À Coca, petite ville de Californie, un caïd de la politique surnommé Boa, décide de faire sortir de terre un vaste pont dont la construction valoriserait la ville. « Le vieux Golden Bridge est dans le collimateur. L’ouvrage est étroit, il étrangle le trafic, d’où énervements, doigt d’honneur brandi à travers les vitres, lenteur et mise en péril des affaires. Il est insuffisant. Le Boa ne peut plus le voir sans entrer en rage. Je veux en finir avec le lent, le vieux, le poussif. Je veux qu’on le détruise. Qu’on le foute à la casse, au rebut, qu’on le fasse pourrir, dépecé. » Ce projet grandiose attire les travailleurs du monde entier, à commencer par le charismatique Diderot, chef de chantier reconnu et respecté. Tous vont contribuer à l’édification de ce pont, cet élément concret de modernité.
Le choix du thème peut sembler étonnant mais la force de Maylis de Kerangal est de transformer la construction d’un pont en une véritable odyssée. Elle explore de manière presque documentaire les tenants et les aboutissants d’un tel projet : l’histoire du lieu, le contexte de la construction, l’environnement et ses habitants, chaque intervenant du chantier nous est connu. Elle épuise totalement le sujet. Maylis de Kerangal souligne par son récit qu’un tel projet est avant tout une affaire d’hommes. Ce sont tous les acteurs du chantier qui mettent à jour ce pont, qui joignent leurs forces, leurs connaissances pour élever l’édifice. Elle rend hommage à cette chaîne humaine capable de créer des objets architecturaux plus grands qu’elle. Dans ce magma humain, se forgent des destins, se dessinent des trajectoires, naissent des histoires d’amour et d’amitié. L’auteur souligne également la volonté farouche de l’homme à toujours vouloir marquer de son empreinte son environnement, de le domestiquer.
La puissance de la langue de Maylis de Kerangal, déclamatoire et poétique, rend palpitante, haletante cette construction.
Depuis « Corniche Kennedy », le travail de Maylis de Kerangal s’est affiné, sa langue s’est encore affûtée. « Naissance d’un pont » est un roman absolument remarquable et il est donc indispensable de le lire.
Je ne connais pas encore cet auteur et le thème ne m’attirait pas mais pourquoi pas, je note après avoir lu ton billet qui donne envie d’en savoir plus !
Le thème ne me donnait pas envie non plus. Mais Maylis de Kerangal a l’art de transformer en matériau littéraire n’importe quel sujet.
J’avais beaucoup aimé l’écriture mais le thème ne m’avait pas enthousiasmée. Réparer les vivants fut pour moi la superbe rencontre de cette écriture et du thème parfait. Je suis en train de lire Corniche Kennedy.
J’ai également adoré « Réparer les vivants », j’en parle la semaine prochaine. J’avais aussi aimé « corniche Kennedy » mais moins que les deux derniers. Son écriture est vraiment extraordinaire.
J’ai bien aimé « corniche kennedy », plus encore « réparer les vivants ». Le thème de celui-ci ne me tente pas.
Il est vrai que le sujet est peu attrayant mais le talent de l’auteur le transcende complètement.
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