L’astragale de Albertine Sarrazin

9782757854662

Anne saute du mur de la prison où elle est incarcérée pour un braquage dans une boutique de vêtements. En tombant, elle se fracture l’astragale, l’os du pied qui s’articule avec le péroné. Anne ne peut se relever et rampe jusqu’à la route. Un homme s’arrête, comprend d’où elle vient et refuse de l’emmener. Mais il arrête pour elle une autre voiture. Deux hommes sont à l’intérieur, celui qui en descend cache Anne dans les sous-bois et promet de venir la chercher. Anne l’attend dans l’herbe, la cheville douloureuse : « Je souriais, la bouche contre les racines de l’arbre ; maintenant j’étais complètement allongée, je trempais dans l’herbe, je me glaçais peu à peu. À l’autre bout de moi, ma cheville menait grand tapage, fondait en rigoles incandescentes à chaque pulsation de mon cœur : j’avais un nouveau cœur dans la jambe, mal rythmé encore, répondant désordonnément à l’autre. »  L’homme revient chercher Anne à moto. Il se nomme Julien. Il vit de vols et autres petits larcins. Entre planques, opérations de la cheville et séjours en prison, Anne et Julien vont s’aimer follement, passionnément.

« L’astragale » à été écrit en 1964 par Albertine Sarrazin lors d’un de ses séjours en prison. Le récit d’Anne est le sien, c’est sa vie mouvementée qu’elle nous raconte. Et son histoire est totalement rocambolesque et romanesque. Rencontrer l’homme de sa vie au bord d’une route après une évasion est déjà en soi un événement qui semble irréel. Et leur vie à tous les deux ne cesse d’étonner, de fasciner. Le roman d’Albertine Sarrazin avait défrayé la chronique lors de sa sortie. En effet elle évoque de nombreux thèmes sensibles : la vie en prison, les casses, la prostitution, l’homosexualité. Ce qui frappe, c’est l’incroyable soif de liberté de cette femme prête à tout pour mener sa vie comme elle l’entend. C’est une insoumise, une révoltée voulant vivre à la marge, loin des conventions, loin de la morale. Mais surtout pas sans Julien.

Dans « L’astragale », Albertine évoque également les souffrances physiques dues à sa fracture mal soignée. Sans pathos, sans pleurnicherie, elle nous raconte sa manière d’appréhender la douleur, de dompter cette cheville qui toujours la fera boiter. « Plus jamais je n’aurai de pointe de pied, adieu talons hauts, je vais boiter et toi tu vas être la béquille d’une fille estropiée, qui ne saura pas ce que tu en attendais peut-être, qui ne saura pas même se réaliser… L’avenir trébuche : comment être maintenant audacieuse, insolente ? »

Mais que serait ce récit sans la langue d’Albertine Sarrazin ? On pense immédiatement à l’écriture de Céline. Albertine à effectivement une voix proche de celle de l’ermite de Meudon. Son style est âpre, argotique mais surtout infiniment poétique. C’est une écriture, une vraie, qui transcende son expérience et en fait de la littérature.

 Je vous recommande donc la lecture de « L’astragale » pour la voix singulière d’Albertine Sarrazin et sa destinée hors du commun. Je vous conseille aussi de voir la très belle adaptation qu’en a réalisée Brigitte Sy avec les formidables Leila Bekhti et Reda Kateb.

Un grand merci aux éditions Points qui m’ont permis de découvrir enfin ce roman.

Points

3 réflexions sur “L’astragale de Albertine Sarrazin

  1. Je suis en train de penser qu’il faut que je découvre l’Astragale autrement que par la BD qui m’a déçue, peut-être le film ce weekend ?

    • J’espère que tu aimeras le film que j’ai beaucoup aimé et qui rend bien l’atmosphère du roman. Cela te donnera peut-être envie de le lire ensuite.

  2. Pingback: Bilan plan Orsec et films d’avril | Plaisirs à cultiver

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