devant la taille de la police. Heureusement que c’est très bien et que tu es là pour me donner des encouragements !
Je me souviens d’avoir vu ton challenge perso chez Romanza. Tu aurais du acheter la version Fayard qui est plus lourde et plus chère mais tellement plus lisible. Mais Trollope vaut la peine que tu te fasses mal aux yeux !
Finalement, Trollope est deja un feministe 😉 mais tu as raison, Il est bien trop rare en français !!
Je n’ai pas voulu employer ce mot mais par rapport à beaucoup de victoriens, il ne maltraite pas ses personnages féminins. J’espère que Fayard va continuer à traduire les grands romans et il y a également les éditions Autrement qui en ont sortis.
Rebonjour Titine, Quelle époque! Quel livre! J’ai beaucoup beaucoup aimé. C’est le premier Trollope que je lisais. Une belle surprise. Ce n’est jamais ennuyeux bien que cela soit long. http://dasola.canalblog.com/archives/2010/09/03/18946250.html Bonne journée.
je suis bien d’accord avec toi, ce n’est jamais ennuyeux. J’ai vraiment adoré cette fresque victorienne. Je vais aller lire ton billet.
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Dommage, j’ai raté cette LC! avant on ne pouvait pas lire Trollope en français ; je n’ai pu le découvrir que depuis quelques années mais je ne connais pas celui-ci.
Il est même sorti en poche, ce qui est un véritable exploit pour un roman de Trollope. Le pauvre n’est pas très bien traité par les maisons d’édition même si Fayard et les éditions de L’Herne viennent d’en sortir.